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Le Maracana reste un mythe, mais ce n'est plus tout à fait le Maracana

Laurent Vergne

Mis à jour 26/06/2014 à 16:05 GMT+2

C'est LE stade de football qui a le plus fasciné les amoureux du football à travers la planète. Un mythe. Une légende. La cathédrale du ballon rond. Le Maracana, qui accueille les Bleus mercredi soir et sera le théâtre de la finale du Mondial, n'a pourtant plus grand-chose du monumental géant de béton qu'il fut.

Maracana, 2014

Crédit: Panoramic

Il n'y en a pas deux comme lui. Maracana. Huit lettres pour un mythe. Un pouvoir d'attraction absolument unique. Seul Wembley, avec son histoire plus que séculaire, peut rivaliser. Mais le vénérable stade londonien n'exerce pas la même fascination. C'est autre chose. Le Maracana, 64 ans au compteur, a beau être plus récent que d'autres enceintes légendaires, comme Wembley ou ses voisins sud-américains, le Centenario et le Monumental, il possède un petit quelque chose en plus. Dans dix-huit jours, le Maracana rejoindra le stade Aztèque de Mexico avec deux finales de Coupe du monde au compteur. Mais le Maracana n'a jamais eu besoin de rien ni de personne. Pas même d'une Coupe du monde. Il se suffit à sa propre légende. Ou plutôt, il s'est longtemps suffi à lui-même.
A quoi tient la fascination d'un lieu ? Il est difficile d'en définir ou d'en mesurer l'aura. Dans le cas du Maracana, toutefois, deux éléments semblent avoir été primordiaux. Sa taille, d'abord. Dans l'imaginaire, c'est le stade aux 200.000 places. Un chiffre surréaliste, qui a incontestablement contribué à lui conférer sa place unique. Alors que, par grand stade, on entendait généralement 70, 80 voire 100.000 places, le stade carioca a explosé les normes. Il n'y en avait pas deux comme lui. 200.000 personnes, pour tenter de matérialiser, c'est environ deux Camp Nou posés l'un sur l'autre. Deux Stades de France auquel vous grefferiez le Parc des Princes. Une œuvre monumentale. Au-delà de ses élégantes courbes elliptiques et du cadre de carte postale carioca, c'est bien ce chiffre, qui claque comme une gifle à l'imagination, qui a fondé le mythe : 200.000.
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Le Maracana en 1950

Crédit: Imago

Qui dit Maracana dit football, qui dit Brésil dit football, qui dit Maracana dit Brésil

Officiellement, le Maracana n'a jamais compté 200.000 places. Lors de son inauguration, en 1950, sa capacité était de 183.254 places. Mais lors de la Coupe du monde, cette année-là, le cap des 200.000 a été atteint au moins à deux reprises, face à l'Espagne et lors de la "finale" contre l'Uruguay. Tous ceux qui, dans ses premières années, ont découvert le Maracana, en sont revenus estomaqués. Si le football est une religion, le Maracana en est presque instantanément  sa plus extraordinaire cathédrale. Oduvaldo Cozzi, mythique commentateur brésilien à la radio puis à la télé, a peut-être le mieux défini  la puissance de l'endroit : "C'est un monstre de sable, de fer, de pierre et de ciment. Mais il est l'âme incomparable du football."  Peu de stades peuvent se targuer d'être l'emblème de tout un pays, l'incarnation d'une nation. D'une ville, oui. D'un pays, d'une nation même… Le Maracana a cette force. Qui dit Maracana dit football. Qui dit Brésil dit football. Qui dit Maracana dit Brésil.
Evidemment, le mythe Maracana fonctionne aussi, précisément, parce que nous sommes au Brésil. Un stade de 200.000 places à Santiago du Chili ou à Lima ne serait pas devenu pour autant  le lieu dont tout petit footballeur rêverait un jour de fouler la pelouse. Le plus grand stade de la planète, aujourd'hui, se trouve à Pyongyang, en Corée du Nord, et il n'est pas exagéré de dire que personne n'a idée de son allure, et qu'il n'évoque rien à personne. "Le Maracana a aussi bénéficié de l'âge d'or du football brésilien, qui est aussi celui de l'âge d'or du football tout court, estime le journaliste Juca Kfouri. Pelé, Garrincha et Zico ont signé une foule d'exploits ici. C'est devenu au fil des années une incomparable scène de théâtre, où les plus grands artistes produisaient et reproduisaient les plus grandes œuvres".
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Le Maracana de 2014 accueillera-t-il un triomphe après le désastre de 1950 ?

Crédit: DR

Zico, nostalgique et fataliste

Il fut aussi le théâtre de l'imaginaire. S'il a conquis le monde et particulièrement l'Europe, c'est que, longtemps, on a d'abord lu le Maracana plus qu'on ne l'a vu. Ou, tout au plus, une photo. Souvent la même. Des années 50 aux années 80, soit les trente glorieuses du Maracana, le football n'avait pas envahi les écrans. A l'instar de la grande Hongrie des années 50, le Maracana a ainsi fasciné parce qu'il était un objet lointain, fantasmé. "Quand je croisais des Européens, ils me parlaient tous du Maracana. Ce que ça faisait de jouer là-bas, ce qu'on ressentait, a raconté Pelé. C'est à cela que j'ai vite ressenti que c'était non seulement la propriété de la nation brésilienne mais aussi de tous ceux qui, à travers le monde, aimaient le football." On allait alors au Maracana comme en pèlerinage.
Aujourd'hui, que reste-t-il de ce géant ? Au fil des ans, des travaux et des rénovations, il a perdu une bonne partie de sa spécificité. La suppression, en 2005, afin de se conformer aux exigences de la FIFA, de la dernière petite portion du "geral", la zone debout du Maracana, la plus proche du terrain, a fini pour beaucoup d'enterrer l'âme du Maracana. On l'appelait "l'espace le plus démocratique du football brésilien". "Déjà, à la fin de ma carrière, en 1990, il n'en restait presque plus rien", témoignait vendredi dernier, jour du 64e anniversaire du stade, le légendaire Zico, le meilleur buteur de l'histoire du Maracana. "J'ai célébré tant de buts à cet endroit précis avec ces gens, j'en ai la nostalgie. Le Maracana a perdu sa joie."
Le Maracana? Bof, on dirait Loujniki
Le nouveau Maracana, qui a pour ainsi dire été détruit puis reconstruit de A à Z pour le Mondial 2014, a suscité de très violentes critiques au Brésil. Il porte le même nom, git en même endroit. Et en même temps, ce n'est plus lui. Les liftings ne redonneront jamais le charme de la prime jeunesse. L'enceinte ne dispose plus aujourd'hui que de 750.00 places environ. Elle ne figure plus parmi les 50 plus grands stades du monde. Fataliste, Zico pleure donc ce Maracana qu'il a découvert, enfant, à l'âge de dix ans. "Oui, j'aimerais que le Maracana compte encore 200.000 places. Mais regardons la réalité. Au début de ma carrière, je jouais encore systématiquement devant 80, 90.000 plus de 100.000 personnes à chaque match. Mais depuis vingt ans, les grandes stars brésiliennes sont parties jouer en Europe. C'est triste mais c'est vrai. Les gens viennent voir des stars et il n'y en a plus. Dans les années 2000, on a vu des finales ici devant 15.000 spectateurs. Le Maracana était devenu trop grand." Terrible aveu.
Romario, qui y a vécu de sacrées belles heures lui aussi, a bien résumé la chose : "Il a été défiguré. La vérité, c'est que c'est toujours un superbe stade, mais ce n'est juste plus le Maracana." Aujourd'hui, le nom fascine peut-être même davantage que le lieu lui-même. Au point que certains n'hésitent pas à lui manquer de respect, comme le capitaine russe Vasily Berezoutski. "Le Maracana? Bof, on dirait Loujniki" (le stade de Moscou), a-t-il lâché la semaine dernière. Ici, la réplique n'a pas vraiment été goûtée. On ne touche pas au Maracana. Seuls les Brésiliens s'autorisent à le critiquer. Zico, lui, continue de vénérer l'endroit. Malgré tout. "C'est encore un endroit merveilleux et je peux vous jurer que ceux qui rentreront ici le 13 juillet pourla finale, ressentiront quelque chose de particulier. Jouer une finale de Coupe du monde au Maracana, c'est un rêve. Et pas que pour les Brésiliens. Le Maracana reste un stade à part. Il est juste comme il a besoin d'être aujourd'hui."  Qui sait, ce Mondial, cette finale surtout, permettra peut-être de redonner du souffle à la légende.
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Maracaná antes del partido Argentina-Bosnia

Crédit: Eurosport

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