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Suisse - Equateur (dimanche, 18h) : tout à prouver, tout à perdre

Polo Breitner

Publié 14/06/2014 à 16:18 GMT+2

Alors que le premier match contre l’Equateur semble déjà décisif pour la suite de la compétition, la Nati intrigue. Quel rang lui donner à l’aube de son entrée en lice ? Il semble pourtant évident : la sélection du cultissime sélectionneur Ottmar Hitzfeld s’est avancée en partie masquée avant de se découvrir complètement. Attention aux retombées en cas de contre-performance.

Polo, Ottmar Hitzfeld, 2014

Crédit: Panoramic

Pour vivre heureux, vivons cachés, dit un célèbre proverbe. Un style de vie bien éloigné des règles du monde médiatique qui nous entoure. Signe des temps, lorsque les projecteurs s’allument, le choix de la retraite dans un quelconque monastère est impossible. L’Helvétie a choisi de jouer le jeu en gonflant les biscottos : les quarts de finale ont été clairement annoncés comme un objectif par le sélectionneur. Ce dernier a, par la suite, modulé le son de sa communication en précisant que les Français étaient les favoris du groupe. Attention au syndrome d’Icare. Historiquement, il touche tous les pays.

La Suisse, cette inconnue en France

6 décembre 2013. L’équipe de France connait ses adversaires pour la prochaine Coupe du monde. Le tirage au sort a eu lieu. Le lendemain, les quotidiens hexagonaux et sites footballistiques de référence nous pondent leurs articles présentant le « onze » des différentes sélections dont la Suisse, bien entendu. La lecture des compositions des équipes fait peur par son nombre d’erreurs. Etrange, mais un pays tête de série pour une épreuve reine aurait mérité, peut-être, un peu plus d’égards. Juste pour comprendre, se poser la question : "Mais comment ont-ils fait?"
Le monde du football hexagonal considère toujours son voisin comme quantité infinitésimale. Mais bon au pays du football-campagne, alors que la norme assumée par d’autres nations est celle du football-champagne, on ne s’étonne plus de rien. Et si, finalement, les clubs français n’étaient pas les seuls responsables du marasme actuel ? Encore que, les flux migratoires sont assez parlants. Des vingt-trois Helvètes au Brésil, sept ont disputé le championnat national, la Raiffeisen Super League, neuf sont déjà en Bundesliga bientôt rejoints par Sommer, Bürki et Stocker, cinq jouent en Italie et même deux sélectionnés évoluent en Espagne. En France ? Aucun ! A croire qu’une partie de la Suisse ne parle pas le français, cette nouvelle Doxa du football-campagne qui sévit en L1. Vite relisons Desproges dans Les Etrangers sont nuls (Charlie-Hebdo, 1981) : "Il existe quatre sortes de Suisses : les Suisse-Allemands qui parle allemand, les Suisses-Français qui parlent français, les Suisse-Italiens qui parlent avec les mains, et les Suisses-romanches qui feraient bien de se taire".
Devant cette absence de reconnaissance, l’on peut comprendre l’agacement local, une forme de révolte des "petits", laquelle s’exprime, à mon avis, par une amplification de ses objectifs, des attentes. Or le piège médiatique est bien là. La Suisse, aujourd’hui, est bien jeune et sans véritable expérience en tournoi fermé.

Un style de jeu défensif qui colle à la peau

La Croatie, petit pays mais grande nation de football ! C’est ce qu’affirmait admirablement le coach Niko Kovac avant la rencontre contre le Brésil. L’ancien pensionnaire de la Bundesliga, notamment du Bayern Munich, pose indirectement la question à la Nati. Dans l’imagerie populaire la Suisse ne fait pas peur, la Croatie beaucoup plus, comme le dragon face à la vache.
Car le football suisse est victime de son histoire. L’Autrichien Karl Rappan et son "verrou suisse" sont passés par là. L’abnégation au service du collectif contre Maradona, la compensation ténébreuse contre le bien-né, les Morlocks contre les oisifs mais beaux Elois. Sans oublier les deux dernières Coupe du monde. En 2006, la sélection s’est fait éliminer de la compétition sans encaisser un seul but. Quatre ans plus tard, le jeu proposé était faible et la victoire inaugurale contre l’Espagne (1-0) fut bien vite éclipsée par une sortie de route en poules sans gloire.
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Josip Drmic marque face à son pays d'origine, la Croatie. La Suisse peut se réjouir d'avoir été plus rapide que la fédération croate.

Crédit: Panoramic

Mais la caricature est-elle si loin de la réalité à un moment où les professionnels du pays s’accordent tous pour reconnaitre l’apport technique positif par les "estrangers" comme on disait en vieux français ? Car si la sélection n’a perdu qu’une seule rencontre en deux ans -et encore c’était en Corée du Sud dans les fameux matches amicaux inintéressants du mois de novembre, qui plus est avec une équipe A’- a-t-elle pour autant brillé par son allant offensif ? Les statistiques nous prouvent le contraire, la recherche du véritable numéro 9 de la Nati aussi. Quant aux deux matches amicaux contre la Jamaïque (1-0) et le Pérou (2-0), ils n’ont pas dérogé à la règle, ils sont dans la droite ligne des victoires "besogneuses" que nous propose trop souvent cette sélection pourtant bien talentueuse… sur le papier. A qui la faute ?
Il n’est pas vrai que les années qui passent produisent des sages, mais bel et bien des vieillards
Aïe ! J’attaque la statue du Commandeur via le plus grand philosophe du XXe siècle, Jack Beauregard - Henry Fonda - dans Mon nom est Personne. Hitzfeld et ses 65 printemps. Rassurez-vous, je ne compare pas le sélectionneur de la Nati à Faust, ni à un fossoyeur du beau jeu, mais je me rappelle aussi qu’il y a un peu moins de vingt-ans, il était déjà considéré comme un entraîneur très défensif aussi bien au Borussia Dortmund qu’au Bayern Munich. Ce qui ne l’a pas empêché de remporter, notamment, deux Ligues des champions en 1997 et 2001. J’ai donc accueilli avec bienveillance la nomination d’un successeur, Vladimir Petkovic. Non contre Hitzfeld, qui m’avait laissé une forte impression lors de notre rencontre au siège de l’ASF, la fédération, mais pour ouvrir un nouveau chapitre, celui de l’Euro 2016 avec un style plus entreprenant, de l’expérience emmagasinée et des jeunes plus à maturité.
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Stephan Lichtsteiner (à gauche) à la lute avec Andre Carrillo, lors de Suisse-Pérou, en match de préparation à la Coupe du monde 2014.

Crédit: AFP

On ne m’enlèvera pas de l’idée que la Suisse doit maintenant passer un cap, celui de se libérer. Sinon le risque de retomber aux oubliettes pointe son nez. Le FC Bâle, dont une partie des sélectionnés est issue, a multiplié les exploits ces dernières années en coupe d’Europe, et a régalé. Médiatiquement, ce club survole la Nati. C’est d’autant plus étrange que défensivement l’équipe nationale est, quelque part, l’anti-Belgique. Alors que Marc Wilmots s’appuie sur quatre axiaux de formation, quels qu’ils soient, et que la puissance des Diables Rouges repose sur son milieu, la Suisse possède deux des plus beaux arrières latéraux du monde : Rodriguez et Lichtsteiner, capables d’apporter le surnombre, une véritable plus-value offensive, à condition d’outrepasser les consignes du coach. Le feront-ils ?
Au poste de meneur de jeu, le cas Xhaka peut faire débat surtout qu’il n’a pas encore 22 ans. Est-il d’ailleurs le maitre à jouer de la sélection ou plutôt un relayeur en devenir ? Son parcours depuis deux saisons au Borussia Mönchengladbach n’est pas exempt de tout reproche. Il n’est pas un titulaire indiscutable. Un attaquant de soutien comme Mehmedi, excellent avec le SC Freiburg cet exercice, n’était-il pas plus opportun ? On aurait même pu imaginer sacrifier un "Napolitain" à la récupération-Inler, Dzemaili et Behrami évoluant tous les trois dans le club du sud de l’Italie- et faire une place à Xhaka. Cela aurait signifié le passage dans un 4-4-1-1 que le sélectionneur ne souhaite pas, densité du milieu oblige. Pourtant avec deux feu-follets comme Stocker et Shaqiri sur les ailes et la vitesse de Drmic...
La sélection suisse ne joue pas que son avenir proche lors de la première rencontre contre l’Equateur. C’est aussi l’image et l’impression globale qu’elle va nous laisser qui seront en jeu, avant le match contre les Bleus où les calculatrices seront, peut-être, déjà de sortie. De nos jours, "séduire" c’est aussi important qu’une victoire. A tort ou à raison. Le paradoxe de cette équipe c’est qu’elle doit d’abord se battre contre son propre Omen avant de gagner le respect de ses adversaires, celui des médias. Avec la plus belle génération de son histoire, elle en a les moyens.
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Ottmar Hitzfeld, Suisse

Crédit: Panoramic

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