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Juan Fernando Quintero, la renaissance du "crack" avec la Colombie

Thomas Goubin

Mis à jour 03/07/2018 à 13:10 GMT+2

COUPE DU MONDE - Alors que l'on attendait James ou Falcao, Juan Fernando Quintero a été l'élément offensif colombien le plus à son avantage lors du premier tour. L'ex-Rennais rayonne en Russie. À 25 ans, le petit génie pourrait-il aussi faire mal à l'Angleterre mardi (20h) ?

Juan Quintero

Crédit: Getty Images

Pour José Nestor Pékerman, Juan Fernando Quintero a toujours été "un grand joueur". C'est ainsi que le sélectionneur avait qualifié le meneur de poche au moment de son retour en équipe de Colombie, en mars dernier, pour affronter les Bleus, au Stade de France (3-2). Le 24 juin, alors que Quintero venait de déposer un corner sur la tête de Yerry Mina qui trompait le gardien de la Pologne, l'Argentin de 62 ans lui a même déclaré sa flamme depuis la pelouse.
"Juan, tu es un crack, un crack !" a lancé l'ex-sélectionneur de l'Argentine à l'ex-Rennais, parti fêter l'ouverture du score près du banc de touche. Face au Sénégal, lors du troisième match du premier tour, le "crack" a fait à nouveau parler son sens du service, encore pour Yerry Mina (74e). Une passe décisive qui valait de l'or : la qualification et la première place du groupe. Avant ce but, les Cafeteros flirtaient avec l'élimination.
Alors que James bataille avec la santé de sa jambe droite, Juan Fernando Quintero s'est imposé comme l'homme qui détient les clés du jeu colombien en Russie. Avant le Sénégal et la Pologne, JFQ s'était aussi distingué lors de la laborieuse entame de la Colombie face au Japon (1-2). D'un coup franc malicieux passé sous le mur, le gaucher avait remis provisoirement les siens à flot. "Le voir briller ainsi ne me surprend pas vraiment, assure Pedro Sarmiento, l'entraîneur qui l'a lancé à 17 ans à l'Envigado FC, petit club de Medellin où s'est aussi formé James Rodriguez. C'est le Juan Fernando de toujours, avec cette capacité à faire la différence dans les petits espaces, sa grande vision du jeu, et cette superbe frappe de balle".

Le salut est passé par Medellin

Il y a deux ans, la carrière du prodige semblait pourtant s'enliser après son bref passage -neuf mois- par Rennes. Agacé, Rolland Courbis, alors coach Rouge et Noir, parlait d'un joueur "totalement désorienté", seulement bon pour "jouer vingt minutes en fin de match". Après l'avoir retenu à l'automne 2016, José Pékerman le fera d'ailleurs disparaître de ses listes jusqu'au terme de la campagne éliminatoire. Quintero ressemblait alors à l'un de ces surdoués incapable de s'imposer dans le monde adulte.
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Juan Quintero à Rennes

Crédit: Panoramic

Pour le milieu de terrain d'un mètre soixante-huit, le salut est passé par un retour aux sources. Début 2017, JFQ retrouve Medellin, la ville où il a grandi et où il a forgé une solide amitié avec la star du reggaeton, Maluma. Quintero avait quitté les hauteurs de la "capitale des montagnes", surnom de Medellin, dès ses dix-neuf ans, quand il s'était engagé avec Pescara, avant d'être transféré à Porto. Son retour au pays s'est fait sous les couleurs de l'Independiente Medellin. "Ils ont construit l'équipe autour de lui, indique Sarmiento, il était ce meneur de jeu axial qui évolue proche de du numéro neuf, il était libre, dégagé des tâches défensives, là où il est utile".
Loin des obligations de repli du Vieux Continent, Quintero y a retrouvé la joie de jouer. "Mon rôle (dans l'équipe) c'est de donner des ballons aux attaquants et faire jouer tous mes coéquipiers", disait le prodige, alors à peine adolescent, dans une vidéo postée la semaine dernière sur son Instagram. C'est ce qu'il a fait à Medellin, où il a inscrit treize buts et donné huit passes décisives en vingt-cinq matches de championnat. De quoi susciter l'intérêt de gros calibres du continent. Fin janvier dernier, le joueur qui appartient toujours au FC Porto, était prêté au River Plate de Marcelo Gallardo. Depuis Buenos Aires, Quintero a regagné sa place en sélection.

Cardona a dérapé, Quintero en a profité

Pour le génial gaucher, Pékerman est "comme un père". Il faut dire que le sélectionneur ne s'est jamais économisé le moindre effort pour favoriser l'expression des talentueux, de Quintero ou d'autres. L'entraîneur argentin est ainsi prêt à leur demander moins, en les dispensant de certaines tâches défensives, pour en extraire le maximum. Par le dialogue, il sait aussi convaincre ou apaiser des joueurs particulièrement inconstants ou caractériels. Lors des éliminatoires 2014, le sélectionneur était ainsi parvenu à faire de l'infernal Téofilo Gutierrez, qui avait notamment sorti une arme dans un vestiaire quand il évoluait au Racing Avellaneda, l'indiscutable binôme de Radamel Falcao. Pour la campagne suivante, c'est l'intermittent meneur de jeu de Boca Juniors, Edwin Cardona, qui était devenu un élément décisif des Cafeteros.
Mais Cardona a dérapé, et Quintero en a profité. En novembre dernier, lors d'un match amical face à la Corée du sud, ce meneur de jeu de plus d'un mètre quatre-vingt s'était moqué de ses adversaires en mimant des yeux bridés. Un geste raciste qui lui a valu cinq matches de suspension. Deux mois plus tard, une accusation d'agression sexuelle n'a pas arrangé son cas. Souvent stigmatisé pour un certain manque de professionnalisme, Quintero, lui, s'est tenu à carreau ces derniers mois, même si Gallardo le cantonne à un rôle de joker de luxe. Ses entrées en jeu où il se montre souvent décisif ont toutefois suffi à séduire les supporters de River Plate, comme Pékerman. Selon le sélectionneur colombien, évoluer dans le rude championnat argentin a fait du bien au prodige. "On aimerait qu'il joue davantage, disait le sélectionneur cafetero au mois de mars, mais il a tout de même amélioré sa condition physique et se montre plus dynamique. Juan peut nous apporter cette clarté dans la passe et trouver ces espaces que personne ne voit." Exactement ce qu'il fait depuis le début du Mondial.
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Juan Quintero avec River Plate

Crédit: Getty Images

Le "dernier" numéro 10 colombien

Quand il était entré en jeu face à l'équipe de France en mars dernier avant d'inscrire le pénalty de la victoire (3-2), peu auraient toutefois envisagé une telle importance du "crack" dans le dispositif russe de Pékerman. Mardi, face à l'Angleterre, la Colombie comptera d'autant plus sur son meneur de poche, que la présence de James Rodriguez est encore incertaine. À 25 ans, le premier joueur colombien à avoir inscrit un but lors de deux Coupes du monde (en 2014, il avait frappé face à la Cote d'Ivoire) se trouve devant l'opportunité de donner une nouvelle ampleur à sa carrière. Son été russe pourrait bien aboutir sur un retour en Europe, où il avait échoué à s'imposer.
"Le problème de Juan, c'est qu'il faut construire l'équipe autour de lui, estime toutefois Sarmiento, et il ne sera pas évident de trouver un club européen pour tenter ce pari. Juan ne sera jamais ce milieu qui avale les kilomètres, et cela n'est la faute de personne. Le faire jouer sur un côté, par exemple, est totalement contre-productif. Là où il fait mal, c'est dans l'axe. C'est le numéro dix typique du foot colombien, peut-être le dernier." Le "crack" n'est peut-être pas adapté aux exigences du foot européen. Mais sa patte gauche à la saveur intense et délicate, comme un bon café colombien, peut décider du sort d'un match de Coupe du Monde.
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Quintero (Colombie) face au Japon

Crédit: Getty Images

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