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Coupe du monde 2022 | Finale France - Argentine | Deschamps, Lloris : Pourquoi les tirs au but coûtent toujours si cher

Martin Mosnier

Mis à jour 19/12/2022 à 18:25 GMT+1

COUPE DU MONDE – Comme en 2021, l'aventure de l'équipe de France s'est achevée lors de la séance de tirs au but. Cette fois, les échecs français dans l'exercice ont coûté un titre en Coupe du monde. Hugo Lloris n'a jamais brillé dans pareil cas, Mike Maignan n'était pas là, les tireurs étaient inexpérimentés et Didier Deschamps a toujours considéré l'exercice avec légèreté.

Avant l'Argentine, ces séances qui ont brisé le cœur des Bleus

Deux Coupes du monde, un quart de finale de l'Euro. Voilà ce qu'ont coûté les séances de tirs au but au football français en 16 ans seulement. Aucune nation n'a fait pire dans cet intervalle. Trois séances, trois défaites, trois des plus grosses désillusions de l'histoire des Bleus. Après l'élimination face à la Suisse, Deschamps, Lloris et Varane avaient parlé de "loterie".
A force, ce n'est plus un coup du sort, encore moins une loterie. Cela s'appelle un syndrome. Les gardiens de l'équipe de France n'ont plus stoppé un tir au but depuis celui de Demetrio Albertini en quart de finale de la Coupe du monde 1998. Hugo Lloris reste sur neuf tirs au but encaissés dans l'exercice : cinq contre la Suisse et quatre, dimanche, face à l'Argentine.
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Hugo Lloris n'a pas arrêté une tentative argentine lors de la séance de tirs au but

Crédit: Eurosport

Ces échecs sont d'abord ceux des gardiens et donc du capitaine de l'équipe de France. Les tirs au but et les penalties, en général, ne sont pas la tasse de thé du recordman de sélections en Bleu. En moyenne, selon une étude de 2019, un gardien arrête 17,5% de penalties ou tirs au but en séance. Sur toute sa carrière, et en ôtant de son bilan les penalties non cadrés, le pourcentage de Lloris plafonne à 8,7% (9 arrêtés sur 103 tentatives cadrées) avant la séance fatidique.
Il reste sur une série terrible, club et sélection confondus, de 13 tirs au but encaissés consécutivement car s'il a remporté sa dernière séance avec Tottenham face à Chelsea en Cup, il le doit à la tentative sur le poteau de Mason Mount (septembre 2020).

Lloris, rien depuis 2012

Pour retrouver trace d'un tir au but stoppé par Hugo Lloris, il faut remonter au trophée des champions 2012 et a deux arrêts face à Gaëtan Charbonnier et Henri Bédimo. Là-encore, ses statistiques sur les séances finales sont légèrement en-deçà de la moyenne avec un pourcentage d'arrêt de 16,7% (20 tirs au but encaissés, quatre arrêtés et un sur le poteau). Il ne s'agit évidemment pas de remettre en cause le talent de l'un des deux plus grands gardiens français de l'histoire. Mais simplement reconnaître une faiblesse qui finit par coûter cher.
En mars 2019, il avouait d'ailleurs ses limites dans l'exercice : "Je pense que le plus dur, c'est de rester simple dans sa démarche. Il y a des gardiens qui y parviennent très bien, et moi, ce n'est pas le cas, reconnaissait-il dans les colonnes de L'Equipe. Certains tireurs attendent le moindre mouvement du gardien, et le tout dernier moment. J'aimerais retarder un peu plus la décision du tireur, en général." Dimanche, contre l'Argentine, ce fut saisissant notamment sur la première tentative de Messi où Lloris part très tôt et donne une indication nette à son adversaire.
Alors, qu'en face, Emiliano Martinez grandissait dans le but à mesure qu'il entrait dans les têtes tricolores, Lloris ne changeait pas le cours des choses. Ces séances, c'est aussi une question d'attitude. Quand le portier argentin balance le ballon très loin pour obliger Tchouaméni à sortir de sa routine, le portier des Bleus n'engage aucun bras de fer psychologique.
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La légèreté de Deschamps sur des séances à l'entraînement : "Ca ne sert à rien"

Bounou, Martinez, Livakovic ont pourtant montré le chemin à suivre : déstabiliser l'adversaire, rentrer dans sa tête, grandir dans le but, tenter de brouiller les cartes en tentant des feintes sur sa ligne. "Aujourd’hui, avec les analystes, on a tous les éléments. Mais il y a une part d’aléatoire alors que les tireurs sont capables de frapper n’importe où. On peut mettre des choses en place, et il peut se passer tout autre chose, avouait Lloris avant le match contre la Pologne. Il y a une part d'instinct et de feeling aussi. Certains gardiens excellent davantage que d’autres, ils ont leurs petits secrets." 
Deschamps aurait-il dû changer de gardien en connaissant l'historique de Lloris ? Ses solutions sur le banc, Steve Mandanda (6 arrêts en 75 tentatives) et Alphonse Areola (3 arrêts sur 42 tentatives en carrière) n'étaient pas beaucoup plus en réussite sur l'exercice. Mais Lloris n'est évidemment pas le seul coupable. Depuis toujours Didier Deschamps semble aborder l'exercice avec une forme de légèreté qui ne colle pas ni au personnage ni à l'idée qu'il se fait du très haut niveau.
Lui qui n'a jamais fait répéter leurs gammes à ses hommes à l'entraînement. "Vous pouvez faire tous les tirs au but que vous voulez à l’entraînement, vous n’aurez jamais les conditions d’un match, qui plus est d’une finale de Coupe du monde : 120 minutes dans les jambes, la pression des spectateurs, l’enjeu, la météo. Ça n’a rien à voir, donc ça ne sert à rien", tranchait-il en 2018 avant la finale face à la Croatie.
"La séance de tirs au but se travaille autant sur l'aspect technique que sur l'approche psychologique, sur la lecture de l'adversaire, la gestion émotionnelle, en montant des stratégies, nous renseigne Christophe Revel, ancien entraîneur des gardiens du LOSC, de l'OL et aujourd'hui à Brest. Le gardien argentin part cinq fois sur six en frappe croisée en comptant les penalties du match. Ce n'est pas du hasard, c'est une stratégie."
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Coman, Tchouaméni, Kolo Muani : 0 penalty en carrière

Un exercice trop souvent pris à la légère ? Peut-être même si les travailler ne garantit rien. Luis Enrique a exigé des Espagnols qu'ils s'entraînent toute l'année et ses hommes ont fini par échouer piteusement en 8e de finale face au Maroc. Jamais une Coupe du monde n'avait délivré autant de séances de tirs au but et il semble osé aujourd'hui de partir au Mondial la fleur au fusil. De nombreux favoris ont fini dans le fossé à cause d'elle au Qatar : l'Espagne, le Brésil, les Pays-Bas et, donc, la France.
Même si les Bleus n'ont pas été aidés par le scénario du match. Dimanche, contraint de secouer son équipe quand elle flanchait, le sélectionneur a mis sur la touche quelques-uns de ses meilleurs tireurs : Antoine Griezmann et Olivier Giroud notamment. Personne ne peut lui reprocher tant son coaching a complètement relancé la finale. Mais au moment fatidique, Kingsley Coman, Randal Kolo Muani et Aurélien Tchouaméni se sont avancés pour prendre leurs responsabilités.

L'espoir Maignan

Ces trois hommes, s'ils avaient pour certains déjà participé à de telles séances, n'ont jamais tiré le moindre penalty dans le jeu en club ou en sélection. Deux d'entre eux ont raté leurs tentatives. Si personne ne peut leur en vouloir, si les plus grands, de Michel Platini à Roberto Baggio ont échoué dans pareilles circonstances, leur inexpérience peut aussi expliquer leur échec.
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Kingsley Coman

Crédit: Getty Images

Il serait peut-être temps d'envisager un remède pour ne pas éternellement nourrir des regrets. Voilà qui tombe bien, la France a un vrai spécialiste de l'exercice : Mike Maignan. Avec 23% de penalties arrêtés (soit 9 sur 39 tentatives cadrées en carrière), l'ancien Milanais, qui s'impose comme le successeur de Lloris, aura des arguments à faire valoir. S'il n'avait pas été blessé, Didier Deschamps aurait-il eu le courage de le faire entrer en jeu dimanche dernier ? Encore une question qui hantera les nuits bleues…
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