Lahm à fond

Diego Maradona est comme bon nombre de glorieux anciens. L'ancien champion du monde a un avis sur tout et n'hésite pas à faire connaitre le fond de sa pensée. Si le "Pibe de Oro" n'est plus à deux ou trois jugements à l'emporte-pièce, il arrive que le roi du Mondial 1986 voie juste. Enchanté par un gars à peine plus grand que lui dès le début du Mondial, Maradona n'a pas hésité à dire qu'il pourrait "devenir l'un des meilleurs joueurs de la Coupe du monde." Non, le joueur en question n'est pas Lionel Messi. Il n'est même pas argentin. Mais allemand et défenseur.

Du haut de ses 170 centimètres, Philipp Lahm est le coup de coeur de Diego Maradona. Le tonique arrière latéral gauche de la Nationalmannschaft est l'un des hommes forts de cette Coupe du monde. Auteur du premier but du Mondial face au Costa Rica (4-2), le Bavarois n'a pas mis six minutes à se faire un nom. En plus d'une frappe du droit monumentale, Lahm a marqué le match d'ouverture de la compétition par ses montées fulgurantes et son entente parfaite avec Bastian Schweinsteiger. La suite a été du même acabit. Elu meilleur homme du match Allemagne-Pologne (1-0), le coéquipier de Bixente Lizarazu au Bayern Munich a ensuite continué sur sa lancée.

Mis à part la première période du quart de finale face à l'Argentine où le natif d'Ingolstadt a, comme ses partenaires, pris le bouillon, Lahm a marqué le Mondial de son empreinte. Mais ne tire pas la couverture à lui : "Rien n'a changé pour moi, je suis honoré des marques d'intérêt que l'on me porte, mais le plus important c'est d'avoir du plaisir en jouant." Conscient qu'une aventure comme celle qu'il est en train de vivre ne revient pas deux fois dans une carrière, le défenseur au visage d'adolescent ne pense qu'au collectif. Seul compte le 9 juin : "On est capable de tout. En accédant aux demi-finales, nous faisons partie des quatre meilleures équipes du monde. Je pense que tout est possible. Nous sommes en forme. On l'a montré face à l'Argentine. Nous sommes prêts à tout," lance-t-il l'oeil tuméfié par le reliquat d'un coup de coude porté par Julio Cruz lors du quart de finale.

Le coude de Cruz, Philipp Lahm s'en souviendra encore quelques jours. Comme il se rappellera longtemps du sien. Ce satané coude qui, sans la confiance de Jürgen Klinsmann, aurait pu lui coûter sa place en équipe d'Allemagne. Et pour cause, moins d'un mois avant le coup d'envoi du Mondial, le joueur du Bayern Munich s'était froissé les tendons face aux amateurs de Luckenwalde (7-0). Conscient de l'importance de son joueur, "Klinsi" avait décidé de ne pas le remplacer malgré une opération et une indisponibilité de deux semaines. Un choix payant. Doté d'un "talent incroyable et d'une très bonne lecture du jeu" selon Klinsmann, Lahm a récupéré et, deux semaines après sa blessure, le bras encore plâtré, faisait son retour contre la Colombie (3-0).

La suite, on la connaît. Une entame de Mondial tonitruante, des matches accomplis suivis d'appels du pied de Chelsea, ont mis Philipp Lahm sous les feux de la rampe. "Et dire qu'il y a encore quelques semaines, je ne savais pas si j'allais pouvoir jouer. J'ai eu quelques jours difficiles." Ajoutez à cela que Lahm était resté sur le flanc durant six mois fin 2005 en raison d'une rupture des ligaments du genou droit... Autant de rudes épreuves qui n'ont fait que renforcer l'abnégation et l'envie du Bavarois. Mardi face à l'Italie, Lahm aura l'occasion d'en offrir une nouvelle preuve au public de Dortmund. Un public qui est tombé amoureux de la nouvelle petite merveille du football allemand et qui pourrait définitivement l'aduler après le 9 juillet. Et accessoirement donner raison à Diego Maradona.