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La "démission" de Blatter, l'élection annoncée de Platini… : vérités et mensonges sur l'affaire FIFA

Philippe Auclair

Mis à jour 04/06/2015 à 18:51 GMT+2

Philippe Auclair revient sur l'affaire de la FIFA et éclaircit certains points du dossier. Car tout ce qu'on entend ces derniers jours n'est pas à prendre pour argent comptant.

Blog Auclair : "Demission" de Blatter, élection annoncée de Platini : vérités et mensonges

Crédit: Eurosport

On parle beaucoup de la FIFA ces derniers temps. On en dit surtout tout et n'importe quoi. Beaucoup qui ignoraient l'identité de quelque membre du Comité Exécutif que ce soit avant que Sepp Blatter ne ‘démissionne' (ce sur quoi je reviendrai dans un instant) se sont soudain auto-proclamés experts en une matière qui, vous l'assure un habitué de la chose, nécessite de longues et pénibles études pour être maîtrisée. Non, d'ailleurs, pas "maîtrisée"; suffisamment apprivoisée pour pouvoir être approchée sans crainte de se tromper trop souvent. Du coup, les révélations sont souvent devenues inséparables de la désinformation – le plus souvent involontaire, causée par l'ignorance, mais pas toujours. En voici quelques exemples.

Sepp Blatter a démissionné…

Inexact. Tapez "Sepp Blatter démission" dans un moteur de recherche, et vous obtenez 243.000 résultats positifs en l'espace de quelques dixièmes de seconde. Sauf que Sepp Blatter n'a jamais prononcé le mot ‘démission' lors de la conférence de presse à laquelle assistait une poignée de journalistes, quatre jours après sa réélection, et que ce mot ne figure pas non plus dans le communiqué publié ensuite sur le site de la FIFA. "To lay down my mandate", expression pour le moins tarabiscotée ("déposer mon mandat"?), n'est pas "to resign".
Ne pas oublier que le prochain Congrès électoral de la FIFA ne se déroulera pas avant le mois de décembre 2015 au plus tôt, ce qui, au passage, est logique – il y a tout de même des statuts à respecter – et n'a rien de scandaleux, dans la mesure où les candidats doivent avoir le temps de préparer leurs programmes et de convaincre les 209 associations qui composent l'instance de voter pour eux. En attendant, néanmoins, qui demeure le président de la FIFA? Sepp Blatter. Nous voici donc en présence d'un démissionnaire présumé qui n'a pas quitté ses fonctions. A ceux qui le regretteront, signalons tout de même que l'homme qui l'aurait remplacé à la tête de la FIFA, si Blatter avait vraiment démissionné, aurait été l'ineffable Issa Hayatou, président (à vie, semble-t-il) de la CAF, pas vraiment l'un des réformateurs espérés.
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Sepp Blatter, le président de la FIFA, lors de sa conférence de presse - 2015

Crédit: AFP

Sepp Blatter contrôlait tout à la FIFA…

Faux. L’illustration la plus saisissante en est que son Comité Exécutif avait voté en faveur du Qatar en décembre 2010, contre le voeu de son président, qui soutenait la candidature américaine. Ce n’est pas le président de la FIFA qui choisit les membres de l’ExCo; ce sont les six confédérations, lesquelles…ne sont pas membres de l’instance, à la différence des associations nationales qui, elles, le sont. Ce système aberrant, qui donne un pouvoir énorme à des Confédérations dont les priorités et les intérêts sont loin d’être semblables, mène tout droit au capharnaüm auquel nous assistons aujourd’hui. Imaginez un gouvernement qui soit composé de représentants de tous les partis politiques, d’un extrême à l’autre, et vous aurez une image de ce que c’était que le Comité Exécutif, vous comprendrez comment des compromissions de toute sorte sont l’inévitable résultat d’une carence systémique que le successeur de Blatter…voire Blatter lui-même devront réformer en priorité.

Michel Platini sera élu président de la FIFA dans un fauteuil…

Non, de loin s'en faut. S'il ne s'était pas présenté à la récente élection, c'est que Michel Platini savait ne pas avoir la moindre chance contre Sepp Blatter. Il poussa donc trois candidats, Luis Figo, Michel van Praag et Prince Ali de Jordanie, à se lancer dans la bataille comme une sorte d'avant-garde de l'UEFA. Le président de la fédération norvégienne a depuis révélé – une bourde en direct à la télévision norvégienne – qu'une réunion s'était ensuite tenue entre les trois candidats et le président de l'UEFA, au cours de laquelle il fut décidé que ce serait le Jordanien qui continuerait seul. Celui-ci ne parvint d'ailleurs pas à fédérer les voix de l'UEFA comme il l'espérait: 18 des 53 fédérations européennes, dont la France, l'Espagne et la Russie, lui préférèrent le président sortant, semble-t-il.
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Michel Platini et le Prince Ali, futurs candidats ?

Crédit: AFP

L'UEFA, la plus riche, et de tellement loin, de toutes les Confédérations, n'est pas vraiment en odeur de sainteté auprès de ses paires. La CAF – la Confédération africaine – a déjà fait savoir qu'elle soutiendrait le candidat qui aurait le soutien de Sepp Blatter; et il est fort improbable que celui-ci se prononce en faveur de Platini. L'ancien protégé, à qui il a permis de gravir tous les échelons jusqu'à la présidence de l'UEFA, est devenu un rival. Nombre de pays de l'AFC – la Confédération asiatique - sont également hostiles au triple Ballon d'Or, qui ne fait pas non plus l'unanimité dans les autres Confédérations (OFC, Conmebol, CONCACAF). La voix de Montserrat compte autant que celle de l'Allemagne ou des Etats-Unis. Certains, dont je ne suis pas, s'en offusquent. Mais c'est ainsi.
D'autre part, les candidats ne manqueront pas, et des candidats plus sérieux que David Ginola, cette fois. Prince Ali songe se représenter. Le Koweitien Sheikh Ahmad al-Fahad al-Sabah, fraîchement élu membre de l'ExCo de la FIFA, étudie lui aussi cette possibilité, tout comme le Coréen Chung Mong-Joon, vice-président honoraire de l'instance, réputé homme intègre et partisan de la réforme bien avant que cela devienne la mode. Jérôme Champagne, l'ancien ‘ministre des affaires étrangères' de la FIFA, le seul des candidats déclarés à l'élection de 2015 qui avait proposé un programme d'action concret plutôt qu'un torrent de mots ronflants, n'exclut pas de relancer sa campagne. Autant dire que le ‘fauteuil' dans lequel serait élu Michel Platini attend encore de trouver un ébéniste.

Rien ne sera jamais plus comme avant…

Et là, vrai. Rien n'est déjà plus comme "avant". Mais ce que sera "après", nul n'en est certain.
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