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FC Barcelone - Osasuna / Xavi (Barça), souvent comparé à Guardiola mais plus proche de Luis Enrique ?
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Publié 12/03/2022 à 23:02 GMT+1
LIGA - C’est la rançon de la gloire et des attentes : Xavi est déjà critiqué par rapport au Barça de l’ère Pep Guardiola. Une exigence hors de propos, d’autant que l’actuel entraîneur du FC Barcelone, s’il met en place des concepts typiquement blaugranas, est tout autant inspiré par Luis Enrique pour débuter son mandat du côté du Camp Nou.
Xavi
Crédit: Getty Images
Le football n’est pas une Royco Minute Soupe : le résultat n’est pas instantané. L’époque actuelle n’est guère aux références russes mais, en l’espèce, Ivan Petrovitch Pavlov aurait pu ajouter un nouvel exemple à sa théorie du conditionnement classique. Ce n’est ni à Riazan ni à Saint-Pétersbourg qu’il faut mettre le cap mais vers la cité comtale de Barcelone.
Arrivé sur le banc du Barça en novembre dernier, Xavi Hernández fait remonter la pente au club blaugrana. Avec un style qui déroute car, dans l’imagerie populaire commune, "El Pelopo" ne pourrait qu’être un calque de Pep Guardiola qui procède immédiatement comme l’ancien numéro 4 de la Dream Team. Tout ce qui en dévierait serait obligatoirement différent du fameux (et fumeux) ADN Barça. Avec 14 titres en 4 saisons, le raccourci est évident. Mais peut-être un peu trop simple, y compris pour Xavi en personne.
Pep Guardiola a quitté le FC Barcelone voilà 10 ans. Pour l’exprimer crûment : juger un entraîneur, débutant à ce niveau qui plus est, au regard de l’héritage de l’actuel coach de Manchester City, est un prisme fallacieux. Dans le jeu, le Barça a changé de paradigme depuis 2013 et le malheureux Tito Vilanova, l’homme le plus indiqué pour poursuivre l’œuvre guardiolesque. Après une saison pour rien avec Tata Martino, Luis Enrique a contribué au dernier succès européen du club, en 2015. La saison 2014-2015 est d’ailleurs la dernière de Xavi au Barça. Si le rapprochement avec Guardiola est courant, celui avec l’Asturien ne l’est pas. Or c’est peut-être davantage avec son héritage que le Barça remonte au classement… tout en gardant certains aspects tactiques de Guardiola en tête.
Barcelone, c’est pas Gijón mais…
S’il a joué avec le Barça pendant de nombreuses années, Luis Enrique est asturien. Mareo a beau être une très belle école de football, le Sporting de Gijón et le FC Barcelone ont peu de choses à voir, même si, de Quini à David Villa en passant par Abelardo, il y a eu quelques belles réussites conjointes. Et malgré plusieurs saisons rue Arístides-Maillol, il n’est pas du sérail. L’avènement de la MSN a provoqué une verticalisation du jeu blaugrana, ce qui a mis à mal la prééminence du milieu de terrain, la "salle des machines". Le collectif s’est reposé sur Messi, Suárez et Neymar et cela a contribué à l’érosion du toque pur et dur. Sans omettre la folie destructrice de Pep Segura au centre de formation.
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"Je mourrais pour avoir le ballon" : Dix déclas qui définissent la philosophie de Xavi
Video credit: Eurosport
Xavi n’apprécie pas spécialement le jeu proposé par Luis Enrique et il l’avait exprimé en 2018 dans les colonnes d’El País. À une question de Diego Torres concernant la sortie de balle par des ouvertures longues depuis sa propre moitié de terrain quand l’équipe a l’avantage au score, Xavi ne s’était pas mordu la langue : "Luis Enrique l’a très bien réussi mais je n’aime pas ça (…) Il a invité l’adversaire pour le contre-attaquer. C’était impensable avec le Barça de Guardiola. Cela dépend de l’entraîneur. Je n’aime pas ça. Même en gagnant 1-0 à la 89e minute, ce que je veux et là où je me sens le plus à l’aise, c’est dans la moitié de terrain opposé, avoir le ballon et attaquer."
C’est souvent le problème avec les avis définitifs : une fois aux commandes, il faut se frotter à la réalité. Et dans les conditions actuelles, les capacités managériales de Luis Enrique sont peut-être plus utiles que le tableau noir, même s’il faudrait être Louis Braille pour ne pas voir que le Barça joue beaucoup mieux qu’en début de saison.
De quoi mettre en perspective les paroles de l’Asturien en mai 2015 dans une interview accordée au site officiel de l’UEFA : "Nous avons toujours tendance à idéaliser les choses du passé. Il n'y a pas deux équipes identiques, chaque équipe a son moment. Le travail de l'entraîneur est de tirer le meilleur parti des joueurs. En plus, le FC Barcelone veut le faire de manière attrayante car les supporters sont habitués à voir du bon football. Mais vous pouvez faire du bon football de plusieurs façons. Nous devons avoir le ballon et nous voulons l'avoir."
Guardiola déjà en filigrane
Le Barça actuel a la possession mais n’a pas les moyens d’atteindre des pourcentages faramineux. Et les arrivées opportunistes au mercato d’hiver dans le secteur offensif où seul Ferran Torres paraît s’inscrire dans la durée, contrairement à Adama Traoré et Pierre-Emerick Aubameyang, tendent vers l’instauration d’une real-politik de court terme pour accéder au podium de la Liga, voire remporter la Ligue Europa. Pour l’heure, Xavi opte davantage vers une gestion à la Luis Enrique pour tirer le maximum de son effectif actuel, retrouver un rang décent et attendre l’été. Un signe qui ne trompe pas, c’est qu’à mesure qu’il se rapprochait du banc du Barça, "Pelopo" a valorisé le travail de "Lucho".
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Luis Enrique
Crédit: Getty Images
C’était avant la finale de la Ligue des Nations en novembre dernier et la demi-finale inattendue de l’Euro a définitivement validé le travail du sélectionneur lors d’une interview accordée à la TVE : "Bien sûr que nous sommes avec Luis Enrique ! C’est un très, très bon entraîneur, très compétent. Il exige beaucoup de vous, les joueurs se régalent. De fantastiques jeunes sortent toujours en Espagne et je pense qu’il est très courageux. Je me reflète totalement dans le style de l’équipe nationale. C’est le style que nous avons travaillé pendant de nombreuses années, dominateur avec le ballon et séduisant offensivement."
Xavi a certainement la volonté de suivre les traces de Johan Cruyff et Pep Guardiola mais il doit y aller pas à pas. La gestion du temps et de l’espace est un prérequis absolu mais il s’apprend et se mentalise. La venue de Dani Alves correspond à une volonté tactique avec un élément qui comprend déjà ce qui doit être fait. C’est aussi une des raisons pour lesquelles Sergio Busquets reste un titulaire inamovible.
Le courage lui apprend la patience
Car malgré les critiques, l’effectif a besoin de référents. Il ne faut pas non plus oublier comment le nouvel arrivant a dû combler les trous avec des éléments du filial dirigé par Sergi Barjuan, une erreur majuscule de Joan Laporta qui pourrait bien conduire l’équipe en quatrième division. Quand on se souvient que Francisco García Pimienta, souvent qualifié de "plus cruyffiste que Cruyff" a été viré en fin de saison dernière car il n’avait pu monter en Segunda… Alors qu’il a repris en main une équipe exsangue boudée par ses propres supporters malgré des prix très bas et des offres promotionnelles, Xavi a remis de l’ordre dans l’organisation tactique. Et c’est peut-être dans la gestion défensive qu’il a le plus tiré de Guardiola, cette possession qui fait courir l’adversaire et le prive de ballons.
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Sergio Busquets avec Xavi
Crédit: Getty Images
Le Barça retrouve des principes fondamentalement mais doit au préalable passer par une période où il n’est pas constamment maître des choses et doit s’adapter au rival, y compris quand il s’appelle Elche. Cela doit lui déplaire mais le natif de Terrassa s’appuie, au moins momentanément, sur ce qui fait la force du management de Luis Enrique : la possession raisonnable, l’adaptation, la capacité à subir pour mieux contre-attaquer.
Souvent passionnant mais aussi sûrement agaçant par son ton parfois péremptoire, Xavi a pris le risque de revenir au Barça en cours de saison plutôt que d’attendre. Ce courage lui apprend la patience. Une vertu qui doit également être partagée par les observateurs. Tout chef étoilé a commencé par peler les patates. On ne devient pas Guardiola en quelques semaines, même quand on est son héritier programmé.
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