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Liga - Du "génie" à l’oubli : le frustrant parcours d’Isco, dernier pari en date du Betis après ses années Real Madrid

Antoine Donnarieix

Mis à jour 05/08/2023 à 11:15 GMT+2

Il y a tout juste dix ans, Francisco Román Alarcón Suárez, plus connu sous le diminutif Isco, était considéré comme la future star du football mondial. Dix ans plus tard, le milieu offensif espagnol de 31 ans vient de s’engager au Real Betis dans un certain anonymat. Analyse d’une carrière symbolique de la transformation progressive du football où les meneurs de jeu n’ont plus vraiment la cote.

Isco im Trikot des FC Sevilla

Crédit: Getty Images

Farruquito, Joaquin Cortés, Antonio Gades… Au moment d’énumérer les plus grands danseurs de flamenco de l’histoire, impossible d’échapper à leurs plus belles représentations en Andalousie, la terre mère des bailarines. Pourtant, l’un d’entre eux n’est pas un maître dans l’art de taper du pied sur le sol, mais ne forme qu’un seul corps avec le ballon.
Il est né à Benalmadena, dans la province de Malaga, et son petit gabarit (1,76m) a fait frémir toute l’Espagne le temps de deux saisons chez les Boquerones. Ce danseur porte le numéro 22 et se fait appeler Isco, un diminutif donné en raison de la longueur de ses patronymes. Hélas, la magie d’Isco s’est mise à disparaître depuis une décennie. Désormais, elle n’est plus qu’un lointain souvenir uniquement ravivé par quelques témoignages.

La revanche du gros

Il y a d’abord celui d’Iñaki Saez, ancien directeur technique national de l’Espagne et entraîneur des Espoirs, qui évoquait les difficultés d’Isco à faire partie de l’équipe première du Valence CF, son club formateur entre 2006 et 2010. "Il avait une qualité incontestable, qui sautait aux yeux, racontait le Basque pour le site de So Foot en mars 2018. Mais il était un peu gros et à Valence, ils lui ont fait une préparation physique spéciale, il a perdu six kilos. C’était encore un jeune mec mal dégrossi. Mais les qualités, il les avait déjà". Ces fameuses aptitudes vont apparaître aux yeux du monde à la suite de sa signature à Malaga durant l’été 2011. De retour au bercail, Isco prend rapidement ses marques et fait le bonheur de son entraîneur Manuel Pellegrini. Après une saison complète où il s’affirme en tant que meneur de jeu dans un 4-2-3-1, Isco prend part à la qualification de son équipe pour la Ligue des champions 2012-2013.
Recruté pour renforcer l’effectif malaguène en pleine expansion, Carlos Kameni se souvient d’avoir partagé le vestiaire avec un phénomène. "Dès mon arrivée, j’avais causé avec Jérémy Toulalan sur le banc de touche, narre le gardien de but camerounais actuellement sans club. Il m’a demandé quel joueur je considérais être le plus impressionnant de l’effectif. J’avais répondu Santi Cazorla ou Joaquin, parce que je connaissais leur talent. Toulalan m’a dit : ‘Tu te trompes. Le meilleur, c’est ce jeune-là.’ Il m’a montré Isco. Il avait ses jambes qui partaient dans tous les sens quand il marchait et son physique de petit gros. J’ai fait les gros yeux et j’ai dit ‘Quoi !?’. Après un ou deux entraînements, je me suis rendu compte que Toulalan avait raison. Avec son gabarit, Isco te sortait des dribbles et des mouvements que personne d’autre ne faisait. Quand tu lui envoyais un ballon de merde et que tu étais déjà en train de t’excuser pour ta passe en touche, il te faisait un contrôle magnifique et le jeu se poursuivait. Dans une action vouée à l’échec pour n’importe quel footballeur, il trouvait la solution. À Malaga, Isco était notre génie".
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Isco

Crédit: AFP

Kameni : "J’étais surpris de le voir aller à Madrid"
Emmené par son chef d’orchestre, Malaga réalise une saison pleine avec des matches gravés dans la légende du club andalou comme cette victoire à la Rosaleda face au Real Madrid de José Mourinho (3-2), où Isco et Joaquin font vivre un calvaire à la défense merengue. Bien entendu, il y a aussi ce quart de finale retour de C1 hors du temps sur la pelouse du Borussia Dortmund (2-3), où Malaga cède deux fois dans le temps additionnel pour laisser échapper une qualification historique pour le dernier carré de la compétition. Cette saison d’Isco n’échappe ni à la presse étrangère (le magazine So Foot le considère comme le futur grand crack du football mondial), ni au Real Madrid qui s’attache les services de ce magicien au toucher de balle suave. À une époque où l’Espagne est double championne d’Europe et championne du monde en titre, Isco est d’ailleurs désigné par ses pairs comme le digne successeur d’Andrés Iniesta.
Seul souci : Iniesta est un joueur emblématique du Barça, adepte du 4-3-3 et de son tiki-taka fidèle au jeu de la sélection espagnole. Ennemi juré du club blaugrana, le Real Madrid n’est pas adepte de la même école. "J’étais surpris de le voir aller à Madrid, avoue Kameni. Le Real est un très grand club et en termes de titres, Isco a fait le bon choix. Que ce soit à Manchester City ou à Barcelone, il n’aurait pas gagné autant. Mais je le voyais beaucoup plus dans un club comme City, où Guardiola le voulait vraiment, ou au Barça par rapport à son style de jeu. Le Real de l’époque était basé sur un jeu direct, il allait être mis en concurrence dans un système pas forcément à son avantage. À Madrid, Isco n’était pas un joueur clé, c’était un joueur parmi les autres. Quand je regardais le Real jouer, je le voyais souvent évoluer sur le côté gauche de l’attaque dans un rôle d’ailier. Il n’aurait jamais fait ça à Malaga. Ce n’était pas parce qu’il ne savait pas le faire, mais parce que les qualités de son jeu n’étaient pas exploitées de la meilleure manière."
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Isco lors de la saison 2013/2014, sa première au Real Madrid

Crédit: Getty Images

Le Real, un choix à contre-cœur ?

Au-delà d’une prise de risque sur le plan sportif (le Real n’avait plus gagné la ligue des champions depuis… 2002 !), les premières incohérences liées au transfert d’Isco chez les Blancos apparaissent dans la presse ibérique. Lors d’une interview donnée au Mondial U17 en 2009, le prodige déclarait : "Enfant, je n’étais pas pour le Real et encore aujourd’hui, je suis plutôt antimadridista. J’ai l’impression que c’est un club arrogant, et sans humilité on ne va nulle part". Une photo prise pendant sa jeunesse atteste également de son goût pour revêtir la tunique du Barça, ses références footballistiques sont Xavi et Iniesta, sans oublier que le nom de son chien n’est autre que… Messi. Mais dès sa première saison à Madrid, Isco accroche une première Ligue des champions à son palmarès et profite sur la durée de l’ADN du Real en C1. Au total, ce sont cinq coupes aux grandes oreilles que l’international espagnol aux 38 sélections compte dans son armoire à trophées.
"Je pense qu’il était convaincu que le Real allait lui permettre de continuer à briller, analyse Kameni. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Au Real, Isco s’est mis à défendre. Si tu obliges un footballeur à défendre trente mètres derrière la ligne médiane et à faire remonter le ballon alors qu’il est déterminant entre le milieu de terrain et la surface adverse, ce n’est pas évident… À Malaga, il était le joueur sur lequel nous pouvions nous appuyer et on s’organisait sans lui pour défendre. Nous avions besoin de sa fraîcheur pour la participation offensive. Dès lors, il est normal que ce changement tactique n’ait pas permis à Isco d’exprimer pleinement son football."
Victime de la transformation du football sans meneur de jeu, Isco se retrouve pris dans l’engrenage du football moderne. "Quand tu prends la décision de partir à Madrid et de refuser City ou le Barça, les clubs qui ne te recrutent pas finissent par recruter d’autres joueurs à la place, affirme Kameni. Les portes qui étaient ouvertes pour Isco en 2013 s’étaient peut-être refermées trois ans plus tard… Ça, c’est la première possibilité. La deuxième, c’est que Isco avait sans doute l’ambition d’avoir plus de protagonisme au Real les années suivantes car c’est un compétiteur. Il s’est probablement dit que cela allait s’améliorer". À tort…
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Isco (Real Madrid)

Crédit: Getty Images

Nous allons assister à sa renaissance au Betis Séville
En sélection nationale, la dernière apparition d’Isco remonte au 10 juin 2019 contre la Suède, une éternité pour un footballeur de sa trempe. Sa dernière prestation majuscule avec la Roja s’était déroulée le 2 septembre 2017 contre l’Italie de au Santiago-Bernabéu, un match comptant pour les éliminatoires du Mondial russe où Isco, installé en faux numéro neuf, avait inscrit un somptueux doublé. Ce soir-là, Julen Lopetegui était le sélectionneur de l’Espagne. Dernier entraîneur à avoir fait vivre la magie d’Isco, Lopetegui coachait le Séville FC au démarrage de la saison 2022-2023.
C’est notamment pour cette raison que le footballeur avait choisi de revenir en Andalousie après la fin de son contrat madrilène. Hélas pour lui, Lopetegui a quitté ses fonctions après le mauvais démarrage des Palanganas en Liga. En perdition, Isco a disparu des radars après son dernier match officiel, le 13 novembre 2022 contre Velarde Camargo en coupe nationale. Le mois suivant, le joueur a cassé son contrat avec le club où il était arrivé six mois plus tôt…
Libre de tout contrat, Isco s’est finalement engagé au Real Betis pour l’exercice 2023-2024, une expérience aux allures de dernière chance pour voir l’esthète de 31 ans retrouver son lustre d’antan. "C’est un âge encore jeune, juge Kameni, toujours professionnel à 39 ans. Regardez ce que fait Modric à 37 ans… La saison passée, Isco n’a pas beaucoup joué (19 matches toutes compétitions confondues, ndlr). Cela peut lui permettre de retrouver de la fraîcheur. À Malaga, Pellegrini était comme un père pour lui. J’ai une totale confiance dans cet entraîneur, il sait comment l’utiliser et cela va lui faire énormément de bien. Nous allons assister à la renaissance du grand Isco au Betis." Après tout, Pellegrini avait bien fait briller Juan Roman Riquelme sous le maillot de Villarreal pour emballer toute l'Europe... Et si c’était l’heure de danser à nouveau ?
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Isco Alarcón

Crédit: Getty Images

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