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League Cup : Avant d'affronter West Bromwich Albion, Arsenal et Mikel Arteta entre pression et dépression

Philippe Auclair

Mis à jour 25/08/2021 à 12:12 GMT+2

LEAGUE CUP - Défait lors des deux premières journées de championnat, à Brentford (2-0) et contre Chelsea (0-2), Arsenal traverse une sérieuse zone de turbulences au moment de se rendre chez West Bromwich Albion, ce mercredi (21h). Pour notre chroniqueur Philippe Auclair, les Gunners de Mikel Arteta sont touchés par un mal bien plus inquiétant qu'une simple panne de résultats.

Mikel Arteta (Arsenal) contre Chelsea / Premier League

Crédit: Getty Images

L’illusion n’aura duré qu’un petit quart d’heure, le temps d’une frappe écrasée d’Emile Smith-Rowe et d’une échappée de Nicolas Pépé qui avaient pu faire croire que, contrairement à ce qu’on avait vu à Brentford neuf jours plus tôt, les Gunners de Mikel Arteta n’aborderaient pas ce match comme une rencontre de pré-saison. C’était avant que Reece James, oublié sur le flanc droit, laissé seul dans un espace suffisamment vaste pour qu’on y joue un cinq contre cinq, adresse un centre que Romelu Lukaku n’avait plus qu’à pousser dans le but de Bernd Leno.
C’était avant qu’un stade devenu quasiment silencieux, hormis les chants des supporters de Chelsea, n’assiste à une pièce déjà jouée si souvent, dans laquelle le personnage d’Arsenal a pris l'habitude d'endosser le rôle de victime consentante.

Des absences et des interrogations

Bien sûr, Arsenal avait des excuses qui, dans la bouche de Mikel Arteta, se voulaient des explications. Son effectif était amputé de neuf joueurs de premier plan, dont Pierre-Emerick Aubameyang, encore trop juste pour figurer pendant 90 minutes, Alexandre Lacazette, Hector Bellerin, Thomas Partey, la recrue Ben White et celui qui lui serait normalement associé au coeur de la défense des Gunners, Gabriel. Il était logique que la longueur de cette liste eût un impact sur la qualité du football proposé à l'Emirates, comme ç'avait déjà été le cas au Community Stadium de Brentford. Ce qui l'était moins, c'était que l'organisation de l'équipe en souffrît à ce point.
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Mikel Arteta (Arsenal) contre Chelsea / Premier League

Crédit: Getty Images

Que Reece James se retrouve seul dans un espace plus généreux que celui d'un trois-pièces parisien aurait pu être la conséquence d'un flottement passager, d'un manque de concentration du joueur chargé de couvrir Kieran Tierney - en l'occurrence Bukayo Saka, visiblement encore "à court" après les efforts consentis à l'Euro. Que cela se reproduise tout au long de la première période était impardonnable, et suggérait qu'Arteta avait failli dans sa préparation.

Arteta, l'homme de la situation ?

Arsenal, disposé en 4-2-3-1, n'avait tout simplement pas les moyens de contrer une équipe de Chelsea qui exploite la largeur du terrain mieux que toute autre équipe de Premier League avec ses pistons James et Alonso, et dispose en Havertz et Mount de deux attaquants des plus mobiles, dont le placement et les courses ont un effet déstabilisateur sur les défenses les mieux structurées. Le problème, en ce cas, n'était pas lié à l'indisponibilité de tel ou tel joueur, mais à la mise en place du onze mis en place par Mikel Arteta, qui était clairement déficiente, et qu'il ne fit rien pour corriger.
La question se pose donc à nouveau de savoir si l'ancien adjoint de Pep Guardiola est l'homme qui convient au club toujours en deuil d'Arsène Wenger, quand bien même ce que l'on voit aujourd'hui aie ses racines dans la si longue et si difficile fin de règne du manager des "Invincibles". C'est une question qu'on avait déjà posée quand c'était Unai Emery qui occupait la même position et dont on connaît la réponse, ce même Unai Emery qui, un an et demi après son licenciement du club londonien, remportait la Ligue Europa avec Villarreal face à Manchester United, preuve qu'il n'était peut-être pas aussi incompétent qu'on avait bien voulu le dire.

Le moindre obstacle est fatal

Nous écrivions ceci il y a huit mois : "Ce qui manque le plus cruellement, pourtant, c'est quelque chose qui ressemble à un projet, à une stratégie, non pas seulement pour l'équipe, mais pour le club tout entier, car ce que les Kroenke ont pour ambition, au singulier et au pluriel, demeure un mystère". Quels progrès ont été accomplis depuis dans ce domaine ? Aucun qui vienne à l'esprit. Ce n'est pas dédouaner Mikel Arteta que l'affirmer aujourd'hui. C'est replacer son parcours et, oui, ses errements, dans un contexte qui dépasse largement les interrogations sur son impuissance face au champion d'Europe en titre.
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Arsenal travel to West Brom

Crédit: Getty Images

Or, plus le statu quo se prolonge, et plus Arsenal s'enlise dans le marécage d'une équipe de milieu de tableau, voire pire, plus ses carences systémiques prennent un caractère de permanence qui fait craindre pour l'avenir de ce grand club, comme s'il était désormais dans la nature d'Arsenal, finaliste de la Ligue Europa en 2019, vainqueur de la FA Cup en 2020, de chuter dès que le moindre obstacle est placé sur la route, qu'il s'appelle Brentford ou Chelsea.

Arsenal est tombé en dépression

Alors oui, Arteta est sous pression. Demanderait-on aujourd'hui aux supporters de son équipe s'il est l'homme de la situation, ils ne seraient certainement pas 53% à répondre "Oui", comme ç'avait été le cas lorsque The Athletic leur avait posé la question en décembre dernier. Mais cette "pression" n'est rien à côté de la dépression qui semble toucher tout ce qui entoure le club en août 2021, à commencer par ses supporters. Tout comme l'équipe d'Angleterre avant que Gareth Southgate n'en prenne le destin en mains, Arsenal a besoin d'un psychiatre autant que d'un entraîneur.
J'emploie le mot "dépression" à dessein, en ayant conscience qu'il pourra choquer. Ce qui habite Arsenal n'est pas une tragédie comparable à celle que vivent des millions d'êtres humains dont certains ne peuvent s'extraire qu'au prix de leur existence. Mais Arsenal est bien devenu un club dépressif, au point que sa dépressivité, si le mot existe, est devenu un composant de son identité. Les joueurs eux-mêmes n'y échappent pas. Leurs capacités de jugement en sont affectées, leur combativité aussi.
Nous avons besoin d'un Bielsa
Lorsque Chelsea, contre le cours du jeu, si l'on ose dire, ouvrit la marque dimanche dernier, il n'y eut pas de révolte collective, tout juste quelques rares éclairs individuels, comme si les choses étaient rentrées dans l'ordre. Comme s'il y avait une certitude de l'échec. Comme si le sentiment d'impuissance que partagent tous les dépressifs avait gagné tout ce qui portait un maillot rouge et blanc. Comme si la seule délivrance serait celle du coup de sifflet final.
La vraie question qui doit se poser pour Mikel Arteta n'est pas de savoir s'il a les compétences requises pour définir et mettre en place un jeu, quel qu'il soit. Il est sans doute trop prudent, peut-être trop rigide dans ses choix, parce qu'il perçoit que cette prudence est requise et que ses choix sont les bons dans l'absolu. En soi, cela n'est pas rédhibitoire. Cela n'en fait pas un tacticien naïf ou incompétent. Il n'a pas "perdu le vestiaire" non plus.
Le danger est que, comme Unai Emery, il se laisse gagner par le marasme ambiant, qu'il oublie la part de joie sans laquelle le football ne peut se jouer - ou se regarder. Un ami, supporter de toujours des Gunners, me disait dimanche : "Nous avons besoin d'un Bielsa". Par quoi il entendait, d'un homme qui sache vivre dans le présent, pour qui chaque match et chaque séance d'entraînement soit une aventure que tous, encadrement, joueurs et supporters puissent partager. Arsenal a besoin d'une cure de risque pour soigner sa dépression. Qui sera le thérapeute est une autre affaire, s'il en existe un.
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Martin Ödegaard und Mikel Arteta (r.)

Crédit: Getty Images

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