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Accusations, polémiques, provocations... mais que cache tant de haine entre Benfica et Sporting ?

Nicolas Vilas

Publié 25/10/2015 à 01:20 GMT+2

Benfica et Sporting n’auront pas attendu le derby de ce dimanche pour se chercher. Voilà des mois que les deux géants de Lisbonne clashent. Ou comment en banalisant la violence, les responsables du foot portugais tentent de détourner l’attention des problèmes de fond…

Luis Carlos da Cunha et Maxi Pereira à la lutte lors de Sporting - Benfica en Liga portugaise le 8 février 2015

Crédit: Panoramic

Un Sporting-Benfica n’a jamais rien d’un match tranquille. Mais celui qui s’amène dimanche à la Luz serait presque inquiétant. Les cinq points séparant les deux voisins (le SCP est co-leader avec Porto, le SLB compte un match en moins) parait anecdotique. Les dirigeants des deux clubs ont, une fois encore, déplacé le duel sur un autre terrain. Où tous les coups sont permis.
Aigles et Lions qui se disputaient déjà des joueurs (Cervi est le dernier cas d’embrouille en date) se déchirent en coulisses. Et autant que possible devant les caméras. Même le très incitateur FC Porto qualifie ces échanges de "pornographie footballistique."
L’ultime assaut du boss sportinguiste, Bruno de Carvalho, accuse le Glorioso – dirigé 321 matches durant par Jorge Jesus - d’avoir offert des cadeaux aux arbitres (une boite à l’effigie d’Eusébio contenant un maillot du Benfica, un voucher pour un dîner pour quatre personnes et une visite au musée du club, le tout estimé à une valeur de 500/600 euros). BdC accuse à demi-mot le SLB d’être complice des pièces dernièrement révélées par le mystérieux blog Football Leaks.
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Bruno de Carvalho, le président du Sporting

Crédit: AFP

Car le derby de Lisboa prend aussi la tournure d’une "Guerre 2.0." A moins de 48 heures du match, un message publié sur le forum d’un site de supporters benfiquistes (SerBenfiquista) divulgue les numéros de téléphone de plusieurs footballeurs et de l'entraîneur adverses. Le message sera effacé deux heures plus tard, "une fois détécté par le modérateur", s’excusera le site.
Quelques jours plus tôt, le boss du SCP a carrément balancé sur Sporting TV un document qu’il affirme être la fiche de socio du Sporting de… Luis Filipe Vieira, l’actuel président benfiquiste. "Les socios du Benfica savent que leur président a été socio du Sporting et du FC Porto", assène-t-il. Le club de la Luz qui n’a pas rétorqué, prépare, selon la presse portugaise, une action en justice contre Bdc et/ou son club. Le Glorioso réclamerait plusieurs millions d’euros de "dommages et intérêts" pour "préjudice d’image."

Jesus, symbole et prétexte

A lui seul, Jesus incarne la tournure, l’intensité de l’actuelle rivalité. "Je m’attends à être reçu à la Luz de façon normale, comme l’entraîneur de l’équipe adverse", a-t-il lancé cette semaine, sans pouvoir réellement y croire. Celui qui a migré pour Alvalade cet été déchaîne les passions, les excès. Dès l’annonce de sa mutation en juin, l’entraîneur de 60 ans a été, selon A Bola, mis sous protection policière. Sa première en Vert et Blanc avait débuté par la Supercoupe face… au Benfica (1-0). Il est alors accusé par le SLB d’avoir balancé des SMS à ses ex avant la rencontre qui se terminera par une altercation avec Jonas. "Un malentendu", tempèrera le Brésilien.
Son ancien employeur – qui ne lui pas versé son dernier mois de salaire – lui reproche de s’être engagé avec les Lions (le 5 juin) avant la fin notoire de son contrat au SLB (30 juin). Le Benfica qui l’accuse encore d’être parti avec des informations confidentielles réclamerait une indemnité de 14 millions d’euros – soit "un euro par supporter" comme "valeur symbolique". Cette info révélée par Sábado est l’œuvre du "service de communication du Benfica", envoie de Carvalho. "Traître", "déserteur", les qualificatifs émanant des Encarnados ne manquent pas pour qualifier le choix de JJ.
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Jorge Jesus, lors de sa présentation en tant que nouvel entraîneur du Sporting

Crédit: Eurosport

La violence est là

Officiellement, les relations entre Sporting et Benfica sont coupées depuis février. Le premier a décrété le boycott au lendemain d’un derby de futsal au cours duquel avait été déployé un tifo sur lequel était inscrit : "Very light 1996", accompagné de chants : "Demain, il y en aura d’autres." Glauque référence à ce supporter sportinguiste mortellement atteint par un fumigène (very light) lancé par un supporter benfiquiste, lors de la finale de la Coupe du Portugal 1996. Le SCP reprochera à Vieira son inaction et son silence. Cette violente provocation (ou cette provocante violence) est une réalité. Incontournable.
Le Benfica vient d’être sanctionné d’un match à huis clos avec deux ans de sursis par l’UEFA. Lors du récent choc de C1 face à l’Atlético Madrid, des objets et fumigènes avaient été balancés depuis le coin réservé aux benfiquistes. Un enfant de deux ans a été brûlé… Le Benfica s’excusera.
Beaucoup ont encore en tête l’image de ce père de famille tabassé sous les yeux de son gosse par un policier à Guimarães, le soir du dernier titre du SLB, en mai dernier. Le sous-commissaire en question qui a été suspendu 90 jours a, depuis, reçu plusieurs menaces de mort et, avance le JN, a vu la porte de sa maison criblée de balles. Combien de "casas", de centres d’entraînement, de stades, de bus ont été tagués, caillassés, vandalisés, ces derniers mois voire ces derniers jours ?

La faute à qui ?

Hugo Inácio, le "lanceur" du "very light" de 1996, était un membre des No Name Boys. Ce mouvement de supporters n’a jamais souhaité s’inscrire auprès du Conseil national du sport (CND) et n’est donc pas officiellement reconnu par le Benfica. Les NN – dont plusieurs membres ont été condamnés pour trafic d’armes et de drogue – sont pourtant toujours présents et visibles à la Luz. Inácio qui avait été condamné à quatre ans de prison, s’était évadé en 2000.
Retrouvé en 2011, il sera condamné un an plus tard pour avoir blessé un policier avec un siège lors d’un Benfica-Spartak. Il écopera de 18 mois ferme et, seulement là, d’une interdiction de stade… de deux ans ! Dès 1997, une loi contre la violence dans les enceintes sportives avait été adoptée. Elle prévoyait l’officialisation des groupes de supporters. Plusieurs retouches à ces directives seront apportées. Mais les habitudes perdurent et les mots s’endurcissent.
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La tribune des supporters de Benfica après un but contre le Sporting Lisbonne en Liga portugaise le 8 février 2015

Crédit: AFP

Lorsqu’il évoque de Carvalho, José Roquette, président du Sporting de 1996 à 2000, déplore "la forme – qui semble être dans son ADN – employée pour résoudre les problèmes, basée sur la contestation et la turbulence." Toni, autre ancien, du camp d’en face, aimerait "qu’il y ait de la contention verbale sur ce derby qui est déjà assez enflammé en soi." Et il prévient : "La violence n’est pas loin." Celle qui ferait basculer le "folklore" vers le déchaînement. Pour reprendre les propos de Mourinho, pour que ce qui "finit par être marrant", ne devienne pas un "risque au niveau social, quelque-chose de négatif dans ou en dehors du stade."
La fédération "n’aime pas alimenter les polémiques. Le football a besoin de tranquillité." Pedro Proença, l’ex-arbitre et actuel président de la Ligue, avait d’abord qualifié ces échanges de "faits divers". Le Ministère de l’intérieur qui a encore celui de 1996 en mémoire, a, lui, convoqué des représentants des deux clubs pour une réunion avec les forces de police. Ce vendredi, Proença a suivi en lançant, dans une lettre ouverte publiée dans A Bola, un "appel au bon sens" et "au sens de la responsabilité de tous les intervenants engagés dans le derby lisboète".

Et on oublie les vrais problèmes…

Le boss du foot portugais aimerait "que tous puissent être focalisés sur ce qui est essentiel : les problèmes de fond". Et il y en a. De la santé financière de la Ligue, à celle de ses clubs, en mal de sponsors, recettes, spectateurs, en passant par la question de la mutualisation des droits télé, la réduction du nombre de clubs au niveau professionnel ou la réforme de l’arbitrage (au niveau technologique et de la rémunération)… Un vaste programme de modernisation promis par Proença lors de sa campagne mais qui sera impossible tant que perdurera l’éternelle politisation du "futebol" et les divisions qu’elle engendre.
L’ancien international et entraîneur des jeunes du Sporting, Luís Boa Morte, tente une ultime prise et prose de conscience : "Laissez les joueurs être les protagonistes et oubliez le reste. Il y a une volonté de leur voler la vedette mais les dirigeants doivent comprendre que le football s’arrêtera le jour où ils les feront exploser." Qu’ils prennent garde. Ça sent la poudre. Et depuis un moment…
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Luis Boa Morte

Crédit: Eurosport

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