Sens du détail, gestion bienveillante, turnover : la méthode Luis Enrique décryptée avant le Clasico

Un garçon intelligent et hyper actif. Luis Enrique, 44 ans, a de l'énergie à revendre et a compris que le Barça se cherchait un leader après deux années d'errance. Lunettes de cycliste sur les yeux, Enrique anime les séances avec vigueur. Au Celta Vigo, Enrique avait fait installer une tour située à six mètres de hauteur appelée "Station d'Observation Technique". De là haut, il observait une bonne partie des séances. Après en avoir installé une en préparation estivale avec le Barça, il y a renoncé par la suite, expliquant que les installations lui permettaient d'avoir une bonne vue d'ensemble. L'image était surprenante.

Luis Enrique a compris que seule l'hyper-exigence pouvait parler aux stars. Faire un travail méticuleux, précis. Voilà ce que ses joueurs, vainqueurs de Ligue des Champions et de Coupe du Monde, attendaient. Lucho a développé son staff avec des gens compétents, jeunes et spécialisés dans des domaines précis. Chaque interrogation obtient une réponse rigoureuse. La présence d'un psychologue complète son équipe d'experts. Une méthode venue des Etats-Unis et du sport professionnel américain : les Chicago Bulls de Jordan utilisaient les services d'un homme capable d'optimiser leurs performances.

Xavi, dans une interview récente, disait qu'il voyait certains aspects de Pep Guardiola chez Luis Enrique. L'obsession du détail notamment. Autre point commun entre les deux entraîneurs, ils ont connu certains joueurs de l'effectif. Proche de ses garçons, Enrique n'hésite pas à leur parler franchement tout en les protégeant publiquement. Sûrement un héritage laissé par José Mourinho, connu au Barça (Mourinho était adjoint de Van Gaal et Luis Enrique encore joueur). Les deux hommes sont d'ailleurs très amis et partagent le même goût pour la gagne.

Comme Mourinho, Luis Enrique a une conception très moderne du rôle du coaching. En faisant énormément de gestion humaine, il tente de tirer le maximum de chacun. Il s'appuie, en tant qu'ami, sur ses deux capitaines, Xavi et Iniesta, des hommes avec qui il a joué. Il se montre plus dans le rôle du grand frère pour Gérard Piqué, qu'il ne va pas lâcher cette saison. Avec Messi, il est protecteur (comme Guardiola l'était) : épuisé et désorienté ces derniers mois, Messi sortait en plus d'une finale de Coupe du Monde perdue ! En lui accordant toute la liberté qu'il voulait, en l'épaulant de deux vrais attaquants devant lui (Neymar, Pedro, Munir et bientôt Suarez), Luis Enrique a récupéré le meilleur Messi. Un exploit en seulement trois mois.

Neymar, de son côté, avait certainement besoin d'être mis en valeur au Barça. Surtout après sa bonne Coupe du Monde. Ancien grand joueur, Luis Enrique a compris ces besoins. Et Neymar, qui ne demandait qu'à exploiter ses qualités de buteur en Seleçao, a fort bien répondu. Quant à Mascherano, il est l'un des rares intouchables de l'effectif. L'Argentin sait que Luis Enrique est pour beaucoup dans sa prolongation de contrat signée avant le Mondial. Mascherano se battra jusqu'au bout pour son coach.

Enfin Munir, Sandro et, à un degré moindre, Samper ont droit à un discours plus proche du père, de l'éducateur. Comme une autorité supérieure "bienveillante". Ces grands espoirs savent que leur entraineur compte sur eux et qu'ils peuvent rentrer à n'importe quel moment. Une marque de confiance qui oblige à se dépasser. Munir et Sandro ont parfaitement joué leur rôle quand on les a appelés.

Récupérer un à un les joueurs permet surtout à Luis Enrique de mettre en place un point essentiel chez lui : le turnover. Face à l'APOEL Nicosie en Ligue des Champions, Enrique avait changé neuf joueurs par rapport au match précédent. Lors de sa première année au Barça, Guardiola avait aussi beaucoup utilisé le turnover. Peu de joueurs avaient été blessés. En grand amateur des "Iron Man" (3km de natation, 180 km de vélo puis un marathon de 41km), Luis Enrique sait que la condition physique décidera du sort du Barça cette saison.

En mettant de l'ordre dans les têtes, en donnant une idée force à laquelle croire (jeu plus offensif que dans le passé, plus d'ordre en défense) et en garantissant la plénitude physique, Luis Enrique a gagné tous les soutiens.

Joueur pendant huit ans, entraîneur de la réserve de 2008 à 2011 (dans l'ombre du plus grand Barça de l'histoire), Luis Enrique connait très bien les journalistes qui suivent le club. Un environnement particulier, où la pression est forte, les gens passionnés et les exigences très grandes. Sans être particulièrement ami ou complice, il entretient des relations directes avec les médias, sans faux semblant ni enjolivures. La réponse est souvent percutante mais peut irriter certains. Il refuse toutes les demandes d'interviews individuelles et ne répond qu'en conférence de presse, comme Guardiola ou Marcelo Bielsa.