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Pas de pasillo pour le Barça : où est passé le respect du champion ?

Antoine Donnarieix

Mis à jour 04/05/2018 à 09:45 GMT+2

LIGA - Ce week-end, le FC Barcelone va accueillir le Real Madrid pour un Clásico sans enjeu réel, si ce n’est le prestige. Pourtant, ce duel à venir crée un énorme boucan depuis que le Real, sous l’impulsion de Zinédine Zidane, refuse catégoriquement de rendre hommage au champion d’Espagne blaugrana par le biais du pasillo, comme le veut la coutume. Voici les explications à cet imbroglio.

Pasillo del Deportivo a los jugadores del Barcelona

Crédit: Eurosport

"Nous n’allons pas faire le pasillo, et c’est tout. Nous nous concentrons sur le match de demain, mais sachez déjà que nous ne ferons pas le pasillo. La réponse est très claire, et je n’ai pas besoin de me justifier sur ce thème. Dans quinze jours, vous allez tous m’en parler. Donc là, quelqu’un me pose la question, je lui réponds et je ne me prononcerai plus du tout sur ce thème. Je ne comprends pas cette histoire de pasillo…" Les mots de Zinédine Zidane frappent fort d’entrée de jeu dans cette conférence de presse avant le derby face à l’Atlético de Madrid. Le Barça, proche de remporter la Liga, ne sera pas honoré par une haie d’honneur merengue. De fait, la tradition est rompue. Et forcément, il y a de quoi s’interroger.
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Zidane refusera la haie d'honneur au Barça

Atlético Madrid et Bilbao, les racines de l’hommage

Si le Clásico est un choc suivi par le monde entier, le pasillo est devenu depuis les années 70 une des spécificités du championnat espagnol. En conclusion de la saison 1969-1970, l’Atlético de Madrid remporte la Liga lors de l’ultime journée, un tout petit point devant l’Athletic Club. Les deux institutions partageant les principes de l’effort, de l’humilité et du fair-play, les Basques se décident à organiser une haie d’honneur en faveur de leurs adversaires madrilènes lors du huitième de finale de la coupe d’Espagne, une compétition à l’époque prévue après le championnat. Des joueurs emblématiques comme José Ángel Iribar, Javier Clemente, Luis Aragonés ou José Eleugio Gárate vivent ce moment historique au Stade Vicente-Calderón, le 17 mai 1970.
Depuis ce moment de fraternité, les années sont passées mais le pasillo a toujours été respecté entre toutes les équipes, et ce même lorsque cela impliquait une rencontre entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Preuve en est, le pasillo réalisé par le Barça au Real depuis le Camp Nou le 1er mai 1988, afin de saluer le titre obtenu par les Blancos. Victorieux sur sa pelouse (2-0), le Barça jubile. Jusque-là, aucune tension réelle ne ressurgit. Trois ans plus tard, c’est au tour du Real Madrid de réaliser la haie d’honneur dans son enceinte du Santiago Bernabéu contre la Dream Team de Cruyff, sacrée deux journées plus tôt. Les Madrilènes s’exécutent, mais le public local y ajoute son grain de sel en sifflant copieusement l’entrée des Catalans sur la pelouse… Résultat final ? 1-0 pour le Real Madrid.
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Pasillo del Barcelona al Real Madrid en el Bernabéu, año 2007

Crédit: Imago

Le pasillo de 2008, dernière révérence en Clásico

Si cette haie d’honneur sous les huées est une simple anecdote à la montée des températures entre le Barça et le Real, des chants insultants comme "ser del Barça es ser un subnormal" (être du Barça, c’est être handicapé mental, en VF) ou le fameux "Madrid, cabrón, saluda al campeón" (Madrid, connard, salue le champion) popularisé par Samuel Eto’o en 2005, ajoutent eux aussi du piment à leur éternelle rivalité. En toute logique, le FC Barcelone s’était plié à l’exercice du pasillo face au Real le 7 mai 2008. Pour la première fois de l’histoire du pasillo en Clásico, le vainqueur de la Liga allait être honoré sur ses terres par l’ennemi de toujours. De quoi apaiser les vives tensions puisque même sur le terrain, la victoire du Real de Bernd Schuster, déjà présent lors des précédentes haies d’honneur Real-Barça en tant que joueur, ne souffre d’aucune contestation (4-1). Humilié, le Barça de Frank Rijkaard repart de Madrid la queue entre les jambes, mais avec le sentiment du devoir accompli.
Mais alors, pourquoi diable Zidane souhaite-il refuser ce pasillo au Camp Nou dix années plus tard ? La réponse se trouve dans l’une des dernières compétitions en date, à savoir la supercoupe d’Europe entre le Real Madrid et Manchester United, le 8 août 2017. Vainqueur des Red Devils (2-1), les Madrilènes s’attendaient à recevoir une haie d’honneur de la part du Barça pour le Clásico suivant, prévu en supercoupe d’Espagne cinq jours plus tard. Mais à leur grande surprise, le Barça a fait comme si de rien n’était. Pourquoi ? Cette fois-ci, la réponse se situe dans l’histoire : en 1970, l’Atlético de Madrid était champion d’Espagne, et cet hommage ne dépassait pas les frontières du pays. Mais depuis que le Real et le Barça se sont emparés de ce protocole et avalent la grande majorité des titres possibles, le pasillo en Clásico transmet davantage l’idée de soumission au rival par rapport à celle du respect de l’adversaire.
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Zidane : "Nous devons féliciter le FC Barcelone, ils ont gagné deux choses"

Ramos : "Nous accordons trop d’importance au pasillo"

Dans ce climat tendu, le FC Barcelone avait alors jugé bon d’expliquer que cette absence de pasillo était dû au fait que le Barça ne participait pas à la supercoupe d’Europe. Sauf que pour soulever ce trophée, il faut remporter soit la Ligue Europa (C3), soit la Ligue des champions (C1). Et la C1, le Barça l’a disputée en compagnie du Real Madrid en 2016-2017… Bref, cette excuse des compétitions n’est pas fondée, tandis que celle historique est quant à elle bien plus valable. En l’occurrence, le Deportivo La Corogne a offert la semaine dernière un pasillo au Barça. La raison ? Sa victoire en coupe d’Espagne, contre le FC Séville (5-0). Là encore, le cadre des frontières nationales est respecté.
"Zizou l’a dit, nous accordons trop d’importance au pasillo, expliquait Ramos en conférence de presse lundi dernier. Le Barça vient de remporter la Liga, et voilà. Le pasillo n’est pas important, autant pour nous que pour eux. Nous ne ferons pas ce pasillo, point barre." Suite à la position catégorique du capitaine de la Maison Blanche sur le sujet, le Real s’est entre temps qualifié pour sa troisième finale de Ligue des champions consécutive. Une prouesse exceptionnelle et sans équivalence depuis 1998, année où la Juventus de Zinédine Zidane s’inclinait en finale contre… le Real Madrid (1-0). Depuis, Zidane est devenu champion du monde, puis s’est trouvé une nouvelle famille avec le Real Madrid où le meneur de jeu s’est mis à briller en tant que joueur, puis entraîneur. Mais aussi fort soit-il, le double Z détient-il vraiment toutes les notions qui entourent l’esprit du Real Madrid ?

Le Señorio madrilène en péril

Recruté par Florentino Pérez en 2001, ZZ faisait partie du projet des Galactiques mené par le président du club royal. Dans ce désir de construire une équipe de rêve avec une recrue phare par été, l’entrepreneur souhaitait aussi remettre au goût du jour une vieille tradition issue du Real Madrid : le Señorio. Un état d’esprit mélangeant l’esthétisme, la classe et le fair-play à auquel collait le Real des années 50-60. En gros, gagner les matchs et les trophées de façon irréprochable et se montrer exemplaire, sur le fond comme sur la forme.
Au sein de l’effectif, un joueur de l’époque reflétait à merveille cette philosophie : Raúl González Blanco. Et si dans une interview accordée au magazine So Foot en mars 2015, El Siete considérait que le principal représentant du Señorio dans ce Real actuel s’appelle Sergio Ramos, ce dernier vient tout juste de valider le refus du pasillo par le biais de son entraîneur… Éthiquement, peut-on considérer cela comme un acte de fair-play ?
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