Pastore un cran en-dessous

Paris, dimanche soir. Il est 22h37. Une pluie battante s'abat sur le Parc des Princes. Le déluge ne tombe plus du ciel. Il vient des tribunes. Javier Pastore cède sa place à Sylvain Armand. Sous les sifflets. L'Argentin regagne le banc en traînant des pieds, dans un regard empreint de dédain et d'incompréhension. Il évite soigneusement Antoine Kombouaré. Une heure plus tard, à l'issue d'un PSG-Lille (0-0) indigeste, l'entraîneur parisien s'efforce de minimiser l'épisode. "Pour moi, ce n'est pas important. L'important, c'est qu'on a fait 0-0 et qu'on aurait pu gagner le match. Heureusement qu'un joueur n'est pas content de sortir ! Le contraire ne me ferait pas plaisir." Fin de la conférence de presse.

Dans les entrailles du Parc, les coéquipiers de Pastore se réfugient derrière la thèse de l'auto-exaspération. Ceara résume : "Peut-être qu'il était en colère contre lui-même quand il est sorti, car il voulait faire des différences et il n'a pas pu le faire." Face au champion de France, El Flaco a eu un éclair. Un seul : cette ouverture lumineuse pour Kevin Gameiro, à la demi-heure de jeu. Le reste du temps, il a couru dans le vide. Après un ballon qu'il n'a touché que 42 fois en 80 minutes et qu'il a perdu à 17 reprises. Pris dans l'engrenage individualiste de l'attaque parisienne, l'Argentin s'est surtout compliqué la tâche lorsqu'il a voulu faire jouer les autres. Dimanche soir, il a toujours cherché la solution la moins évidente, la plus compliquée. Résultat, il n'a réussi que 65% de ses passes.

Mais outre ses statistiques peu glorieuses, c'est l'attitude de Pastore qui a laissé transparaître un agacement croissant. Ses récentes sorties médiatiques avait déjà trahi une frustration latente quant à son positionnement. Sa prestation face à Lille a accentué son mal-être. L'ancien joueur de Palerme ne s'épanouit pas dans le 4-2-3-1 de Kombouaré. A Paris, on lui demande d'évoluer très haut, aux côtés de Kevin Gameiro, pour presser les défenseurs axiaux. Pour Angel Cappa, son ancien entraîneur à Huracan, Pastore n'est pas à l'aise dans ce registre. "Javier est un numéro 10 qui doit avoir une liberté totale de mouvement pour orchestrer le jeu et avoir des occasions de but, disait-il dans France Football vendredi. Il est habitué à partir de plus loin, à avoir le jeu devant lui et davantage de contact avec le ballon."

A croire Omar Da Fonseca, qui avait proposé Pastore à Saint-Etienne en novembre 2006, Kombouaré "utilise Pastore à contre-emploi, dans un système où Ménez reste collé à la ligne de touche, où 40 mètres séparent parfois Pastore des autres joueurs offensifs, Ménez ou Nene". Et l'ancien buteur argentin de préciser sa pensée : "Les positions sont trop rigides. A chaque perte de balle, Ménez Nene et Gameiro se regardent pour savoir qui doit revenir défendre. Il faudrait que Javier ait deux ou trois joueurs devant lui sur lesquels s’appuyer ou pour prendre les fausses pistes qui lui permettraient de feinter la passe, de partir en dribbles et de prendre de la vitesse. Pour l’instant, il n’a que Gameiro."

Le mal-être de Pastore tiendrait donc essentiellement à des directives tactiques inadaptées. L'Argentin serait assurément plus épanoui dans un 4-4-2 en losange, derrière un duo d'attaquants. Voire dans un 4-3-3 calqué sur celui des glorieuses années lyonnaises, quand Juninho avait suffisamment de liberté et d'espaces pour s'exprimer. Pour l'heure, Kombouaré n'envisage pas de bouleverser ses plans pour un seul homme. Même s'il a coûté 42 millions d'euros.