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Avant Monaco-OM : La géométrie tactique du professeur Kovac

Chérif Ghemmour

Mis à jour 23/01/2021 à 13:27 GMT+1

LIGUE 1 - Et revoilà Monaco ! L’ASM qui occupe une brillante quatrième place au classement avant d’affronter l’OM ce samedi a réussi sa mue en adoptant son fameux 4-4-2. Un système que Niko Kovac a su animer selon une étonnante géométrie faite de complémentarités symétriques. Un style carré mais dont la souplesse fait que ça tourne rond !

Niko Kovac et ses joueurs, lors de Monaco - Reims

Crédit: Getty Images

Le 4-4-2… Parce que c’est le système à la fois le plus rationnel et le plus sécurisant. Et parce qu’il induit aussi des ambitions offensives chères à Niko Kovac. Alors après l’expérience d’un 4-3-3 pas si inintéressant au départ mais achevé dans sa version kamikaze à Lyon (1-4), le coach croate a switché. Au match suivant, le 1er novembre contre Bordeaux (4-0), il a donc mis en place un 4-4-2 qu’il déclinera parfois en 4-2-3-1 (avec Fabregas en 10 en soutien de Volland) ou plus couramment en 4-4-1-1 (avec Volland en soutien de Wissam Ben Yedder). Et bingo !
Le casse-tête de la ligne d’attaque était grandement résolu avec l’éclosion du duo Volland-Ben Yedder. Une éclosion que le Covid, plus que les défenses de L1, ralentira, le temps que "WBY" s’en remette après avoir été contaminé : 19 buts pour la paire (10+9) et 10 passes décisives entre eux et pour les copains. Mais le 4-4-2 "kovacien" a surtout étendu et complété un schéma très géométrique structuré également par d’autres paires !
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Kevin Volland et Wissam Ben Yedder (AS Monaco)

Crédit: Getty Images

Axiales d’abord, avec en plus du binôme Wissam-Kevin de devant, le duo de défenseurs Badiashile-Disasi (avec sa variante actuelle Maripan en lieu et place de l’ex-Rémois) et les jumeaux du milieu Tchouaméni-Fofana. Le couloir droit aligne sur la profondeur la paire Aguilar et Diop, tandis que la bande gauche associe les duettistes Caio Henrique et Gelson Martins. C’est à la base de cette quadrature parfaite que l’AS Monaco a pu stabiliser à la fois un cadre-type ainsi qu’un onze-type qui ne bougent pratiquement jamais au moment du coup d’envoi. Et c’est sur les trois paires axiales décrites plus haut (défense-milieu-attaque) que Kovac a prioritairement bâti son équipe.

Un huit de base qui ne bouge pas

Hormis Disasi pour l’instant remplacé par Maripan, les six joueurs axiaux disputent la quasi-totalité des matches. Sauf blessures, évolution du score, coaching logique de fins de matches en attaque (entrées de Jovetic, Geubbels ou Pellegri), Kovac ne retouche que très peu son six de base. Huit, même, si on y ajoute évidemment Aguilar, indéboulonnable à son poste, et Lecomte revenu dans les buts. C’est en fait à la marge, pour l’instant, aux trois postes restants, que l’entraineur monégasque opère plutôt des changements en cours de matchs qui concernent donc Caio Henrique, Gelson Martins et Diop.
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Benjamin Lecomte, le gardien de but de l'AS Monaco.

Crédit: Getty Images

Cet ensemble géométrique par paires a répondu bien sûr à la nécessité d’associer d’abord devant Ben Yedder et Volland (décalé sur les côtés au départ) mais surtout de bricoler un système global rassurant qui assimile au mieux les différents profils d’un effectif pléthorique et qui tient compte des longues blessures (Golovine, surtout). Sans vrai 6, Kovac a donc associé Tchouaméni-Fofana en sacrifiant Fabregas, au départ pointe basse de son 4-3-3. Et avec un seul vrai joueur de couloir, Gelson Martins, il a placé avec succès pour l’instant l’offensif axial Sofiane Diop dans le couloir droit.
Bien averti à son arrivée des carences en défense qui ont plombé l’ASM ces deux dernières saisons, Kovac a poursuivi dans sa géométrie personnelle en blindant façon Deschamps à l’OM l’axe défensif avec un "carré fort" : Badiashile-Disasi/Maripan-Tchouaméni-Fofana. Et la grande réussite du professeur Kovac est d’avoir su sublimer un cadre en apparence très rigide fait d’alignements symétriques dans la largeur et la profondeur. Car grâce aux interactions internes, son système s’assouplit jusqu’à le rendre plus protéiforme.

Volland ou Ben Yedder, meneurs d'une équipe qui n'en a pas

Devant, la position par moments plus reculée de Volland permet une meilleure liaison entre un milieu dépourvu de vrai meneur et Ben Yedder, en pointe. Mais l’inverse est aussi vrai : Ben Yedder et sa technique virtuose de futsal sait décrocher pour jouer "petits espaces" en soutien ou en relais de son compère allemand, voire de Sofiane Diop (5 buts). Diop et Gelson Martins (2 buts, 2 passes décisives), qui savent aussi se positionner "intérieur" en densifiant l’axe, ouvrent les extérieurs aux latéraux Aguilar et Caio dont la qualité de centre n’est plus à démontrer. C’est d’ailleurs en phase offensive que l’ASM déploie une déclinaison originale en 3-2-4-1, comme le démontre Sofoot.com dans des infographies intéressantes du Monaco-Angers du 9 janvier.
Sidibé en latéral droit a complété une défense à trois avec Badiashile et Maripan, postée derrière le double pivot Tchouaméni-Fofana. Caio monte d’un cran à gauche d’une ligne qui étire le bloc angevin et complétée par Diop et Volland en "inters", donc, ainsi que Gelson Martins, en côté droit ce soir-là. "Cette disposition crée un couloir de transmission à partir d’un défenseur axial excentré qui lance vers un inter (Diop ou Volland) qui peut décaler vers le latéral parti dans le couloir", précise l'article.
Ici encore, on assiste à une animation quasi géométrique par sa symétrie déployée sur les deux côtés par des jeux en triangle souvent à une touche. Déjà, contre Bordeaux, le but de Diop avait été inscrit à la conclusion d’une combinaison en triangle Badiashile-Caio-Ben Yedder venue de la gauche. En assurant un pressing costaud, les jumeaux du milieu n’hésitent pas à maintenir une pression haute pour mieux jouer également les seconds ballons.
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Wissam Ben Yedder (Monaco)

Crédit: Getty Images

Mieux ! Avec le temps, ils semblent se répartir les projections du jeu vers l’avant : en gros, relance longue pour Tchouaméni et relance courte pour Fofana dans la liaison directe milieu-attaque. Avec sa défense à trois, son cœur de jeu renforcé et ses centreurs dans la boîte, ce 3-2-4-1 serait-il si anodin ? "Il ne faut pas oublier qu’en 2016-2018 Kovac faisait jouer l’Eintracht de Francfort en 3-5-2, rappelle Polo Breitner sur RMC Sport. Le style assez brillant de son équipe transcendait ce système tactique grâce à une grande polyvalence de certains joueurs et par des mouvements incessants propres à la Bundesliga."
A l’ASM, on n’en est pas encore là en termes de polyvalence accentuée et de mouvements incessants à haute intensité. Pour l’instant, Kovac a posé un cadre dans lequel une équipe-type récurrente s’épanouit sans heurts mais qui devra intégrer, entre autres, un Golovine qui piaffe d’envie. Si en tant que beau quatrième au classement, Monaco est assez logiquement à sa place avec la deuxième meilleure attaque ex aequo avec Lyon (39 buts), le bilan défensif laisse toutefois toujours à désirer. Car les 29 buts encaissés (10e défense avec Lens) ne doivent pas seulement s’expliquer comme la rançon d’une équipe trop joueuse, par la grande jeunesse de son effectif ou bien par ses grossières pertes de balles au milieu ou en défense.

Un problème : la perméabilité en défense

Cette perméabilité que nous pensions pouvoir être en partie enrayée après le Monaco-PSG (3-2) du 21 novembre s’est en fait poursuivie après. Et pour les motifs décrits justement : "Le danger du 4-4-2, c'est la transition défensive. Le risque de se retrouver avec une équipe coupée en deux entre la défense et l'attaque est probablement plus important que dans les autres systèmes (…) Le travail des quatre éléments offensifs, dans la coordination du pressing comme dans celle du repli, doit être constant pour préserver l'équilibre du collectif."
Plus que "coupé en deux", Monaco subit aussi en partie les limites d’un système de jeu qui n’opère globalement que sur un mode binaire : offensif (avec bloc haut) ou défensif (avec bloc bas, parfois même trop bas comme par exemple à Montpellier au moment où les Héraultais sont remontés à 3-2). La faute à un jeu de possession encore incomplet du fait de l’incapacité à bien tenir le ballon lors de ses temps faibles. A l’image de son gardien Benjamin Lecomte qui relance en dégageant au pied "très vite et très loin", l’ASM est d’abord portée par un rythme élevé et vers l’avant, sans longue préparation.
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Kevin Volland, l'attaquant de Monaco.

Crédit: Getty Images

Et au-delà du coaching purement tactique et de la nécessité de distribuer du temps de jeu aux nombreux "réservistes", la fatigue inhérente à ce jeu soutenu pousse également Kovac à toujours procéder aux cinq remplacements autorisés (sauf à Nice, quatre seulement). A l’inverse d’un PSG, Lyon ou Lille plus matures, qui savent déployer un jeu "à géométrie variable" plus complet, ce Monaco juvénile et tout neuf ne maitrise pas encore bien les phases indispensables de conservation qui garantissent toujours un minimum syndical défensif. Mais Polo Breitner complimente quand même le bon boulot du technicien croate : "selon un bon vieux précepte à la Ancelotti, les équipes de Niko Kovac sont de celles qui savent optimiser leurs temps forts". Et qui savent donc gagner en encaissant des buts mais en en marquant un ou deux de plus que l’adversaire ! Kovac est en train d’introduire l’esprit Bundesliga en L1. Qui s’en plaindra ?
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