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Ils sont dans l'ombre mais font vivre les clubs : Stadium Manager, un poste multiple et transversal

Vincent Guiraud

Mis à jour 27/08/2020 à 19:13 GMT+2

Loin de la médiatisation des entraîneurs, directeurs sportifs ou présidents, d'autres personnes ont une place centrale aujourd'hui dans les clubs. De l'intendant au jardinier en passant par le kiné ou le cuisinier, rencontre avec ces personnes de l'ombre. Pour ce quatrième épisode présentation du métier de Stadium Manager. Poste aux multiples facettes et qui diffère beaucoup d'un club à l'autre.

Bastien Guilbault, stadium manager et directeur des opération au LOSC, est au club depuis 9 ans

Crédit: DR

"Le but d'un Stadium Manager ? C'est très simple", débute Franck Leloup, stadium manager de l'AC Ajaccio depuis 2012. "Son but est d'optimiser au maximum l'utilisation du stade et des installations du club". Vu comme ça, en effet, son rôle parait simple. Mais ce poste aux multiples facettes renferme en réalité des problématiques multiples. Des tribunes à la pelouse, de la buvette aux vestiaires, des éclairages du stade aux loges VIP, le stadium manager a un éventail extrêmement large de compétence.
Cette fonction existe aux Etats-Unis depuis quarante ans déjà. En Europe, c'est seulement à la fin des années 1990, essentiellement en Angleterre, en Allemagne et aux Pays-Bas que ce métier apparait. Dans l'Hexagone, il faudra attendre encore quelques années. "En France, c'est un poste qui a été mis en place il y a environ 10 ou 15 ans, au moment où certains stades ont été rénovés ou construits, souvent dans la perspective de l'Euro 2016", explique Bastien Guilbault, qui occupe cette fonction au sein du LOSC.

"A l'Emirates, tout était pensé pour les joueurs et le sportif mais également pour les clients du stade"

"Avant, les stades appartenaient souvent aux collectivités. Les clubs n'avaient pas trop la main dessus. Les enceintes, construites pour la plupart pour l'Euro 84, étaient vieillissantes. Puis les clubs se sont professionnalisés dans ce domaine et ont investi de l'argent pour rénover ou construire de nouveaux stades", poursuit-il. "Par conséquent, ce poste est devenu fondamental car les clubs avaient besoin de quelqu'un pour gérer leurs nouvelles infrastructures".
En France, une formation spécifique est créée en 2007 pour répondre à ce besoin de structuration du métier. Mais ce diplôme, dispensé par le Centre de droit et d'économie du sport (CDES), à Limoges, n'est aujourd'hui pas nécessaire pour exercer ce métier au sein d'un club. Des profils extrêmement variés occupent ces fonctions dans les clubs professionnels de l'Hexagone. Franck Leloup, ancien arbitre de 53 ans a découvert ce métier en 2012 lors de son arrivée sur l'île de beauté. "C'était un pur hasard", explique-t-il. "Si j'ai toujours baigné dans le milieu du foot et que je savais qu'après ma carrière d'arbitre je voulais exercer une fonction au sein d'un club, je me suis retrouvé à l'ACA par hasard".
Ce rôle a pris beaucoup d'importance mais on en parle rarement
"Un jour, je suis allé arbitrer un match à l'Emirates Stadium. Le stade venait d'être inauguré. Et en voyant ce stade, à l'époque, je me suis dit une chose terrible : 'les Français ne sont pas prêts de remporter une Ligue des champions'. A l'Emirates, tout était pensé pour les joueurs et le sportif mais également pour les clients du stade. Je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire en France", se remémore-t-il.
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Le stade Pierre Mauroy de Lille

Crédit: Getty Images

"Aujourd'hui, ce rôle a pris beaucoup d'importance, mais on en parle rarement. Ce poste est incontournable mais les gens ne le savent pas", estime le Corse d'adoption. Un rôle devenu fondamental et qui s'exerce, en premier lieu, au service du public. "Mon travail c'est d'accueillir du public dans les meilleurs conditions", tente de synthétiser Jean-Baptiste Blanchard, stadium manager du RC Lens depuis un an. "En fait, on est simplement des gestionnaires de site. Le terme 'Stadium Manager' est juste un titre qu'on nous donne depuis plusieurs années. Mais il y a toujours eu des gestionnaires de site, ça a toujours existé dans les clubs", juge-t-il.

Locataire ou propriétaire de son stade, ça change tout

Des gestionnaires de site et un métier qui diffère grandement d'un stade à l'autre. La taille de l'enceinte est évidemment l'un des paramètres qui entre en jeu, mais plus encore, un autre aspect va déterminer le rôle et encadrer les prérogatives du stadium manager. "En fonction du modèle d'exploitation du stade, le poste de stadium manager est très différent d'un club à l'autre", décrypte Bastien Guilbault. "Quand le club est propriétaire de son stade, comme c'est le cas à Lyon, ou qu'il possède un bail longue durée de la municipalité pour occuper l'enceinte, comme le Parc des Princes pour le PSG, les clubs sont chez eux dans le stade. Ils sont les seuls utilisateurs de l'enceinte. Donc ils peuvent se permettre d'investir dedans car ils ont la maitrise de tous les sujets. Nous on a notre mot à dire seulement quand on est présent au stade, c'est à dire 4 ou 5 jours par mois."
"Au LOSC, c'est complètement différent. Le stade Pierre Mauroy fonctionne avec un partenariat public-privé. La collectivité est donc propriétaire du stade et c'est un acteur privé, en l'occurrence Eiffage, qui exploite l'enceinte". Une situation qui oblige le club lillois à cohabiter régulièrement avec différents évènements organisés dans le stade. Et qui l'empêche de pouvoir utiliser, comme bon lui semble, son enceinte.
On peut se permettre de mettre en place la tribune debout car on est propriétaire du stade
La situation est différente à quelques kilomètres de Lille, du côté du stade Bollaert. Ce dernier, qui appartient aux Sang et Or via un bail emphytéotique de la mairie de Lens, est géré à 100% par le RCL. "C'est nous qui devons nous occuper de toutes les réparations. C'est une contrainte en plus par rapport à Lille mais en tant que propriétaire du stade, on peut faire ce qu'on veut puisqu'on est chez nous", détaille Jean-Baptiste Blanchard. Pas besoin donc pour le récent promu de s'adapter en fonction des autres manifestations. "On a vraiment une liberté complète sur notre terrain. On peut l'aménager comme on veut, le personnaliser à nos couleurs." L'exemple le plus frappant de cette liberté est probablement la tribune debout mise en place à Bollaert depuis l'année dernière. "Nous on peut se permettre de le faire mais les clubs qui sont juste locataires du stade ne peuvent pas. Ils seraient obligés de remettre les sièges après chaque match de leur équipe", raconte-t-il.
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La tribune Marek au stade Bollaert de Lens

Crédit: Getty Images

Un poste multiple et transversal

L'autre aspect qui conditionne beaucoup le rôle du Stadium Manager est évidemment la taille de l'enceinte qu'il a à gérer. "Les moyens ne sont évidemment pas les mêmes que vous soyez Stadium Manager à Lyon où à Ajaccio", rigole Franck Leloup. "A Lyon ou à Marseille, il va s'appuyer sur plein de collaborateur, il va avoir 1200 personnes à gérer un soir de match. Moi j'en ai 180, je connais tout le monde, c'est très différent." Bastien Guilbault abonde également dans ce sens : "Que vous ayez 3 ou 15 buvettes à gérer, ce n'est pas la même chose. Tout est plus grand dans un stade de 50 000 places que dans un stade de 10 000. Si certaines choses sont communes à tous les clubs, les problématiques (billetterie, buvette, boutique...) sont multipliées par le nombre de spectateurs", observe-t-il.
Propriétaire ou locataire d'un stade de 50 000 ou de 10 000 place, le métier de Stadium Manager reste avant tout un métier multiple et transversal. "Par définition oui, c'est vrai", confirme Bastien Guilbault, stadium manager du LOSC depuis cinq ans. "Quand on gère des infrastructures et les activités qui vont avec, c'est forcément multiple et transversal". De la pelouse aux vestiaires en passant par la zone de conférence de presse, la buvette, l'entretien du stade et des terrains annexe... Tous ces sujets font partie de l'éventail des compétences du poste. "Notre but c'est d'optimiser les espaces et la rentabilité du stade. Mais en tant que Stadium Manager, vous êtes un vrai couteau suisse", confirme Franck Leloup qui est également référent supporter auprès de la LFP pour l'ACA. "Le moindre problème qu'il peut y avoir dans votre stade, il faut le résoudre très vite. Vous devez connaitre toute la législation autour du stade, vous devez vous y connaitre dans des domaines très variés", enchaîne-t-il.
Le maître mot, c'est de s'adapter
"Pour faire ce métier, il faut connaitre son stade par cœur", ajoute Jean-Baptiste Blanchard. "Et puis vous devez être capable de satisfaire n'importe quelle demande, qu'elle provienne des spectateurs, des joueurs, des dirigeants... Le maître mot, c'est de s'adapter", conclut-il.
Un poste multiple, exigeant, où la polyvalence est indispensable, et qui attire de nombreux jeunes ces dernières années. "C'est un métier qui fait briller, qui fait envie aux étudiants. Mais il faut être conscient qu'être directeur général d'un stade, c'est comme être directeur général d'une entreprise. Personne ne sort des études et devient DG d'une entreprise. Il faut d'abord passer par différentes étapes", argumente Bastien Guilbault, 33 ans. "Par exemple, moi je gère 18 personnes, salariées à temps plein au LOSC et ça monte jusqu'à 900 personnes les soirs de matches en comptant tous les prestataires", souligne-t-il.
Un métier à responsabilités qui réclame de l'adaptation, du temps et beaucoup de passion. "Quand j'arrive au stade François Coty, je sais quand je commence mais je ne sais pas quand je repars. Il y a toujours quelque chose à faire", avoue Franck Leloup. "C'est un vrai métier de passion, si vous n'êtes pas passionné par ça, il ne faut pas faire ça. Si vous voulez être stadium manager pour faire 8h par jour, il ne faut pas faire ce métier."
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Bastien Guilbault, stadium manager du LOSC

Crédit: DR

Son passé d'arbitre professionnel, assistant de Bertrand Layec en Ligue 1 et Ligue des champions l'a également aidé dans la mise en place de différentes choses à Ajaccio. "L'avantage c'est qu'en tant qu'arbitre j'ai fait le tour des stades d'Europe. Ca m'a permis de voir ce qui se faisait un peu partout. Depuis que je suis à Ajaccio j'ai mis en place plusieurs choses. Notamment le système du cashless qui permet aux clients de payer leur consommation au stade avec leur téléphone ou une carte prépayée, et qui nous permet, à nous, de multiplier par trois nos recettes les soirs de match". Et quand, durant l'entretien, on fait remarquer à Franck Leloup qu'il emploie le mot client plutôt que supporter, sa réponse est toute trouvée : "C'est vrai que je considère la personne qui vient au stade comme un client. Si je la considère comme un supporter, je la laisse simplement regarder le match et ça ne va pas plus loin. Mais si je la vois comme un client, je vais tout faire pour que son expérience durant le match soit la meilleure possible."
Une rentrée d'argent importante et des revenus de plus en plus conséquents pour les clubs qui cherchent sans cesse à augmenter leurs profits les soirs de match. Mais cette source de revenus, les clubs professionnels vont certainement devoir s'en passer durant quelques semaines ou quelques mois encore. Après cinq mois d'interruption suite à la pandémie du coronavirus et l'arrêt des championnats en France, et avec les mesures de restrictions mises en place par le gouvernement, les clubs vont devoir s'adapter. A l'heure actuelle, et sauf dérogation particulière du préfet, la jauge des 5000 spectateurs dans les stades reste la norme. Loin de l'affluence moyenne en Ligue 1 la saison dernière : 22 000 supporters. Un casse tête pour les clubs et les Stadium Managers, avant, peut être que les supporters puissent de nouveau venir garnir les enceintes des clubs français.
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Le grand stade de Lille fonctionne avec un partenariat public-privé

Crédit: Getty Images

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