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Avant Lens - Rennes - L'exemple Loïc Badé le prouve, changer de dispositif tactique en défense centrale n'est pas anodin

Yohann Le Coz

Mis à jour 08/01/2022 à 19:59 GMT+1

LIGUE 1 - Depuis quelques saisons maintenant, les défenses à trois fleurissent en France et en Europe. Parfois sous l'impulsion d'entraîneurs dogmatiques comme Antonio Conte, parfois pour un coup d'un soir, comme on a pu le voir au PSG. Toujours est-il que ces changements tactiques ne sont pas forcément des cadeaux pour les défenseurs centraux, à l'image d'un Loïc Badé, en difficulté à Rennes.

Loïc Badé

Crédit: Getty Images

Les amateurs de football, et notamment de la Ligue 1, l’auront remarqué, ces dernières saisons ont été propices à l’utilisation de schémas à trois défenseurs axiaux. De prime abord, on pourrait penser que le passage à une défense à trois coûterait plus aux latéraux et autres ailiers transformés, sans crier gare, en pistons.
Participation plus intense à l’attaque, parfois au jeu quand on leur demande de rentrer dans l’axe, retours défensifs gourmands en énergie pour recomposer une défense à cinq la perte du ballon… La reconversion en piston ne se fait pas toujours sans quelques pertes de repères. En témoignent les difficultés de Benjamin Pavard à se faire à ce poste en Bleu.
Pourtant ces latéraux 2.0 ne sont pas les seuls à souffrir de ce qu’ils peuvent vivre comme une (petite) révolution tactique. Pour les défenseurs centraux, la transition n’est pas toujours une évidence. Ce samedi, c'est un Loïc Badé méconnaissable avec Rennes qui retrouve Lens où il a brillé au coeur d'une défense à trois. A première vue, pourtant, le job ne semble pas si différent. Alors quels problèmes peut poser ce changement ?
Il y a des joueurs qui ont du mal
Pour Nicolas Gillet, défenseur central passé, entre autres, par Nantes et Lens, c’est avant tout une question d’adaptation. Car si “tactiquement, c’est forcément un peu différent, globalement le contenu reste le même. (...) Pourtant, il y a des joueurs qui ont du mal à se faire à ce changement", assure-t-il.
Lui qui a connu la défense à trois, dont un souvenir marquant en Ligue des champions avec Nantes en 2001 face à la Lazio Rome (victoire 1-0), n’a jamais eu l’impression de vraiment subir ce changement tactique : “J’ai dû m’adapter un peu en commençant à le faire mais ce n’était pas le jour et la nuit entre les deux systèmes”.
"Dans la manière dont on s’entraînait à l’époque à Nantes, on appréhendait beaucoup de postes et de façons de jouer. On était amenés aux entraînements à développer des qualités pour appréhender toutes situations en match”, ajoute l’ancien Canari. Sans cette capacité d’adaptation, le bagage tactique d’un joueur devient fragile face à un système nouveau.
Nicolas Gillet a notamment été marqué par une gestion inhabituelle de la largeur : “Avec Nantes on avait Sylvain Armand en piston gauche et Frédéric Da Rocha à droite, tous deux très portés vers l’avant. On se retrouvait dans les couloirs avec beaucoup d’espace à gérer, c’était parfois difficile”. Autre particularité, les duels. “C’est un peu perturbant car on se retrouve, en jouant à trois, sans adversaire direct dans sa zone. Ça peut être gênant pour ceux qui aiment le contact” complète l’ex-Lensois.
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Loïc Badé lors de Rennes - Rosenborg en Ligue Europa Conférence le 19 août 2021

Crédit: Getty Images

Crainte du changement ?

Pour des défenseurs rompus à l’art de la défense à quatre et n’ayant bénéficié que de cette approche dans leur formation ou leur carrière, la barrière du passage à trois peut s’avérer tout simplement mentale. Oswald Tanchot, entraîneur passé par les bancs du Havre et d’Amiens, a déjà fait la bascule d’un système à un autre plusieurs fois dans sa carrière. “Beaucoup de joueurs d’une certaine génération ont toujours joué à quatre derrière. Quand on leur disait ‘on passe à trois’ ils avaient déjà peur avant d’avoir mal” a-t-il observé.
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Oswald Tanchot, ex-entraîneur du Havre.

Crédit: Getty Images

Lui qui a débuté sa carrière de joueur en 1990, abonde : “J’ai connu une époque avec des joueurs qui disaient ‘moi je ne joue pas à trois, je ne sais pas faire’". Tout un travail à faire à l’entraînement donc, et pas forcément tactique. Pour qu’un joueur soit à l’aise, il faut l’habituer à l’incertitude, au changement. “Quand on est habitué à passer de l’un à l’autre, je pense qu’on a une grande confiance en soi et une grande richesse, confie l’ex-entraîneur picard. Un joueur professionnel doit être capable de jouer dans les deux”.

Aussi une question de profil

Même avec des joueurs au QI footballistique élevé et capables de s’adapter, le passage à trois derrière n’est pas une formule magique pour autant. Nicolas Gillet le rappelle : “Ça dépend des profils. Il y a des joueurs qui ont du mal à s’adapter à ça”, et ce n’est pas pour rien.
Il faut d’abord différencier les défenses à trois plus “modernes” de celles “traditionnelles”. Ces dernières se trouvent être plus souvent une ligne de cinq compacte avec des latéraux qui montent peu, voire pas du tout. “Le Barça de Cruyff qui jouait à trois derrière avec un football protagoniste et l’Allemagne dans les années 90 avec deux stoppeur et un libéro c’était deux choses très différentes” professe Tanchot. Pour un exemple plus récent, le 3-5-2 de Jorge Sampaoli à l’OM diffère des trois centraux que pouvait aligner Michel Der Zakarian à Montpellier.
Dans les formations à trois défenseurs, capables de prendre un accent offensif, qui fleurissent ces dernières années en Ligue 1, il faut d’abord des défenseurs rapides et mobiles. “Quand on a des pistons qui se comportent comme des milieux excentrés, analyse Oswald Tanchot, les défenseurs vont avoir un espace plus grand à couvrir dans la largeur et la profondeur”. D’où l’aisance qu’ont certains latéraux à jouer les rôles de défenseur central dans ce système, comme Azpilicueta avec Chelsea.
C’est aussi une question de croyance contre laquelle il faut lutter chez les joueurs, tempère tout de même l’ex-Amiénois. Quand on défend à deux centraux, quand un latéral est battu dans son dos, l’axial se retrouve à défendre sur de grand espaces”.
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Cesar Azpilicueta et Mason Mount

Crédit: Getty Images

Une participation au jeu accrue

En plus de la vitesse, le défenseur qui se retrouve dans une ligne de trois doit présenter toutes les caractéristiques du joueur défensif moderne. Y compris la qualité technique. Nicolas Gillet s’est retrouvé plusieurs fois en position de défenseur central excentré, à droite comme à gauche, et se souvient d’une nouvelle responsabilité dans la ressortie de balle.
"La porte de sortie est souvent un des deux défenseurs axiaux excentrés. S’il n’y a pas de décalage de fait à partir de ces joueurs-là, le jeu peut devenir stérile” averti-t-il. “Ces troisièmes défenseurs axe droit ou gauche peuvent même venir animer la largeur, pour poser des problèmes à l’adversaire dans son pressing” complète Oswald Tanchot.
Des défenseurs réunissant peu ou prou ces caractéristiques, au sein de formations à trois axiaux, existent. Des joueurs comme Antonio Rüdiger à Chelsea ou même William Saliba à l'OM brillent en partie grâce à ces systèmes. Rapide, mobile, technique et capable de s’adapter : le défenseur parfait pour une charnière à trois est finalement un défenseur parfait, tout court.
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