Rachat de Strasbourg - Mais pourquoi Chelsea a-t-il racheté Strasbourg (et pourquoi le Racing est ravi) ?

Todd Boehly n'est pas tombé en pâmoison devant l'ambiance de La Meinau, il n'a pas des posters d'Habib Diallo dans son salon et il n'est même pas certain qu'il sache qui est Gilbert Gress. Non, le consortium américain BlueCo n'a pas racheté Strasbourg par amour du Racing. Aucun lien n'unit, naturellement, Chelsea et le RC Strasbourg. Et le club alsacien n'était d'ailleurs pas le choix initial puisque Boehly visait d'abord Lyon puis Sochaux et enfin Bordeaux. Bref, ce n'est définitivement pas une histoire de cœur et de passion. Alors pourquoi diable le patron des Blues a-t-il décidé de racheter le vénérable club français ?

Tout ceci n'est qu'affaire de business et d'opportunité. Chelsea a racheté Strasbourg pour les mêmes raisons que le City Group a dévoré Troyes. Le but de ces MCO (pour multi club-owners) est clair. Le plan tient en quelques points : acheter un club de moindre envergure pour développer ses propres jeunes dans un championnat qui a l'habitude de les exposer, donner du temps de jeu à des joueurs en situation d'échec et avoir un pied dans un marché français où foisonnent les jeunes talents. Une façon d'avoir un coup d'avance sur la concurrence.

En retour, le club grand frère assure une sécurité et une stabilité financière à des clubs fragilisés ces dernières années. "On n'a pas accepté en France que nos niveaux de performance soient liés à notre niveau économique, nous confiait le mois dernier Vincent Chaudel, fondateur de l'observatoire du Sport Business. Désormais, le sport de haut niveau suppose d'avoir une grande surface financière."

Strasbourg, comme Troyes et Lorient avant lui, s'offre aux fortunes de Premier League parce que le Racing a souffert des crises (Covid, Mediapro) qui ont touché le football français. "Même s'il n'y avait pas d'urgence financière, nous étions conscients que nous avions atteint le plafond de notre modèle, et que si nous voulions continuer à faire avancer le Racing et à le projeter dans une nouvelle dimension, nous devions nécessairement être accompagnés par une structure solide capable de soutenir notre développement et notre ambition", indique Marc Keller dans un communiqué.

Chez les clubs anglais, dont la formation n'a jamais été la priorité, on guette avec envie et gourmandise ces clubs dont le prix est tout à fait abordable et qui pourraient rapporter gros. Après tout, le Racing Club de Strasbourg aurait coûté moins cher (75 millions d'euros environ) que Wesley Fofana (80 millions d'euros). A ce prix, Chelsea s'achète un centre de formation, une équipe de développement pour ceux qui ne sont pas encore prêts à défendre le maillot de Chelsea et une porte d'entrée vers le plus gros marché européen de jeunes talents.

Pour assurer une transition en douceur, et rassurer les supporters qui craignent de devenir une succursale anonyme de l'immense conglomérat, Marc Keller est maintenu en poste et BlueCo jure "de préserver l'héritage" du club. Mais l'exemple lyonnais et le sort réservé à Jean-Michel Aulas prouvent que les promesses n'engagent que ceux qui les croient et que le ménage arrive généralement plus vite que prévu. Reste une vraie limite pour Strasbourg : deux clubs d'un même propriétaire ne peuvent disputer la même compétition européenne. Et on imagine facilement qui choisirait BlueCo si Chelsea et le Racing devaient disputer ensemble la Ligue Europa ou la C1.

"Personne n'imagine Strasbourg tout de suite en Ligue des champions et c'est un club qui a toujours eu du mal à être soutenu par des actionnaires non Alsaciens. Chelsea a beaucoup de joueurs qui seraient intéressants pour Strasbourg et ça sécuriserait le club dans sa capacité à rester en L1", a argumenté Vincent Chaudel. L'exemple de Troyes, relégué en L2, tend à prouver que l'arrivée d'un propriétaire richissime n'est pas gage de sécurité quand on est tout en bas de la pyramide.

Aleksandr Ceferin, président de l'IEFA, a laissé entendre qu'il pourrait revenir sur la règle, censée freiner le MCO, qui interdit que deux clubs d'un même propriétaire participent à la même compétition. "Nous avons eu cinq ou six propriétaires de clubs qui veulent acheter un autre club, confiait Ceferin à la chaîne YouTube The Overlap de Gary Neville. Il faut voir quoi faire. Les options sont que ça reste comme ça ou qu’on leur permette de jouer dans la même compétition. Je ne suis pas encore sûr." Si l'UEFA baisse la garde, la Ligue 1 pourrait finir par se faire dévorer.