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Ligue 1 | Ligue 2 - "Un métier de frustration" : plongez au cœur des cellules de recrutement de France

Vincent Guiraud

Mis à jour 29/12/2023 à 16:31 GMT+1

Alors que le mercato hivernal ouvre ses portes dans 3 jours, les cellules de recrutement des clubs s'apprêtent à vivre un mois de janvier animé. Entre déplacements, tractations, observations et négociations, le métier de scout est multiple et chaque club a sa propre organisation. Plongez, à travers différents témoignages, au cœur des cellules de recrutement des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2.

Depuis le 1er janvier, ces dix joueurs peuvent signer dans un nouveau club

C'est un métier qui intrigue autant qu'il passionne. Et qui charrie bien souvent de nombreux fantasmes. Le métier de scout, ou recruteur, n'a cessé, ces dernières années, d'évoluer, en France comme à l'étranger, au rythme de mercatos de plus en plus animés et devenus primordiaux pour la plupart des clubs. Dans l'ombre des arrivées, des départs et des signatures de joueurs, des dizaines de recruteurs travaillent toute l'année loin de la lumière captée par les agents, les directeurs sportifs ou les présidents de club. Souvent organisés au sein de cellules de recrutement, les scouts œuvrent dans les coulisses, pour la réussite de leur club.
"C'est un métier multiple et très riche" débute David Saintives, responsable du recrutement à l'Estac. "C'est un métier où il faut aimer être seul, aimer aller chercher l'info, mais à la fois un métier collectif où les échanges avec le reste de l'équipe sont très importants" poursuit le recruteur, à Troyes depuis 13 ans. "Le recrutement, c'est tout sauf un travail individuel, c'est un travail d'équipe" confirme Sébastien Vaugeois, responsable du recrutement au centre de formation du Clermont Foot. "Mon quotidien, c'est d'être constamment en lien avec mon équipe, avec les coachs des catégories de jeunes, pour connaître leurs besoins" complète l'homme de 42 ans. Une journée type ? "Même pas en rêve" rigole David Saintives. "Mon métier, c'est beaucoup de voyages pour valider des joueurs qui ont été signalés par mon équipe, pour aller voir des matches, pour rencontrer des familles, des clubs... Il n'y a pas deux journées qui se ressemblent."

Un métier très humain

"On est sur les terrains du samedi matin au dimanche soir pour récolter un maximum d'informations sur les joueurs" souligne-t-il. Rentre ensuite en ligne de compte, "l'œil" du recruteur, ce qui fait parfois toute la différence. "C'est le plus important pour un scout. On a tous un œil différent, on regarde tous des choses différentes mais après c'est aussi le ressenti de chacun qui joue. Ça ne s'explique pas, c'est parfois irrationnel" prétend Sébastien Vaugeois, à Clermont depuis cinq ans. "Ce métier, c'est beaucoup de relationnel. C'est cette partie du métier, très humaine, qui me plait le plus" ajoute David Saintives, passé par toutes les catégories de jeunes de l'Estac en tant qu'entraîneur.
On a parfois l'impression d'avoir travaillé pour rien
"C'est aussi un vrai métier de frustration" enchaîne le recruteur troyen, avant de préciser sa pensée : "On voit parfois 10 matches dans le week-end sans repérer personne. On a l'impression d'avoir fait tout ça pour rien". "Et puis parfois, un joueur qu'on a repéré et sur lequel on a travaillé toute l'année nous échappe pour telles ou telles raisons… C'est très frustrant mais ça fait partie du métier" acquiesce Pierre Dreossi, directeur du football au FC Metz et chargé de la cellule de recrutement du club. "Des regrets il y en aura toujours, c'est l'essence même du métier" appuie Sébastien Vaugeois.

Recruteur chez les jeunes ou chez les pros : "pas le même métier du tout"

Si les liens sont souvent ténus entre les centres de formation et les équipes premières au sein des clubs en France, le métier de scout varie beaucoup en fonction de la finalité du recrutement. "Ce n'est pas le même métier du tout" estime Sébastien Vaugeois. "Les attentes et exigences sur les pros ne sont pas les mêmes que pour le centre de formation. Elles sont immédiates pour un pro alors que quand on recrute un jeune, on ne recrute pas seulement un joueur de foot. Il y a la partie scolaire qui rentre en ligne de compte, l'aspect personnel avec des jeunes garçons parfois loin de chez eux" explique le recruteur.
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Sebastien Vaugeois au cours de sa carrière de joueur en 2010.

Crédit: Getty Images

"Dans le cadre d'un recrutement d'un pro, le joueur tout le monde le connaît. Pour un jeune, il faut se déplacer, aller sur le terrain. Et surtout, il faut arriver à se projeter à 4 ou 5 ans" insiste David Saintives. C'est là que l'expérience du recruteur devient le plus important. "Si j'envoie ma grand-mère regarder un match en U13, s'il y a un très bon joueur elle va le voir, mais dans 4 ans, est-ce que ce très bon joueur sera toujours en avance sur les autres ?" expose le recruteur troyen. "C'est toute la difficulté de notre métier".
"On n'a pas de boule de cristal. Pour un joueur pro, on se projette sur le week-end qui suit. Pour un jeune, il faut avoir une vision beaucoup plus lointaine", ajoute Sébastien Vaugeois. "Le recruteur pro, il doit surtout savoir comment le joueur peut s'intégrer dans le projet de l'équipe première" reprend David Saintives, à la tête d'une cellule de 7 recruteurs chez les jeunes et de 12 personnes au total avec les recruteurs de l'équipe professionnelle. "C'est un recrutement beaucoup plus ciblé que chez les jeunes".

Une organisation géographique

"Dans notre organisation, chaque recruteur a sa région. On essaye également de prioriser certaines régions, autour de Troyes pour éviter d'être en concurrence directe avec des dizaines d'autres clubs sur certains jeunes joueurs". La région parisienne, vivier le plus important pour les jeunes joueurs, est l'une des régions les plus investies par les différents clubs. A tel point que Sébastien Vaugeois a fait de Paris son lieu de vie au quotidien.
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Pierre Dréossi

Crédit: Getty Images

Du côté de Strasbourg, Loïc Désiré a sous sa responsabilité 7 recruteurs, répartis sur différentes zones géographiques à travers l'Europe. "Au Racing, ce qui est plaisant, c'est que pour prendre les décisions sur le recrutement, il n'y a pas 50 intermédiaires" constate-t-il. "On fonctionne en trio, avec le président, le coach et moi. Et encore, le président n'intervient pas sur les choix sportifs mais il est plus là pour donner le tempo et pour nous dire ce qu'il est possible de faire au niveau financier".

Des choix pas toujours dictés par les coachs

"Chaque organisation est différente mais l'essentiel c'est qu'elle soit bien claire et que la cellule travaille en étroite collaboration avec l'entraîneur" argumente Pierre Dreossi. Un entraîneur qui dicte les choix des scouts et qui oriente ses recruteurs en fonction des profils recherchés. "On adapte vraiment notre métier à la vision du coach" confirme Loïc Désiré, ancien recruteur pour l'Ajax Amsterdam avant de poser ses valises à Strasbourg. "Mais si on s'adapte à sa façon de jouer, sa façon tactique de voir les choses, parfois, quand il y a des coups à faire, il faut pousser un peu auprès du coach pour imposer tel ou tel joueur" nuance-t-il. "Nous notre métier c'est d'observer des milliers de joueurs, le coach ne les connaît pas tous. Donc quand je pense que ce joueur pourrait être intéressant pour le club, même si sur le papier il ne correspond pas exactement aux demandes du coach, c'est à moi de me montrer persuasif" sourit Loic Désiré.
Si le mercato d'hiver qui s'ouvre dans quelques heures est décrit par beaucoup de recruteurs comme un mercato "d'ajustement", beaucoup d'équipes y voient l'opportunité de corriger le tir à mi saison. "C'est un mercato que tu ne peux pas trop préparer, c'est parfois un peu du dernier moment, en fonction des résultats de ton club" avoue David Saintives. "C'est vraiment le marché de la réaction plus que de la préparation" conclut-il. Un marché qui, comme chaque année, devrait occuper de longues semaines tous les recruteurs des clubs en France et à l'étranger.
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