Football, Ligue 1 - Huit joueurs au PSG pour Mendes : "Jorge a une influence"

A la question de ce qu'il ferait en premier en arrivant à Paris, Joao Neves, le nouveau milieu de terrain du Paris Saint-Germain, a répliqué du tac au tac : "Aller voir la Tour Eiffel." Cela aurait très bien aussi pu être "Aller remercier Jorge Mendes." Les intérêts de l'ancien joueur du Benfica, transféré en l'échange de 70 millions d'euros au début du mois, sont gérés par le puissant agent portugais. Tout comme ceux de sept autres de ses coéquipiers.

Vitinha, Zaïre-Emery, Gonçalo Ramos, Bradley Barcola, Manuel Ugarte, Marco Asensio, Danilo Pereira et donc Joao Neves : huit joueurs de l'agence Gestifute font actuellement partie de l'effectif parisien. "Le PSG est devenu un des clubs avec qui Jorge Mendes travaille beaucoup, nous explique le conseiller sportif Paul Tavares, qui le connaît bien. Il faut aussi savoir que c'est lui qui a amené le Qatar au capital de Braga. C'est pour ça qu'il a l'influence de pouvoir mettre des joueurs à fort potentiel au PSG."

Pour Stéphane Canard, président du syndicat des agents, le recours de plus en plus fréquent au portefeuille de l'un des agents les plus puissants du football est surtout la conséquence d'un changement de cap de Paris : "On est passé de recrues comme Neymar et Messi, en présence de Mbappe, à des noms moins ronflants, analyse-t-il. C'est plus pragmatique, initié à la fois par les dirigeants qataris et Luis Campos. Jorge Mendes est un homme intelligent, qui doit sûrement être un bon joueur d'échecs, et qui ne se trompe pas sur les stratégies à court et moyen termes. S'il collabore avec le PSG aujourd'hui, ça peut être des opportunités qui se sont présentées."

"Nasser et les Qataris, qui sont très à cheval sur la présentation des joueurs, leurs tenues, etc. Je pense qu'ils se sont aperçus que tous les joueurs du portefeuille de Jorge, surtout d'origine portugaise ou sud-américaine, ne posent pas de problèmes" ajoute Paul Tavares. Mais tous n'ont pas été d'incontestables réussites sportives : Gonçalo Ramos, et Manuel Ugarte ont ainsi passé une grande partie de la saison sur le banc du PSG, alors que plus de 120 millions d’euros avaient été dépensés pour les attirer l’été dernier.

L'ancien madrilène Marco Asensio, arrivé lui gratuitement, aussi. Et à chaque fois, de grosses commissions auraient été versées à Jorge Mendes, qui a également servi d'intermédiaire dans les transferts des Espagnols Carlos Soler et Fabian Ruiz, ou encore du gardien Keylor Navas. Cette omniprésence dans le club de la capitale, il la devrait en partie à son excellente relation avec le directeur sportif du club Luis Campos. Vadim Vasyliev, lorsqu'il était encore vice-président de l'AS Monaco, a d'ailleurs rencontré celui qui allait devenir son conseiller chez Jorge Mendes, à Madrid.

Luis Campos est alors scout et analyste des adversaires pour José Mourinho au Real Madrid. Jorge Mendes, lui, travaille avec la direction russe de Monaco depuis plusieurs mois et a déjà fait venir entre autres Joao Moutinho et Ricardo Carvalho sur le Rocher. Et l'homme de confiance du propriétaire de l'ASM Dmitri Rybolovlev fait de Campos son bras droit. Mais selon Paul Tavares, les deux hommes ne cherchent pas à se rendre de faveurs : "Luis Campos n'a rien à voir avec Jorge Mendes. Qu'il soit plus manipulateur et soit plus intéressé par travailler avec ses amis : ça c'est une certitude. Mais Jorge Mendes n'est pas un de ses amis."

Pour lui, c'est surtout la relation de l'agent portugais avec les dirigeants qataris qui faciliterait les choses : "Luis Campos ne se casse pas la tête : comme Jorge négocie tout déjà avec l'émir, il a moins de chances de se griller." Et la relation qui lie les deux hommes est une vraie relation de confiance. Depuis le transfert de Rayan Aït-Nouri à Wolverhampton, club où Jorge Mendes a son rond de serviette et son nom gravé sur la chaise, l'agent portugais a finalement investi le championnat français qu'il désertait jusqu'ici.

Deux recruteurs ont été embauchés, et le directeur sportif du PSG pourrait être l'un de ses meilleurs alliés : "Luis Campos, qui a un amour particulier pour les joueurs français, parle à Jorge, qui l'écoute et prend les meilleurs, explique Paul Tavares. Parce qu'on lui soumet." Ses plus grosses prises jusqu'ici ? Warren Zaïre-Emery, le titi star du Paris Saint-Germain, et Bradley Barcola, rapidement envoyé dans la capitale.

Et tous ces joueurs dans l'effectif pourraient-ils être autant d'émissaires, et de raisons pour Jorge Mendes d'imposer ses protégés le week-end venu ? Par pour Stéphane Canard : "Ça serait contre-productif de s'immiscer dans un rôle qui n'est pas le sien d'un président ou entraîneur de fait. Je ne le vois pas aller vers ça" suppose-t-il. "Il ne force personne à faire jouer ses joueurs, il ne veut pas s'immiscer dans la composition de l'équipe ou créer des problèmes, confirme Paul Tavares. Par exemple, Renato Sanches est un produit de Jorge depuis Benfica. Il n'a jamais fonctionné à Paris : Jorge n'a jamais poussé."

"Il ne le fait pas à Benfica, il ne le fait pas au Sporting, il ne le fait pas à Braga, poursuit-il. Il pourrait le faire aux Wolves, et on m'a dit qu'il ne s'en mêlait pas. Pourtant, il est les mains, les pieds et la tête là-bas. On pourrait dire que c'est plus son club que celui des propriétaires chinois. A Monaco, Leonardo Jardim n'a jamais eu de consignes de Jorge." Le coach, ce serait justement le garde-fou de l'influence d'un agent : "Un agent a vraiment une influence quand il met son coach, affirme Tavares. Mais ça ne marche que quand les coachs ne sont encore personne. Quand tu mets Guardiola, ou Mourinho, à un moment donné les mecs deviennent psychopathes et tu ne peux plus les contrôler."

Le superpouvoir de l'agent portugais, qui le rendrait si populaire auprès du PSG ? "Si un de ses joueurs ne s'adapte pas ou ne rentre pas dans les plans du coach : il est capable de le ressortir au même prix" selon Paul Tavares. Le PSG a pourtant rarement réalisé de plus-value ces dernières saisons, ou même retrouvé sa mise. Le club parisien a plutôt eu l'habitude de surpayer les joueurs de Jorge Mendes, que ce soit pour le montant du transfert, mais aussi pour celui des salaires versés.

Son client Marco Asensio toucherait ainsi plus de 800 000 euros mensuels selon L'Equipe, soit le septième salaire de l'effectif. Pas mal pour un remplaçant. Paris n'a donc pas encore vraiment profité de la capacité du 'super-agent' à valoriser des joueurs. Le prêt de Renato Sanches, protégé de Mendes, à Benfica serait assorti d'une option d'achat de quinze millions d'euros. Soit exactement la somme que le PSG a investie pour l'attirer.

Mais il faut encore qu'elle soit levée, et que le milieu de terrain ne déçoive pas à nouveau. Là, peut-être, enfin, la relation entre Luis Campos et Jorge Mendes serait gagnant-gagnant financièrement. A défaut de l'être toujours sur le terrain, où les joueurs de Gestifute, et ceux pour lesquels Mendes a servi de contact arrangeant, ont réussi mais aussi échoué. Mais les échecs, et donc les pourcentages pris sur un départ, peuvent aussi faire le bonheur d'un agent. Il faut juste que les joueurs changent régulièrement de club, et rapportent donc des commissions. Pendant les affaires, les affaires continuent.