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Simeone avait un plan, ses joueurs l'ont magnifié : comment l'Atlético a bloqué Liverpool

Christophe Kuchly

Mis à jour 19/02/2020 à 11:31 GMT+1

LIGUE DES CHAMPIONS - En difficulté en championnat, les Colchoneros ont pourtant réussi à battre Liverpool, qui survole le sien (1-0). Un résultat pas si illogique quand on se penche sur le rapport de force tactique.

Mo Salah (Liverpool)face à l'Atlético de Madrid en Ligue des champions

Crédit: Getty Images

Il y a bien sûr eu cette défaite 5-0 à Aston Villa en League Cup dans un match disputé sans Jürgen Klopp ni les titulaires habituels, partis disputer le Mondial des clubs. En dehors de cette anomalie, liée à un calendrier difficile à comprendre, Liverpool avait pris une bonne habitude : marquer à chaque match. Cette saison, seul Naples, vainqueur 2-0 à domicile en phase de groupes en septembre, a ainsi tenu face à la force offensive des Reds. En remontant, on trouve ensuite le 3-0 concédé à Barcelone en mai et un 0-0 dans le derby contre Everton en mars. Au-delà de la défaite de mardi soir, c’est donc la stérilité du champion en titre qui interpelle. D’autant qu’elle résulte d’une forme de logique.

Confiance dans le bloc bas

Car si Liverpool n’a pas marqué, ce n’est pas à cause d’une incroyable malchance ou d’exploits de la muraille Jan Oblak. Auteur de seulement huit tirs sur l’ensemble de la rencontre, le futur champion d’Angleterre n’en a pas cadré un seul. Une statistique étonnante, qui doit beaucoup à la force du plan adverse. L’Atlético s’est en effet mis en mode vintage, lui qui avait d’abord cherché à étouffer la Juventus lors du huitième aller l’an dernier (2-0). Après une entame agressive au pressing, où les duels gagnés haut sur le terrain ont permis de multiplier les centres, jusqu’à obtenir un corner poussé au fond par Saul Niguez, les Colchoneros ont nettement reculé.
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Simeone : "L'idée était de gagner, on s'est adapté"

De plus en plus ringardisé à l’échelle européenne, la plupart des équipes finissant toujours par trouver la faille à force de centres, le bloc bas a cette fois tenu. Un an après le 3-0 subi à Turin, marqué par une incapacité à défendre la surface, y revenir pouvait sembler risqué. D’autant que Felipe et Stefan Savic, titulaires du soir, offrent a priori moins de garanties que Diego Godin et José Gimenez, alignés à l’époque. Diego Simeone a pourtant sciemment choisi de défendre proche de son but, avec un objectif : empêcher la balle d’arriver à destination.
Si Liverpool n’a pas d’attaquants qui excellent dans le domaine aérien, les centreurs sont quasiment sans égal. Les joueurs de couloir du camp d’en face, les latéraux bien sûr mais aussi des ailiers chargés d’empêcher tout retour intérieur, ont donc suivi Andrew Robertson et Trent Alexander-Arnold de près, les cadrant en permanence. Le second, déclencheur habituel d’une bonne partie des attaques, s’est ouvert l’angle à deux reprises dans le premier quart d’heure mais sans réussir son geste. Il n’eut quasiment plus d’opportunités par la suite, serré de près par de multiples chiens de garde.

Densifier l’axe

Très précis, le plan de Diego Simeone reposait d’abord sur la capacité de ses joueurs à multiplier les efforts sans perdre leur lucidité. Un mécanisme bien huilé et facile à décrire : 4-4-2 à plat très resserré dans la longueur (distance entre les attaques et les défenseurs) et la largeur (écart entre les deux joueurs de couloir) où les lignes bougent ensemble et qui vise à enfermer l’adversaire sur les ailes. Pour Liverpool, il n’y avait donc que deux possibilités. Soit jouer à l’intérieur, là où on est le plus dangereux et où Roberto Firmino oriente les ballons, au risque de le perdre cause de la densité adverse. Soit aller sur les côtés, espace totalement déserté par l’adversaire, au risque de se retrouver enfermé contre la ligne de touche.
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Mohamed Salah et Felipe Monteiro lors de la rencontre Atlético-Liverpool / Ligue des champions

Crédit: Getty Images

Assez classique pour une équipe du “Cholo”, la formule présentait ici un intérêt particulier. Habitué à attaquer en U, ce qui offre en sécurité (les ballons perdus sur le côté sont plus faciles à récupérer) ce que l’on perd en créativité (peu de relais axiaux entre les lignes), Liverpool est habituellement tout à fait disposé à refuser la bataille de l’axe. Mais jamais ses centreurs ne sont aussi bien muselés, au point d’être quasiment incapables de trouver leurs ailiers, Mohamed Salah et Sadio Mané.
C’est là que la tactique rencontre le talent – et le physique –, et que le niveau individuel magnifie ou non le plan de jeu. De plus en plus en difficulté pour tenir le niveau de concentration requis, tous les Colchoneros ont cette fois évité les erreurs qui se payent cash quand on évolue si proche de sa surface de réparation. Pas de mains qui traînent ou de pieds qui prennent un tibia au lieu du ballon, pas non plus d’impasses sur les courses défensives vues de plus en plus régulièrement en Liga… Quatre jours après un nul 2-2 totalement débridé à Valence, où Ferran Torres était passé de toutes les façons sur le côté droit, tout le monde a haussé son niveau.

Doser la prise de risque

Contrairement à Renan Lodi, auteur d’un match incroyable, et ses compères de bataille, les Reds n’ont pas su se mettre au niveau dans l’intensité. Dominés dans les duels, une rareté chez eux, ils ont d’ailleurs plusieurs fois frisé la correctionnelle. Outre les ballons dans le dos d’Alexander-Arnold, rare problème que le jeune Anglais doit encore régler, l’Atlético a multiplié les ouvertures vers Alvaro Morata, qui a fait vivre un calvaire à Joe Gomez. Un duel loin du but d’Oblak certes, mais suffisamment favorable pour remonter le bloc sans passer au sol. De quoi attaquer sans mobiliser trop de monde, et donc éviter de concéder des transitions. Sans se livrer, les Espagnols ont donc pu être menaçants à plusieurs reprises.
En face, ceux qui ont eu du temps et de l’espace n’ont pas su quoi en faire. Premiers relanceurs, encore plus que Gomez et Virgil van Dijk, serrés de près par Morata et Angel Correa pour éviter toute ouverture, Fabinho et Georginio Wijnaldum n’ont pas osé porter la balle, faisant systématiquement des passes faciles en retrait ou sur les côtés. Une prudence probablement liée à l’habitude d’un plan de jeu qui limite leur liberté créative, mais qui n’a pas testé toutes les limites adverses. D’autant que Divock Origi, entré à la pause à la place d’un Mané sous la menace d’un deuxième jaune, a réussi à trouver des espaces près du but mais sans que ses pieds ne suivent ce que sa tête suggérait.
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Klopp : "Nous n'avons pas été aussi bons depuis un moment"

On en revient au titre : si l’Atlético n’a pas encaissé de but, c’est d’abord parce qu’il a su bloquer les Reds, qui ne sont pas sortis du schéma qui leur a apporté tant de succès en Premier League. Contrairement à Thomas Tuchel face à Dortmund, Jürgen Klopp n’a rien changé à ses habitudes. Modifiera-t-il son approche au retour, en alignant le percutant Naby Keita dans l’entrejeu par exemple, pour éviter que Roberto Firmino ne doive décrocher très bas pour toucher le ballon ? Face à une formation qui n’offre aucune profondeur, la possibilité serait logique sur le plan tactique.
Même stérile sur de longues périodes, son équipe a pourtant eu des possibilités. En deuxième période, Salah de la tête et Jordan Henderson de volée n’ont pas cadré leur tentative. Malgré la supériorité numérique du bloc défensif adverse, qui permet de nombreuses prises à deux sur les éléments menaçants, ils avaient été laissés seuls dans la surface. Tous les adversaires des Reds le diront : il n’y a souvent pas besoin de plus pour perdre des matches pourtant minutieusement préparés.
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