Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Footballeur de l'année en Premier League : Mohamed Salah, le couronnement d'un football à visage humain

Philippe Auclair

Mis à jour 03/05/2022 à 14:56 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - Ce weekend, Mohamed Salah, attaquant de Liverpool, a été élu Footballeur de l'année de Premier League. L'Egyptien, en lice pour le Ballon d'Or 2022, sort d'une saison incroyable avec les Reds, qui pourrait se terminer en apothéose en cas de qualification en finale de C1. Une consécration logique pour un joueur séduisant qui incarne à lui seul le football à visage humain.

"En Angleterre, Salah a une grosse avance sur Mané mais Benzema reste favori"

Il y a des années où la désignation du 'Footballeur de l'année en Premier League' s'apparente davantage à un couronnement qu'à un vote: si le rituel est respecté à la lettre, l'issue est connue de tous bien avant le dépouillement des bulletins, tant un candidat se détache du lot. Ca avait été le cas pour Thierry Henry en 2004, pour Cristiano Ronaldo en 2007 et 2008, pour Luis Suarez en 2014 ou encore pour Mohamed Salah en 2018, quand l'Egyptien avait fini son annus mirabilis avec un bilan de quarante-quatre buts et seize passes décisives en cinquante-deux matches pour Liverpool FC.
Et puis il est d'autres millésimes où on ne sait que trop penser, où l'on change d'avis à presque chaque match, où on a le sentiment que, quel que soit le nom que l'on choisisse, on aura commis une injustice vis-à-vis de joueurs qui méritaient tout autant d'être distingués de la sorte. 2021-22 est de ceux-là. Salah? Bien sûr. Mais quid de Mané, Jota et van Dijk, d'un Alexander-Arnold retrouvé? Quid de De Bruyne, bien sûr, mais aussi de Mahrez, Foden, Ederson et Bernardo Silva? de Declan Rice, transformé - et transformateur de West Ham, en Angleterre comme en Europe? de Son Heung-Min, admirable comme toujours, voire de Kane, malgré un début de saison bien compliqué ? Sans oublier des outsiders comme Conor Gallagher de Crystal Palace ou Bukayo Saka, le symbole de la renaissance d'Arsenal.

Un sacre sans contestation

La Football Writers Association (FWA), qui décerne le plus prestigieux des trophées individuels du football anglais depuis 1948 (*), avait d'ailleurs repoussé la date limite de remise des votes au 27 avril à minuit, plus tard qu'en quelque autre saison, huit jours seulement avant le dîner de gala au cours duquel le lauréat - et la lauréate du trophée féminin, l'avant-centre australienne de Chelsea Sam Kerr - se verraient remettre leurs trophées. Son Comité National, dont je fais partie, entendait donner aux centaines de membres de l'association le maximum de temps pour trancher; la plupart des favoris pour le trophée seraient en action en demi-finale de la Ligue des Champions cette semaine-là, et leurs performances dans ces matches couperets pourrait faire la différence. Pourquoi ne pas patienter quelques jours de plus ?
Mais quand le moment vint de faire les comptes, contrairement à ce qu'on avait cru, un vainqueur se détachait nettement des autres. Mohammed Salah l'avait emporté avec 48% des voix, soit une avance de 29 points sur son dauphin Kevin de Bruyne et de 35 sur le troisième du classement, le milieu de terrain de West Ham Declan Rice, dont la présence dans le trio de tête s'expliquait en partie par la constance et la qualité exceptionnelle de ses performances pour les Hammers, mais aussi par un point de réglement : on ne vote que pour un seul joueur, ce qui nuit à ceux dont les clubs sont les plus riches en postulants, comme Sadio Mané et Virgil van Dijk, qui finirent respectivement quatrième et cinquième du scrutin. Huit joueurs de Liverpool reçurent au moins un vote, tous comme six de Manchester City, ce qui ne rendait le succès de Salah qu'encore plus remarquable : aucun 'Footballeur de l'année' n'avait devancé ses rivaux aussi largement depuis qu'Eden Hazard avait mis tout le monde d'accord en 2015.
picture

Mohamed Salah, buteur face à l'Inter

Crédit: Getty Images

Une année au presque parfait

Salah n'avait pourtant pas effectué une saison parfaite comme ç'avait été le cas en 2017-18. Pendant plusieurs mois, d'août à la fin octobre, des mois dont le souvenir ne s'était visiblement pas effacé dans les souvenir des votants, il avait atteint une sorte de plénitude, parfois touché au sublime, marquant notamment deux buts inouïs contre Manchester City et Watford. Mais l'hiver avait été plus difficile. Il avait dû rejoindre son équipe nationale et vivre avec elles la double déception d'une défaite en finale de la CAN et, plus tard, d'une élimination de la Coupe du Monde, avec, chaque fois, le Sénégal de son coéquipier Sadio Mané dans le rôle de Nemesis.
S'il n'avait jamais cessé de contribuer au retour de Liverpool dans la course au titre, ç'avait été dans un rôle plus discret; le nuage duquel il avait survolé la première partie de la saison s'était dissipé, et Salah était redescendu parmi les mortels. Peut-être était-il affecté par le contrecoup des malheurs de l'Egypte, peut-être aussi par l'incertitude qui entourait son avenir à Liverpool, lui dont le contrat avec les Reds doit prendre fin le 30 juin 2023. Mais ce flottement ne dura pas longtemps, et le Salah que l'on vit mettre Manchester United à mal à la mi-avril ressemblait à nouveau à celui qu'on avait tant admiré six mois plus tôt. Autrement dit, à un 'Footballeur de l'année' en puissance.
picture

"En Angleterre, Salah a une grosse avance sur Mané mais Benzema reste favori"

Cela étant, on pouvait en dire autant de Kevin de Bruyne, brillant depuis le début de l'année calendaire, ou encore de Mané, encore plus efficace - 9 buts en 12 matches - quand Jürgen Klopp lui demanda de jouer dans l'axe plutôt que sur le flanc gauche qu'il affectionne. Que Salah finisse par devancer ces deux challengers, et tous les autres avec eux, n'avait rien qui dût étonner. Mais qu'il le fasse aussi nettement indiquait qu'un autre facteur était à l'oeuvre, pas seulement le fait qu'il soit tout près d'être Soulier d'Or de la Premier League pour la troisième fois(*), ou que son club soit aujourd'hui en quête d'un quadruplé sans précédent.
Ce facteur est Salah lui-même, l'incarnation la plus séduisante du football à visage humain que l'équipe de Jürgen Klopp sait nous offrir match après match, même quand elle ne joue pas 'bien'. C'est sa joie de jouer, son brio, son imagination, sa générosité. C'est son sourire, son humilité. C'est sa façon de célébrer ses buts sans se plier à de motonones et stériles chorégraphies d'où la vraie joie est absente.
En choisissant Salah, le football anglais choisit aussi Liverpool, un club et une équipe qui ne marque pas que des buts d'école, mais aussi des buts de cour de récréation; un club et une équipe qui respirent le plaisir de jouer autant que la satisfaction de gagner, avec ce que cela suppose d'imperfections, des imperfections qui la rendent encore plus proche de nous autres spectateurs. On doit admirer Liverpool et Salah pour ce qu'ils accomplissent, mais ce n'est pas seulement ce qu'ils accomplissent qui emporte l'adhésion. Le souffle qui semble gonfler les voiles de cette équipe nous emporte avec lui comme on est porté ailleurs par une irrésistible musique. Choisir Salah, n'est-ce pas au bout du compte une autre façon de lui dire merci, tout simplement ?
(*) Stanley Matthews, alors à Blackpool, en fut le premier récipiendaire, tout comme il fut aussi le premier Ballon d'Or de l'histoire huit ans plus tard.
(*) Salah avait déjà remporté ce trophée en 2017-18 et 2018-19, la seconde fois en le partageant avec Sadio Mané.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité