Ligue des champions - Erling Haaland, l'ombre d'un doute

"Faire la différence". Cette phrase résume souvent à elle seule le travail qui est demandé aux joueurs offensifs en général, aux numéros 9 en particulier. Quel que soit le moyen, l’action, ou la partie du corps employée, il faut marquer, c’est la loi du genre. Lorsque l’on parle de certains joueurs d’élite, cette phrase se complexifie un peu. Il faut "faire la différence, quand cela compte." Quand on est attaquant star de Manchester City, deuxième du Ballon d’Or 2023, marquer des dizaines de buts face à des clubs moins huppés, c’est bien, mais c’est surtout dans les grands matches qu’il faut créer cette fameuse différence.

Mercredi contre le Real, Erling Haaland s’est encore heurté à ce mur. L’attaquant norvégien n’a pas été mauvais, remportant plusieurs duels contre Nacho, ce que la différence de gabarit laissait supposer. Il a été visible en première mi-temps, où il a même ajusté une tête intelligente, mais celle-ci s’est heurtée à la barre d'Andriy Lunin. En seconde période, il a disparu, au point de voir son entraîneur Pep Guardiola le faire sortir avant la prolongation. En conférence de presse, le Catalan a évoqué une demande de son joueur, "qui ne pouvait pas continuer".

Fatigue ou pas, pour un joueur de ce calibre, c’est un peu juste, d’autant plus que son match aller avait été un cauchemar nommé Antonio Rüdiger. Cela ne date pas vraiment d’hier non plus. L’année dernière, l’ancien de Dortmund avait fini meilleur buteur de la compétition avec douze buts, mais il n’en avait inscrit que deux à partir des quarts, zéro à partir des demies. En quatre apparitions en quarts de C1, et donc en huit matches, Haaland n’a marqué "que" trois buts. Et au-dessus, ce sera donc zéro jusqu’à au moins l’année prochaine.

Alors, Haaland ne serait pas "clutch", comme disent les amateurs de sport US ? Chacun aura son opinion, mais les critiques sont à tempérer. En huitièmes, il en est à 11 buts en carrière, dont des performances majuscules avec Dortmund avec notamment deux doublés décisifs contre Séville en 2021. En outre, il a marqué en carrière pas moins de douze buts en dix-huit apparitions contre les cinq autres clubs du Big Six de Premier League (United, Chelsea, Liverpool, Arsenal, Tottenham).

Haaland n’est pas seulement fort contre les faibles, loin de là, mais la tendance avec City n’est pas rassurante. Auteur de 20 buts en championnat et meilleur buteur de Premier League, l'attaquant n’a marqué qu’une seule fois dans le jeu lors de ses neuf derniers matchs, sélection comprise. De quoi faire entendre la petite musique du doute dans un club où les places sont chères.

Après sa performance ratée face à Arsenal fin mars, Roy Keane avait évoqué "niveau de jeu général très mauvais, et pas seulement aujourd’hui. Il doit s’améliorer, on dirait un joueur de League Two". L'Irlandais n'a jamais été tendre, surtout avec les Haaland, mais son commentaire fait écho à un début de désamour. L’intéressé lui-même n’a pas forcément été le plus rassurant du monde au moment d’évoquer son avenir le mois dernier. Comme quoi tout va vite dans un sport où le Citizen affole pourtant tous les compteurs.

C'est l'injustice du football. Si Andriy Lunin n’avait pas sorti les tirs au but de Bernardo Silva et Mateo Kovacic, Haaland aurait eu l’occasion de dissiper toutes les questions sur la scène européenne. Il devra se contenter de la scène nationale pour montrer qu’il est là quand la route s’élève. Il est attendu en championnat, où City aura grand besoin d’un 9 décisif pour aller chercher le titre au sprint, mais aussi en Cup, où il n’a pas marqué à partir des demies l’année dernière. Sa performance face à Chelsea samedi pour la demi-finale (17h) sera particulièrement scrutée.