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La France galère, l'Angleterre se régale : les latéraux droits, l’exception anglaise

Cyril Morin

Mis à jour 14/10/2020 à 19:48 GMT+2

LIGUE DES NATIONS - En difficulté au poste de latéral droit depuis quelques années, l’équipe de France doit jalouser l’Angleterre qui dispose d’un réservoir ahurissant derrière la référence Trent Alexander-Arnold. Comment expliquer que les Three Lions disposent d'un tel vivier ?

Trent Alexander-Arnold avec le maillot des Three Lions

Crédit: Getty Images

Didier Deschamps doit secrètement prier. Et regarder chaque semaine si tout se passe bien en Bavière pour Benjamin Pavard. Malgré des failles évidentes lors du Mondial 2018, l’ancien Lillois est devenu le patron au poste de latéral droit chez les Bleus. DD a de quoi suer tant la relève derrière lui semble faible : Léo Dubois, voire Djibril Sidibé ou Colin Dagba. Pour des champions du monde, ça fait mal.
Les Bleus ne sont pas les seuls à être touchés par ce mal contemporain. Mais dans le marasme du poste actuellement, une nation s’en sort miraculeusement : l'Angleterre. Tellement que certains visuels d’équipes-types anglaises uniquement constituées de latéraux droits a fleuri ces dernières semaines sur les réseaux sociaux.
Caricatural ? Pas tant que ça. Dans sa dernière liste, Gareth Southgate a fait le choix d’en appeler quatre. Oui, vous avez bien lu. Quatre élus et que des talents XXL : Trent Alexander-Arnold, Kyle Walker (certes utilisé en troisième central mais référence du poste), Kieran Trippier et le jeune Reece James de Chelsea (20 ans), appelé pour la première fois.
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Kieran Trippier et Trent Alexander-Arnold

Crédit: Getty Images

Personne ne grandit en voulant être Gary Neville
Ce n’est que la face visible de l’iceberg car derrière, ça pousse fort : Aaron Wan-Bissaka (Manchester United, 22 ans) est un candidat naturel, Ainsley Maitland-Niles (Arsenal, 23 ans) peut encore exploser, Max Aarons (Norwich, 20 ans) est promis à un avenir radieux, tout comme Tariq Lamptey (Brighton, 20 ans). Derrière, Kyle Walker-Peters (Southampton, 23 ans) est passé par toutes les équipes de jeunes, tout comme Jonjoe Kenny (Everton, 23 ans).
Le temps des Gary Neville (85 sélections) ou Glen Johnson (51) semble désormais très loin. Et la célèbre phrase de Jamie Carragher, très fausse : "Personne ne grandit en voulant être Gary Neville", avait expliqué hilare le pundit en 2013 face au principal concerné. "Quand Carragher disait ces mots, le poste était radicalement différent, corrige Frederick Clayton, journaliste pour Eurosport en Angleterre. Il y a dix ans, les latéraux en Angleterre étaient seulement vus comme ceux qui devaient bloquer les ailiers et faire corps avec la discipline défensive".
"Depuis, beaucoup de choses ont changé, tactiquement et culturellement, poursuit-il. L’instauration de milieux de terrain très travailleurs a quelque peu déchargé la tâche défensive de ces latéraux. Claude Makélélé est presque vu comme celui qui a permis un changement de mentalité pour remettre des milieux vraiment défensifs dans l’axe. Désormais, beaucoup d’équipes en utilisent même deux. La colonne vertébrale d’une équipe est devenue la notion centrale".

Où jouerait Beckham aujourd’hui ?

La transition n’aura échappé à personne. Des joueurs axiaux de talent, l’Angleterre en a longtemps eu, avec ce quatuor iconique qui n’aura pas réussi à gratter un titre : Lampard-Gerrard-Beckham-Scholes. Quoi, il y a un intrus dans la liste ? Beck’s, milieu droit de métier et distributeur de caviars depuis son aile. Aujourd’hui, avec une explosivité réduite et un sens du but moins marqué que d’autres, l’ancien Spice Boy serait-il encore un joueur de côté ?
"Le jeu sur les flancs a toujours été quelque chose d’important dans le football anglais, c’est un football d’ailiers, rembobine Philippe Auclair, notre chroniqueur spécialisé du Royaume. Désormais, ce sont les latéraux qui ont ce rôle alors que les ailiers ont disparu. Comme ce sont des équipes pro-actives, ça fait la différence". Ici, une précision sémantique s’impose : si Mohamed Salah est un ailier moderne, il ressemble davantage à un avant-centre de profondeur qu’un ailier de débordement pur. A trop déserter leur couloir pour aller conclure les actions dans l’axe, les "wingers" modernes, qui n’ont rien à voir avec les Stanley Matthews ou George Best, ont participé à l’émergence d’un nouveau type de latéral.
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Comme Trent Alexander-Arnold, Reece James se chargent parfois des coups de pied arrêtés

Crédit: Getty Images

"Parallèlement, l’arrivée de latéraux comme Dani Alves, Maicon ou Marcelo, particulièrement doués techniquement, solide derrière mais surtout hyper dangereux devant ont peu à peu remplacé les milieux de terrains droits ou gauches traditionnels, avance Frederick Clayton. De tous les joueurs de champ modernes, le latéral est celui qui doit avoir la meilleure qualité de centre car ce sont eux qui sont à la manœuvre désormais. Les ailiers, eux, sont dans la surface pour recevoir ces centres et marquer". Et ont aussi fait quelque peu disparaître les avants-centres de Papa, bons dans la surface mais limités techniquement, qui attendaient les longs ballons pour se distinguer. Vous avez dit kick-and-rush ?

La référence TAA

"C’est aussi pour ça que Trent Alexander-Arnold est devenu si attirant", avance notre collègue anglais. Attirant mais surtout performant. En l’espace de trois ans, le jeune latéral est devenu la référence du poste avec ses centres lasers, sa qualité technique et ses passes décisives en pagaille. Comment ? En étant formé ailleurs, ailier de côté, numéro 6 ou arrière central. Puis en étant replacé latéral juste avant son entrée dans le monde pro pour s’y faire une place plus nette. "De nombreux arrières latéraux ont d’abord été formés comme milieux voire comme ailiers avant de s’adapter comme latéraux, explique-t-il encore. Regardez Ashley Young : quand on demande aux jeunes ailiers de se convertir en latéraux, ce n’est plus un changement si énorme. Cela explique pourquoi la génération actuelle d'arrière droit de l'Angleterre semble si forte sur le plan offensif".
L’émergence d’une Premier League où le 3-4-3 ou 3-5-2 est devenue une norme a aussi renforcé la tendance. D’ailleurs, c’est dans ce premier schéma que les Three Lions officient désormais, laissant une liberté totale aux "wing-backs" sur les côtés. La France aussi s’y est essayée récemment, mais tout le monde n’a pas TAA à disposition… Alors, jaloux les Français ? Pour ce poste peut-être mais "ce qui est incroyable c'est qu’il y a pleins de latéraux mais pas de centraux", sourit Philippe Auclair. On ne peut pas tout avoir.
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