La coupe négligée

Un "laboratoire", un "apprentissage pour les clubs en devenir" selon Claude Puel. Une "consolante" pour Pierre Dréossi. Une "purge" d'après Raymond Domenech sur son compte Twitter. Les termes sont différents mais le constat est le même : la Ligue Europa ne fait pas rêver. En France, on a même l'impression que les clubs se battent pour y aller pour ensuite ne pas la jouer à fond. Pas un pensionnaire de L1 n'a ainsi atteint le stade des demi-finales depuis Marseille lors de la saison 2003-2004. Ce désintérêt agace. Les défenseurs de l'indice UEFA notamment. Mais pas seulement. "Je pense que Lille ne nous a pas pris au sérieux", avait regretté Fred Rutten, l'entraîneur du PSV Eindhoven la saison passée. Mais les Français ne sont pas les seuls à faire passer cette coupe au deuxième plan.

Depuis 2005, les Italiens n'ont signé qu'une demi-finale (Fiorentina en 2008). La Juventus, l'AC Milan ou encore l'AS Roma - sortie en barrages cette année par le Slovan Bratislava - n'y ont jamais montré beaucoup d'entrain ces dernières saisons. En 2004-2005, Parme avait ainsi laissé ses cadres au repos (Gilardino, Frey...)  face au CSKA lors de la demi-finale retour après son 0-0 à l'aller (défaite 3-0). Si les clubs espagnols habitués à être dans l'ombre du FC Barcelone et du Real Madrid profitent de cette compétition pour se montrer, l'Angleterre est aussi un mauvais élève. Aston Villa en est le parfait exemple. En 16es de finale de l'édition 2008-2009, Martin O'Neill avait décidé de faire souffler ses cadres à l’occasion d’un déplacement à Moscou. Et... avait provoqué la fureur des supporters qui avaient fait le voyage jusqu’en Russie. Pour s'excuser, O'Neill leur avait offert un dîner.

Les raisons de ce désamour sont multiples. Mais vivre dans l'ombre de la Ligue des Champions est le plus handicapant pour la Ligue Europa. "La nouvelle formule de la Ligue des Champions a minoré cette coupe", constate Claude Puel. La visibilité de la C1 et sa dotation financière depuis quelques saisons l'ont rendu incontournable et encore plus attirante. Si la Ligue des Champions permet à un club de changer de dimension, l'histoire est bien différente avec la Ligue Europa. Car entre les deux compétitions, il y a un gouffre sur le plan financier.

La saison passée, le FC Porto a ainsi empoché 7.84 millions d'euros pour sa victoire finale. Pendant ce temps-là, le FC Barcelone, lauréat de la C1, et Auxerre, éliminé dès la phase de poule, ont gagné 51 et 13.7 millions d'euros ! Il n'y a alors rien d'illogique à voir "des clubs importants mettre l'accent sur le championnat dans l'espoir de disputer la Ligue des Champions" comme le souligne Puel. "Il faut la rendre plus attractive", prévient Pierre Dréossi, qui constate que c'est impossible d'étoffer son effectif avec cette coupe. "La Ligue des Champions a été rendue attractive par sa dotation financière. Il faut trouver l'intérêt sportif et économique.".

Consciente de cet écart préjudiciable, l'UEFA a modifié sa formule et tente d’augmenter sa dotation financière depuis quelques années. "Elle devient de plus en plus intéressante sportivement et financièrement donc elle va prendre une vraie place dans les années à venir", estime d'ailleurs Dréossi. Mais il y a encore du boulot. L'arrivée des clubs de la Ligue des Champions qui ont terminé troisième de la phase de poule à partir des 16e fait aussi débat. Si pour Claude Puel cela donne un "intérêt supplémentaire", Pierre Dréossi s'en offusque. "Ça fait un peu consolante. L'implication serait peut-être plus importante dès les poules si les clubs savaient qu'ils avaient une plus grande chance de la gagner." Et donc de s’y investir vraiment.