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Ligue Europa : Le Portugal prend la C3 au sérieux, la France par-dessus la jambe

Nicolas Vilas

Mis à jour 24/04/2014 à 07:49 GMT+2

Nicolas Vilas explique pourquoi les clubs portugais sont présents dans le dernier carré de la Ligue Europa pour la quatrième saison d'affilée. Pendant que les clubs français, eux, la snobent.

Le Benfica demi-finaliste de la Ligue Europa 2013-2014, Bordeaux éliminé dès la phase de poules.

Crédit: Eurosport

A l’issue de cette saison, le Portugal aura fait mieux qu’assurer sa cinquième place à l’indice UEFA devant la France. Il se rapproche maintenant de l’Italie. Ça tombe bien. Jeudi, le Benfica reçoit la Juventus, en demi-finale de la Ligue Europa. Plus que leurs performances en Ligue des champions, c’est le parcours des clubs portugais en C3 qui paye. Voilà quatre ans qu’une équipe de la Liga atteint au moins le dernier carré de cette compétition. Mais pourquoi et comment ce championnat peu exposé et aux moyens limités parvient à s’imposer aux yeux de l’Europe ? Pourquoi eux et pas les "riches" Français ?

Une question d’habitude

Si le Portugal parvient souvent à conclure lors de ses rendez-vous avec l’Europe, c’est parce qu’il a appris à la connaître, à l’apprivoiser. La Ligue 1 se définit souvent par son équilibre, ses traditionnelles surprises de fin de saison pour les places européennes. La Liga portugaise est bien plus prévisible. Plus stable, aussi. Son trio de géants (Benfica, FC Porto et Sporting) s’accapare la majorité des succès - aussi bien sportifs qu’économiques. Ennuyeux, dîtes-vous ? C’est le lot de la plupart des ligues où les historiques laissent peu de place aux imprévus. Sur les cinq clubs portugais les plus capés en C3, trois sont déjà assurés de retrouver l’Europe la saison prochaine. Parmi les Français les mieux rodés, seul le PSG est (pour l’instant) dans ce cas.
Avoir des superpuissances n’empêche pas l’émergence de forces nouvelles. Comme l’a été le Boavista, Braga en est l’exemple. Si 2013-2014 n’a pas été la hauteur, sa gestion et ses résultats représentent un espoir. Ce n’est pas par hasard si les seules formations capables de franchir la phase de groupe sont l’équipe du Minho et les trois "Grandes". La C3 ne s’offre qu’aux plus fidèles. Au total, la France a envoyé trente-deux équipes différentes pour tenter de la conquérir, c’est dix de plus que le Portugal. Une diversification qui s’apparente d’avantage à de la dispersion. A tous points de vue.
Clubs portugais et français les plus capés en C3
Sporting : 153 matches (74V, 35N, 44D)Bordeaux : 130 matches (64V, 22N, 44D)
Benfica : 117 matches (60V, 25N, 32D) Auxerre : 78 matches (37V, 17N, 24D)
FC Porto : 82 matches (45V, 14N, 23D) Marseille : 74 matches (33V, 20N, 21D)
Sp. Braga : 69 matches (26V, 16N, 27D) PSG : 72 matches (32V, 24N, 16D)
Boavista : 58 matches (25V, 9N, 24D) Lyon : 70 matches (36V, 12N, 20V)

Une question de culture

Roudolphe Douala a disputé une finale de C3 en 2005. C’était à Alvalade, avec le Sporting. L’ancien Stéphanois avait notamment croisé Sochaux sur son chemin. "J’avais invité Guy Lacombe et Alain Blachon à venir manger à la maison, se souvient l’international camerounais. Je leur avais dit que nous jouions pour la gagner. Je me souviens qu’Alain avait répondu on disant : ‘Ah, quand même…’ Il était étonné. Pour eux, la Coupe d’Europe était un plus. Mais pour un club comme le Sporting, c’était un objectif clair." La fameuse culture de la gagne est omniprésente dans les grands clubs portugais. La pression vient de toutes parts : supporters, socios, dirigeants, sponsors, médias… Une victoire est une victoire. Une coupe est une coupe. Que ses oreilles soient grandes ou petites, celui qui la soulève devra avoir l’étoffe d’un grand. Pas le temps, ni la peine de se démobiliser.
L’ancien Lyonnais Sidney Govou se souvient d’avoir disputé la Ligue Europa en tant que reversé de la Ligue des champions (en 2002 et 2003) : "Quand tu es dans cette position, c’est différent. Il y a tellement de déception d’avoir été éliminé de la C1… Et du coup, si tu n’es pas à fond dedans, tu le paies cash." Mais les temps ont changé. L’OL apprend à vivre avec son époque et son argent. Le voilà en passe de devenir une référence française dans la compétition. Certes, Rémi Garde n’a pas eu le plus difficile des tirages. Certes, il a fait tourner. Mais il a amené son jeune groupe en quarts. Aucune équipe de L1 n’y était parvenue depuis 2009 (PSG et Marseille). Reste à inculquer à ses pousses le devoir du succès.
Parcours des clubs portugais et français en C3 sur les cinq dernières saisons
2013-2014V. Guimarães
P. Ferreira
Estoril
FC Porto (quarts)*Benfica (demi-finale)*
BordeauxLyon (quarts)
2012-2013AcadémicaMaritimoSportingBenfica* (finale) MarseilleBordeaux (huitièmes)Lyon (seizièmes)
2011-2012Sporting (demie)Braga (seizièmes)Porto* (seizièmes) PSG Rennes
2010-2011Sporting (seizièmes)FC Porto (vainqueur)Benfica* (demie)Braga* (finale) Lille (seizièmes)PSG (huitièmes)
2009-2010Sporting (huitièmes)Benfica (quarts)Nacional Lille (huitièmes)ToulouseOM* (huitièmes)
*clubs reversés de la C1

Une question de survie

Avec 27 millions d’euros par saison, le Sporting est le club portugais qui s’est sort le mieux en termes de droits télé (et de publicité). Une somme qui équivaut à ce que Nice a touché la saison dernière… Le président de la Ligue portugaise estime que les diffuseurs génèrent 60 millions d’euros cumulés par an sur l’ensemble de la Liga. C’est peu. Trop peu pour faire de la Liga ZON Sagres un championnat viable économiquement. La compétition ne se suffit pas à elle-même. Ni à dégager les ressources nécessaires, ni à attirer suffisamment d’investisseurs, ni à mettre suffisamment en avant ses joueurs.
L’Europe, grande ou petite, devient alors la plus accessible des devantures. Il y a d’abord les millions qu’elle rapporte. Aux alentours d’une dizaine pour les deux finalistes de la Ligue Europa. C’est trois fois moins qu’en C1. Mais pour un Portugais, c’est beaucoup. C’est quasiment le budget de Braga cette saison (13 millions d’euros). "Les Portugais lui donnent de l’importance parce qu’elle permet aux clubs d’avoir l’argent pour régler les salaires et les factures, explique Paulo Machado, ancien milieu de terrain de l’ASSE et de Toulouse. En France, les clubs ont de plus grandes facilités de paiement."
Brest, dernier de Ligue 1 2012-2013, a perçu 13,75 millions d’euros rien qu’en droits télé. Et les chèques alignés par BeIn et Canal ne vont aider à populariser la C3 auprès des clubs de L1 pour qui même une mauvaise place au classement paiera plus qu’un joli parcours en Ligue Europa. Au-delà d’un manque d’ambition, ce calcul se révèle mauvais. Car la Ligue Europa est surtout perçue au Portugal comme une vitrine. Une façon accessible d’exposer ses actifs et de les vendre. Falcao ou Matic s’y sont fait un nom et une réputation. Le championnat portugais assume son statut intermédiaire et ça ne l’empêche pas de vendre comme un grand. La France fait l’inverse : achète comme un grand mais vend souvent petit…

Une question de calendrier

Forcément, lorsqu’on possède un championnat à seize équipes, ça laisse plus de temps pour préparer ses matches. C’est le cas de la Liga portugaise. Ses clubs se portent plutôt bien à l’échelle continentale, depuis le rétrécissement de son championnat (2006-2007). Chris Malonga, qui a disputé la Ligue Europa cette saison avec le Vitoria de Guimarães et avec Nancy en 2009, constate: "Les clubs portugais font moins de turn-over en Coupe d’Europe." Habitué à la Champions avec Lyon, François Clerc a fait connaissance avec sa petite sœur en Vert, il y a quelques mois: "Le rythme est soutenu : jouer un match tous les trois jours oblige les clubs à faire tourner."
L’excuse du calendrier connaît toutefois ses limites. Sochaux, Montpellier, Saint-Etienne ou Guingamp ont été éjectés de la C3 avant même qu’elle débute. En barrages ou autres tours préliminaires. Ils n’étaient pas encore prêts ? Les Portugais commencent leur saison deux à trois semaines plus tard et n’ont pourtant été que deux, dans le même temps, à se voir priver d’entrée. Le repêchage du Boavista devrait toutefois ramener l’élite lusitanienne à dix-huit la saison prochaine. Les dirigeants portugais vont alors, à l’instar de leurs homologues français, s’insurger contre un calendrier surchargé. Et remettre en question cette Coupe de la Ligue.
"Mais à quoi sert-elle ?" Au Portugal, on a la réponse : à rien. Elle n’est pas qualificative pour l’Europe… Et en France ? A gagner quelques millions (un peu plus de deux pour son vainqueur) sans trop (se) forcer. Et bien sûr, à obtenir une place pour la C3. Mais pour y faire quoi ? L’entraîneur bordelais Francis Gillot ne se cache pas pour démonter cette compétition dont il déplore les longs déplacements et le peu d’intérêt qu’elle suscite chez les médias et supporters français. Difficile cependant de les motiver avec des "équipes b"… Difficile, aussi, de valoriser ses meilleurs potentiels en les laissant au repos. Il est vrai que Bordeaux n’a pas l’effectif du Benfica. Il en a pourtant le budget (plus de 50 millions d’euros). Difficile de comparer, tant la réalité de son championnat et celle de son statut est tout autre. Mais pour devenir grand, faut-il déjà apprendre à gagner petit.
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