Déplacement interdit pour les fans du Maccabi ou quand le foot devient otage de la politique
En Angleterre, la décision d'interdire le déplacement des supporters du Maccabi Tel-Aviv dans le stade d'Aston Villa en Ligue Europa est devenu une affaire d'Etat agitant les plus hauts sommets du pays. Instrumentalisée par tous les camps, cette décision n'est pas récupérée seulement par les partis politiques. Tommy Robinson, figure de l'extrême-droite anglaise, s'est mêlé au débat. Explications.
Nem lehetnek izraeli szurkolók a Maccabi Tel Aviv - Aston Villa meccsen - Fotó: Darren Staples / AFP
Crédit: AFP
C'est devenu une affaire d'État en Angleterre. Comment pourrait-il en être autrement, quand le Premier ministre en personne, Keir Starmer, est intervenu pour désavouer la décision de la police des East Midlands d'interdire les supporters israéliens du Maccabi Tel-Aviv d'assister au match qui opposera leur équipe à Aston Villa en Ligue Europa ce 6 novembre ? Au vu de la façon dont le "débat" qui n'a pas quitté les "unes" depuis plus d'une semaine maintenant s'est empoisonné au cours des derniers jours, il est indispensable de commencer par citer le communiqué publié par les policiers le 17 octobre pour justifier leur décision.
"Suite à une évaluation approfondie, nous avons classé le prochain match Aston Villa – Maccabi Tel-Aviv comme à haut risque", pouvait-on lire. "Nous avons collaboré activement avec de nombreux partenaires locaux et représentants de la communauté pour préparer ce match et continuons de participer au groupe consultatif sur la sécurité. Bien que le certificat de sécurité soit délivré par le conseil municipal de Birmingham, la police des West Midlands soutient la décision d'interdire l'accès aux supporters visiteurs".
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Un jeune supporter d'Aston Villa
Crédit: Getty Images
"Cette décision se fonde sur les renseignements dont nous disposons actuellement et sur des incidents antérieurs, notamment des affrontements violents et des crimes de haine survenus lors du match d’UEFA Europa League 2024 entre l’Ajax et le Maccabi Tel-Aviv à Amsterdam. [...] Nous pensons que cette mesure contribuera à minimiser les risques pour la sécurité publique".
C'est une mauvaise décision
Une décision de ce type n'a rien d'inédit en Europe, quoi qu’on ait entendu le contraire ici, y compris à la Chambre des communes, où la ministre de la Culture, des Médias et des Sports Lisa Nandy disait encore ce lundi : "il est sans précédent dans les temps modernes que tous les supporters visiteurs soient bannis à cause du comportement d'une petite minorité".
Pourtant, rien que cette saison, le ministre français de l'Intérieur avait interdit de déplacement à Marseille les supporters de l'Ajax "pour des raisons de sécurité". C'était le mois dernier. La même semaine, Naples avait également prohibé la vente de billets aux fans de l'Eintracht Francfort pour leur match de Ligue des champions. Comme l'UEFA l'a rappelé, c'est aux seules autorités locales qu'il appartient de décider des mesures de sécurité idoines, et ni Georgia Meloni ni Emmanuel Macron n'avaient cru bon mettre leur grain de sel dans la conversation.
Keir Starmer, lui, monta au créneau quelques heures seulement après la publication du communiqué des forces de l'ordre. Avait-il eu le temps de prendre connaissance du dossier en si peu de temps ? Avait-il été informé en amont de la décision de la police ? Suivait-il d’un œil tout particulier un match dont, franchement, personne ne se souciait 24 heures plus tôt ? On peut en douter ; mais cela ne l'empêcha pas d'intervenir. "C'est une mauvaise décision", dit-il. "Nous ne tolérerons pas l'antisémitisme dans nos rues. Le rôle de la police est de veiller à ce que tous les supporters de football puissent profiter du match, sans crainte de violence ou d'intimidation". La cheffe de l'opposition conservatrice Kemi Badenoch parla, elle, d'une "honte nationale". Les leaders du parti d’extrême droite Reform et des Libéraux-démocrates se joignirent eux aussi au chœur des scandalisés.
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Les supporters du Maccabi Tel-Aviv en déplacement en Ligue Europa
Crédit: Getty Images
Antisémitisme, le mot était lâché. La police de Birmingham s'était bien gardée de faire quelque référence que ce soit au conflit israélo-palestinien, et pour cause. Ce n'était pas chose facile, au vu des antécédents des supporters du Maccabi qui, eux, ne s'en privent pas, et dont les Ultras sont connus pour leurs chants et bannières racistes et arabophobiques. Pour les policiers, il s'agissait de garantir l'ordre public, de protéger les supporters d'Aston Villa — et du Maccabi Tel-Aviv ! — de débordements aussi graves que ceux auxquels on avait assisté à Amsterdam lorsque le club israélien y avait affronté l'Ajax en Ligue Europa, il y a un peu moins d'un an (*). Ces policiers avaient d'ailleurs contacté leurs homologues néerlandais avant d'annoncer l'interdiction de déplacement des supporters du Maccabi.
Tommy Robinson entre en scène
Les violents incidents auxquels on assista lors du derby de Tel Aviv Maccabi - Hapoel dimanche dernier, qui causèrent l'abandon du match alors que la foule avait pris place dans le Bloomfield Stadium, ajoutèrent de l'huile sur un feu qui faisait déjà rage. Hapoel dénonça le rôle de la police israélienne qui, selon le club, ancré à gauche dans le spectre politique israélien, "se préparait à une guerre, pas à une rencontre sportive". "La police a pris le contrôle du football", dirent-ils.
Cette mise au point n'empêcha pas les partisans de l'interdiction de stade des fans du Maccabi, dont le député indépendant de Birmingham Ayoub Khan, de se servir des images choquantes venues d'Israël pour clamer encore plus fort que ces supporters ne pouvaient en aucun cas être admis dans l'enceinte de Villa Park. La récupération politique n'était pas le seul fait des partis britanniques qui flairaient un parfum d'antisémitisme dans la décision de la police des East Midlands.
Et comme si cela ne suffisait pas, la fièvre monta d'un cran supplémentaire lorsque la figure tutélaire de l'ultra-droite anglaise, Tommy Robinson, un "ami" d'Elon Musk connu pour ses outrances de langage et condamné à 18 mois de prison en octobre 2024 pour "outrage au tribunal", fit savoir qu'il assisterait au match en qualité de "supporter du Maccabi".
Si Robinson espérait ajouter au chaos, c'est raté. Maccabi Tel-Aviv a annoncé que, quoi qu'il arrive, le club ne mettrait pas de billets pour ce match à disposition de ses supporters. L'intervention de l'extrémiste britannique avait été le facteur décisif. Une source proche du Maccabi expliqua à Jewish News qu'il y avait "désormais également un risque que nos supporters soient faussement associés à ses activités d'extrême droite, devant des manifestants anti-israéliens déjà prêts à les traquer".
"Avec les supporters de Robinson se faisant potentiellement passer pour des supporters du Maccabi dans les rues de Birmingham, nous avons conclu que le risque était devenu inacceptable pour des supporters innocents qui veulent simplement regarder leur équipe jouer."
N'imaginez pas que ceci marquera le fin mot de l'affaire. Un porte-parole du gouvernement britannique se dit "profondément attristé" par le choix du club telavivien, et le sujet refera surface dans deux semaines, lorsque l'une des tribunes de Villa Park sera vide de supporters. Le football n'a pas fini d'être un otage de la politique.
(*) Sept personnes avaient été hospitalisées et une vingtaine d'autres avaient été blessées lors d'affrontements dans lesquels agresseurs et victimes se trouvaient dans les deux camps. Quatre hooligans avaient ensuite été condamnés à des peines de prison pour leurs rôles dans les émeutes.
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