Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Mexique - Ronaldinho est-il encore un footballeur professionnel ?

Thomas Goubin

Mis à jour 05/02/2015 à 17:03 GMT+1

Accueilli dans l'euphorie au Mexique, en septembre dernier, Ronaldinho a rarement brillé et beaucoup déçu sous le maillot de Querétaro. Revenu de la trêve hivernale avec près d'un mois de retard, il n'est plus que le fantôme du meilleur joueur de la planète qu'il a été.

Ronaldinho avec le maillot de Queretaro

Crédit: Panoramic

"Je ne peux pas faire courir Ronaldinho car il n'aime pas ça." L'aveu est signé Roberto Bassagaisteguy, préparateur physique de Querétaro, là où la star brésilienne a choisi de poursuivre sa carrière, en septembre dernier. Cela relevait du secret de polichinelle plus que d'autre chose, mais Bassagaisteguy a eu le mérite d'avoir été le premier à lâcher le morceau, dans une interview donnée, jeudi dernier, à ESPN Mexique. Peut-être le préparateur physique était-il simplement trop lassé pour ne pas s'épancher. Car depuis début janvier, l'entraîneur du muscle est chargé d'une tâche ardue : remettre en forme un joueur arrivé à la reprise de l'entraînement avec vingt-neuf jours de retard (!), mais qui ne veut pas courir pour autant pour rattraper le temps perdu. Chez les Gallos Blancos (coqs blancs) de Querétaro, Ronnie impose ses manières. Avec le sourire, mais avec fermeté.
picture

Ronaldinho

Crédit: Imago

En signant, à la surprise générale, dans ce confidentiel club mexicain situé deux heures au nord de Mexico, Ronaldinho a rendu célèbre dans le monde entier son nouvel employeur. Qualifié de "transfert du siècle" par la presse locale, Ronaldinho a rempli le stade de 35000 places des Gallos, mais aussi ceux du reste du Mexique. A Guadalajara, les deux meilleures affluences de la saison régulière (17 journées) du Torneo Clausura 2014 (juillet-décembre), ont ainsi porté la signature de l'ex du PSG : 38000 billets écoulés pour Chivas-Querétaro, 45000 pour Atlas-Querétaro au mythique stade Jalisco. Au pays d'Hugo Sanchez, l'impact de sa signature fut tel que Ronaldinho a aussi réalisé l'exploit de faire s'écouler des maillots des Gallos Blancos au-delà des limites de sa ville d'accueil. Acclamé par les siens et par les supporters adverses, Ronaldinho a joué sur du billard, le temps d'un état de grâce ... qui n'a pas duré.

Ronnie n'en a pas trop fait...

La première saison de la superstar fut courte: débutée le 21 septembre, terminée deux mois plus tard. Douzième de la saison régulière (sur dix-huit), Querétaro n'est pas parvenu à se hisser en Liguilla (play-offs qui concernent les huit meilleures équipes du tournoi). Le club bleu et noir comptait sur Ronaldinho pour arracher cette qualification … Les premières critiques émises depuis le sein des Gallos Blancos ont commencé à tomber courant décembre, quand la star s'est fait attendre à la reprise. "Clairement, nous ne sommes pas contents, avait ainsi manifesté le directeur sportif, Joaquín Beltrán, les autres joueurs travaillent depuis deux semaines (…) je ne peux garantir que Ronnie restera avec nous." Cette déclaration ressemblait alors à un ultimatum pour un joueur à qui tout serait encore pardonné si les restes de sa grandeur passée suffisaient à bonifier le rendement de son équipe. Lors du Torneo Apertura 2014, Ronaldinho a joué 760 minutes, donné deux passes décisives, et a inscrit trois buts, dont un penalty et un coup-franc. Sur coups de pied arrêtés, l'ex-meilleur joueur du monde continue de briller, beaucoup moins dans le jeu, où il peine à se retourner.
Mardi soir, Ronaldinho a été titularisé pour la première fois de la saison en Coupe du Mexique, face à Zacatecas (D2). Sa prestation fut passable, même si son petit pont sur un défenseur adverse a déjà fait le tour de la planète. Vendredi dernier, le champion du monde 2002 avait joué ses premières minutes du Torneo Clausura 2015. Entré en jeu à la 61e minute, il n'avait pu empêcher la défaite des siens, à domicile, face à Santos (0-1). Pendant la retransmission, un commentateur d'ESPN Deportes a livré un verdict sans appel sur l'aventure mexicaine de l'ex du PSG : "D'un point de vue footballistique il n'a rien apporté, ce fut une erreur. Ils l'ont pris pour le marketing, les sponsors." Devant son implication toujours plus intermittente, la question mérite d'être posée : au-delà de la rémunération qui atteste de son statut, Ronaldinho est-il, a 34 ans, encore un joueur professionnel ? Se sent-il encore impliqué par son métier ?
Grand prestidigitateur de ballon, Ronaldinho fait encore soupirer le public sur un contrôle, un double-contact, ou une ouverture à la précision chirurgicale, mais il ne pèse plus sur une rencontre comme du temps de sa splendeur (2004-2006). Ronaldinho n'a toutefois jamais arrêté de s'entraîner. Simplement, il le fait à sa manière. C'est tout du moins ce qu'a expliqué le préparateur physique de Querétaro : "Ce qu'il ne fait pas avec moi, il le fait dans son environnement, comme il l'aime". Au moment de trouver un domicile pour s'installer à Querétaro, l'ex Ballon d'Or a fixé une exigence non négociable : disposer d'un terrain de foot-volley, où il peut occuper ses après-midis à jouer torse nu avec ses amis. "Tous les jours, il passe trois à quatre heures à jouer", a assuré Bassagaisteguy. Ronaldinho n'a donc pas perdu la passion pour le foot. Simplement, seule sa facette ludique semble encore le motiver. Quadrature du cercle : pour prendre du plaisir dans un environnement professionnel, disposer d'une condition physique décente est un impondérable pour pouvoir exprimer ce que le talent permet de réaliser. Lauréat de la Copa Libertadores avec l'Atlético Mineiro à l'été 2013, Ronnie n'a pas semblé avoir trouvé depuis les ressources pour s'offrir une sortie digne de son talent hors-norme.

Ronaldinho ressemble à l'ambassadeur de son propre passé

Ex-adjoint de Javier Aguirre à l'Atlético Madrid et entraîneur de Querétaro, Nacho Ambriz a rapidement cerné les limites de sa recrue-phare. Le coach a positionné Ronnie en neuf et demi, pour lui éviter les efforts de récupération et qu'il puisse se retrouver dans des conditions optimales pour faire la décision. C'était toutefois l'ambition de ce choix… A Querétaro, Ronaldinho, joueur dont la dimension dépasse largement celle du club, bénéficie d'un régime de faveur, sans lequel il n'aurait peut-être pas accepté de venir au Mexique, mais qui semble dans le même temps précipiter son déclin, entamé tôt, dès ses 27 ans. Car, à force de se complaire dans un régime d'exception, Ronaldinho ressemble aujourd'hui davantage à l'ambassadeur de son propre passé, acclamé à l'annonce des équipes mais beaucoup moins lors du temps réglementaire, plus qu'à un réel joueur professionnel.
picture

2014-15 Ronaldinho, Queretaro (AFP)

Crédit: AFP

Pour justifier son mois de retard à la reprise, l'ex meneur de jeu du Barça a argué de "problèmes personnels." Cela ne l'a pas empêché de poster, sur Twitter, une photo de nouvel an où il se trouvait entouré d'une dizaine de jeunes femmes. Ronnie ne semblait pas plus préoccupé que cela… Quand il a débarqué au Mexique, le Ballon d'Or 2005 avait prévenu au moment où il avait été interrogé sur son goût pour la fête : "Je continuerai à vivre comme je l'ai toujours fait." Pour ce refus de se plier à une certaine discipline, Ronaldinho reste d'ailleurs pour beaucoup LE joueur de foot par excellence, celui qui n'a pas oublié qu'avant d'être une profession, le football était un jeu. Mais Ronnie s'amuse-t-il encore vraiment sur les terrains ? Les prochains mois de sa carrière pourraient livrer une réponse définitive...
Thomas Goubin, correspondance spéciale au Mexique
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité