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Maxime Chanot, le Frenchie champion de MLS : "Ma carrière est digne d’un film hollywoodien"

Maxime Aubin

Mis à jour 02/01/2022 à 11:32 GMT+1

MLS - À 32 ans, Maxime Chanot est devenu le premier Français à remporter le championnat américain avec New York City le 11 décembre. Une consécration pour un joueur qui a connu les pires blessures, la dépression et les problèmes financiers au début de sa carrière. Entretien avec un revanchard qui puise sa force dans la religion.

Maxime Chanot, lors du match des playoffs de MLS entre le New York City FC et le Philadelphie Union, le 5 décembre 2021

Crédit: Getty Images

Vous avez connu trois clubs avant même d’avoir 18 ans, puisque vous avez été formé à l’AS Nancy Lorraine avant de partir à Reims puis de signer votre premier contrat professionnel à Sheffield à seulement 17 ans. Pourquoi être parti si jeune en Angleterre ?
Maxime Chanot : J’ai perdu mon père quand j’avais seulement 4 ans. J’en ai vraiment beaucoup souffert, surtout au moment de l’adolescence. J’ai été viré du centre de formation de Nancy à 14 ans à cause de problèmes de comportement, et j’ai également fait pas mal de conneries à Reims. Alors quand l’opportunité de signer en Premier League s’est présentée, je n’ai pas hésité.
Vous vous êtes brûlé les ailes pendant trois ans dans le Nord de l’Angleterre, où vous n’avez jamais joué avec l’équipe première. Comment expliquez-vous votre échec là-bas ?
M.C. : Je manquais beaucoup de repères à l’époque, et d’une personne pour me conseiller et m’orienter. J’arrivais également dans un nouveau pays sans connaître la langue, et avec pas mal d’argent pour un gamin de 17 ans. Je suis parti complètement en vrille, on peut dire que j’ai vraiment tout expérimenté là-bas, et que ça a forgé en partie ce que je suis aujourd’hui.
À votre retour en France en 2009, vous signez au Mans, avant de rejoindre le National et Gueugnon l’année suivante. Mais là encore, l’aventure ne va pas se passer comme vous l’espérez.
M.C. : Non alors que j’étais arrivé à Gueugnon dans un bon état d’esprit en me disant que c’était surement ma dernière chance dans le monde professionnel. Mais dès le début de la saison en septembre, le club connaît des difficultés financières et nous ne sommes plus payés. Quand tu joues en National, tu gagnes déjà peu d’argent donc c’est vraiment devenu compliqué pour moi. Et les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. Six mois plus tard, je me fais une triple fracture du pied sur un tacle dans un match contre Bastia.

Un début de carrière synonyme de grosses galères : "J’avais demandé à un ami de me prêter sa paire de chaussures"

Vous n’avez alors que 21 ans, mais vous expliquez que cette blessure va précipiter votre "descente aux enfers". Pourquoi ?
M.C. : Je n’avais tellement plus d’argent que j’avais demandé à un ami de me prêter sa paire de chaussures en 42 pour ce match, alors que je porte du 44. Ça a surement dû jouer dans la gravité de ma blessure car je me suis tout pété, des métatarses du pied jusqu’à la malléole. Je n’avais plus les moyens de me soigner correctement, ma blessure s’est infectée et a mal cicatrisé, au point où je ne pouvais plus marcher. Finalement, j’ai décidé de vendre ma maison et ma voiture et de partir faire une rééducation au Cap Breton. Mais elle ne s’est pas passée comme prévu. Je ne faisais pas de progrès et les médecins me disaient que le problème était dans ma tête. Au bout d’un moment, j’ai carrément arrêté de me lever les matins. Je suis tombé en dépression et me suis dit que j’étais perdu pour le foot.
Comment êtes-vous sorti de cette impasse et avez ensuite retrouvé les terrains ?
M.C. : Ça va vous paraître complètement romanesque ou inventé, mais c’est vrai. Je comate devant la télé une nuit vers 2h30 du matin, quand j’entends la porte de ma chambre s’entrouvrir. Il s’agit d’une infirmière qui m’explique qu’elle va quitter son job pour partir en pèlerinage à Lourdes. Elle me dépose une bible et s’en va. À l’époque, je ne suis pas du tout croyant et même plutôt contre la religion. Mais dans mon ennui, je me mets à feuilleter une page, puis deux, puis 100. Je l’ai vécu comme une véritable révélation, l’espoir est revenu. Hasard ou pas - je sais que ça n’en est pas un - j’ai pu récupérer de ma blessure en seulement deux semaines.
Qu’avez-vous trouvé dans la Bible qui vous a aidé à vous remettre sur pied ?
M.C. : C’est difficile à expliquer car ce sont des choses qui se vivent. J’ai rencontré Jésus et ai trouvé une aide, un accompagnement qui fait que je ne me suis plus du tout senti seul.
Vous avez ensuite repris la course avant de retrouver un club en deuxième division belge un mois plus tard, en septembre 2011.
M.C. : Oui, il y a clairement eu un avant et après ma révélation. J’ai décidé à partir de là de faire confiance à mes intuitions et de me laisser guider. J’ai atterri dans un club de la banlieue de Bruxelles avant de me faire repérer huit mois plus tard par le Beerschot d’Antwerp, qui évoluait en première division. J’ai ensuite rejoint Courtrai où je suis resté trois saisons.
Vous vous êtes rapidement fait un nom en Belgique, où vous avez été élu deux fois de suite meilleur défenseur de la ligue. Vos performances ont tapé dans l’œil de Patrick Vieira, alors entraîneur du New York City FC, qui vous a appelé en personne à l’été 2016. Que vous-a-t-il dit pour vous convaincre ?
M.C. : C’est vraiment un beau signe du destin puisque j’ai grandi avec la génération 1998, et que mon joueur préféré a toujours été Patrick Vieira. J’avais pas mal de clubs intéressés par mon profil en 2016 comme le Chievo Vérone, Nantes ou Fulham, mais jouer pour Vieira aux États-Unis ne se refusait pas. Il m’a simplement dit qu’il avait besoin d’un joueur de mon profil, un leader qui n’a pas peur d’aller au charbon.

Du Cap-Breton en réducation à New York avec Lampard, Pirlo et Villa

Vous débarquez alors dans une autre dimension dans la ville-monde qu’est New York, avec Frank Lampard, Andrea Pirlo et David Villa comme coéquipiers.
M.C. : C’était déjà une immense fierté de rejoindre un club connu et reconnu dans le monde, surtout pour moi étant donné mon parcours. Je me souviens de mon premier jour à l’entraînement puisque c’est Frank Lampard qui a été le premier à m’accueillir. Là-aussi c’est un beau signe du destin puisque c’était mon joueur "console", celui que j’adorais prendre sur PES6 (NDLR : un jeu vidéo sorti en 2006). Quelques semaines après mon arrivée, je lui ai raconté cette anecdote et lui ai dit qu’il était encore meilleur en vrai qu’en jeu vidéo (rires).
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Maxime Chanot prie avant un match du New York FC contre l'Impact Montréal en MLS, le 18 mars 2017

Crédit: Getty Images

Qu’avez-vous appris de ces trois joueurs lors de leur passage au New York City FC ?
M.C. : J’ai été impressionné par leur humilité. Ils étaient clairement au-dessus du reste de l’équipe mais ne le montraient jamais. Au contraire, ce sont eux qui portaient les ballons et les plots, et ils étaient les premiers arrivés et les derniers partis à l’entraînement. Je me souviens en particulier d’un match face à Orlando où il faisait extrêmement chaud, et j’avais raté toutes mes passes à Frank Lampard. Je me suis excusé auprès de lui à la mi-temps, et il m’a répondu que c’était de sa faute car il aurait dû mieux contrôler mes ballons. Ça vous place l’état d’esprit et la mentalité du bonhomme. Si je suis le joueur que je suis aujourd’hui, c’est en partie grâce à lui.
Le New York City FC a changé de stratégie après le départ de ses stars européennes, en recrutant des plus jeunes joueurs à fort potentiel, surtout en provenance d’Amérique du Sud. Comment l’expliquez-vous ?
M.C. : Il ne s’agit pas uniquement de New York mais de la stratégie de la MLS en général. Avant, l’objectif était de faire connaître la ligue et rien de mieux pour ça que de faire signer des joueurs à l’aura mondiale. Le changement a commencé avec Atlanta, qui a gagné le championnat en 2018 avec beaucoup de jeunes joueurs sud-américains. Aujourd’hui, les clubs investissent sur leurs centres de formation et sur des joueurs jeunes qu’ils pourront revendre par la suite.
Cette stratégie semble fonctionner, en tout cas à New York, puisque vous avez décroché votre premier titre national le 11 décembre grâce à votre victoire en finale des play-offs face à Portland (1-1 puis 4-2 aux penalties).
M.C. : Le niveau de l’équipe et de la ligue sont devenus beaucoup plus homogènes. À New York, je dirais qu’il y avait un tiers de très bons joueurs pour deux tiers de moyens quand je suis arrivé, alors qu’aujourd’hui c’est très fort sur toutes les lignes. Vous savez, j’ai joué beaucoup de matches internationaux avec le Luxembourg (NDLR : Maxime Chanot possède la double nationalité franco-luxembourgeoise grâce à sa mère) contre des équipes comme le Portugal, l’Irlande ou la Norvège, et je ne vois pas vraiment d’écart de niveau avec la MLS. La ligue américaine est supérieure au championnat belge, et je suis persuadé que trois quarts de nos équipes joueraient le milieu de tableau en Ligue 1.
Le New York City FC est la première équipe de sport de la Big Apple à avoir décroché un titre national depuis dix ans. Vous avez été fêtés comme des héros à votre retour de Portland, en étant notamment invités par le maire Bill de Blasio à une cérémonie en présence de vos supporters. Il s’agit d’une fierté supplémentaire pour vous, j’imagine ?
M.C. : J’ai été surpris de l’engouement suscité par notre victoire, car le foot n’est pas encore un sport majeur à New York. Le maire nous a remis les clés de la ville, l’équivalent de la légion d’honneur, les tours de Manhattan ont été illuminées à nos couleurs et nous avons même reçu des félicitations de la part de personnalités politiques comme Bill, Hillary Clinton et le président lui-même, Joe Biden, qui nous invite également à la Maison-Blanche en mars prochain. C’est dément !
C’est également une belle revanche pour vous, un peu plus de 10 ans après avoir voulu arrêter votre carrière.
M.C. : J’ai connu beaucoup, beaucoup de difficultés dans ma carrière, et aujourd’hui je fête un titre dans la plus grande ville du monde. On ne m’enlèvera pas cette victoire, on ne m’enlèvera pas ma bague de champion et on ne m’enlèvera pas le fait que je vais rencontrer le président des États-Unis. Mon parcours est la preuve que le Seigneur est grand et qu’il faut toujours y croire dans la vie.
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