Thiago Silva, Varane, Terry, Sergio Ramos : Où sont passés les grands défenseurs centraux ?

Tout ce qui est rare est cher. Or un excellent défenseur central, de nos jours, c'est très rare donc… très cher. Le PSG et Manchester City, deux clubs dont la puissance financière leur a permis de trouver leur bonheur cet été à ce poste, ont laissé quelques plumes dans la transaction. David Luiz est parti de Chelsea contre 50 millions d'euros, Eliaquim Mangala, 12 matches de Ligue des champions et 2 sélections au compteur, est devenu le défenseur central le plus cher de l'histoire (53,8 millions d'euros). Pourquoi une telle inflation du prix du défenseur central ? Comment expliquer que le Barça ait lâché 22 millions d'euros pour un Jérémy Mathieu (30 ans !) qu'il aura bien du mal à revendre à de telles hauteurs ?

La réponse est simple : le défenseur central est devenu le poste faible du foot mondial qui en manque cruellement. Fatalement, les rares très bons spécialistes du poste partent à des sommes qui ne correspondent plus tellement aux prix du marché. "Cela fait 22 ans que je travaille dans le recrutement, je n'ai jamais vu ça", nous a confié Damien Comolli, ancien directeur sportif de Liverpool, Tottenham ou Saint-Etienne. "Les clubs doivent faire face à un énorme trou générationnel depuis près de cinq ans. Voilà pourquoi Sakho, auquel il ne restait qu'un an de contrat, et Lovren, qui ne jouait même pas à Lyon avant de rejoindre Southampton, ont coûté 22 et 25 millions d'euros à Liverpool. La rareté du défenseur central fait gonfler son prix de manière artificielle."

Et voilà pourquoi le Barça cherche depuis près de trois ans à muscler son axe défensif en vain. Même problème pour Arsenal, contraint de recruter un milieu défensif de formation (Chambers) ou Manchester United qui n'a eu aucun mal pour se construire une attaque de All-Stars (Mata, Di Maria, Van Persie, Rooney, Falcao) mais qui doit faire confiance à trois jeunes du cru pour protéger son but (Jones, Smalling, Evans).

Les anciennes références du poste sont vieillissantes. Nemanja Vidic, Rio Ferdinand, John Terry, Ricardo Carvalho et Carles Puyol ont largement dépassé la trentaine et leurs vertes années sont derrière eux. La génération suivante menée par Sergio Ramos (28 ans) et Thiago Silva (30 ans) semble un brin moins fournie en grands talents. Depuis le Ballon d'Or de Fabio Cannavaro en 2006, un seul défenseur central s'est hissé dans le top 10 du classement en 7 éditions (Piqué, 10e en 2011).

Mais il ne s'agit pas ici que de la crème de la crème. Toutes les divisions sont touchées. La Ligue 1 doit, elle aussi, faire face à la pénurie : "On manque de défenseurs centraux de haut niveau", observe Gérard Bonneau, responsable de la cellule de recrutement des jeunes à Lyon. "On a un vrai problème à ce poste. Les grands clubs, ceux de Ligue 1 ou chez les jeunes : tout le monde cherche des défenseurs centraux mais personne n'en trouve."

Cette disette touche toutes les strates du football professionnel. Damien Comolli renchérit : "La relève n'est pas prête. Ce poste est en constante évolution, on en demande de plus en plus aux centraux notamment dans la relance et, selon moi, la formation est en retard par rapport à l'évolution du poste." "Quand on voit que l'OM est obligé de faire jouer Morel dans l'axe ou quand on observe les prestations de la charnière lyonnaise, il y a de quoi se poser des questions", nous souffle un agent sous couvert d'anonymat.

Directeur du centre de formation du Stade Rennais depuis 1987, Patrick Rampillon esquisse un début d'explication. "Depuis 5 ans, on privilégie le modèle espagnol, un foot collectif et intelligent joué par des petits gabarits. C'est de plus en plus difficile de recruter un bon défenseur central." La pénurie au plus haut niveau s'explique aussi par celles qui touchent les équipes de jeunes. A quelques exceptions près (Umtiti, Varane, Zouma, Nastasic), ce trou générationnel pourrait s'étendre sur quelques années encore. Le PSG (David Luiz, Thiago Silva, Marquinhos) et le Real (Ramos, Pepe, Varane) bénéficient, en revanche, d'une abondance de biens dans le secteur. C'est un trésor inestimable par les temps qui courent. A eux de le chérir précieusement.