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Liverpool et Everton avaient des rêves d'ascension, mais la pente est plus raide que prévu

Philippe Auclair

Mis à jour 26/09/2014 à 19:09 GMT+2

Le derby de Mersey oppose samedi deux équipes qui n'ont pas digéré leur dernière saison, réussie à bien des égards. Liverpool et Everton peinent à repartir, malgré le travail de Brendan Rodgers et Roberto Martinez. Philippe Auclair s'est penché sur le cas des Reds et des Toffees.

Gerrard et Pienaar discutent, Barry les observe

Crédit: Eurosport

Quand on voulait un grand bol d’air frais l’an dernier, il suffisait de s’acheter un ticket pour Lime Street, puis de se diriger vers Anfield ou Goodison Park, et d’ouvrir grand les poumons, et les yeux. Liverpool et Everton offraient un jeu que les autres nous promettaient sans nécessairement rester fidèles à leurs paroles. Avec Rodgers et Martinez, spectacle garanti, et victoires à la clé. Record de buts en Premiership pour le premier, record de points pour le second. Liverpool était en passe de redevenir la capitale du football anglais.
Quelques mois plus tard, les nuages sont plus bas, et le ciel de la Mersey a la couleur du plomb. Liverpool a essuyé trois défaites en cinq matches, ce qui, auparavant, ne leur était arrivé que deux fois depuis 1959, tandis que la défense d’Everton a encaissé quinze buts dans le même temps. Comparez ces bilans avec ceux de l’an dernier, au terme de la cinquième journée. Les Reds comptaient alors trois victoires - dont un succès 1-0 sur Manchester United - pour un nul et une défaite, contre Southampton. Les Toffees, invaincus, et déjà vainqueurs 1-0 de Chelsea, n’avaient vu Tim Howard être battu que quatre fois. Les premiers pointaient à la cinquième place, les seconds à la sixième, et n’étaient respectivement séparés du leader Arsenal que par deux et trois points. Aujourd’hui, les deux clubs de la Mersey se retrouvent dans la mauvaise moitié du tableau, ayant bien du mal à assumer ce qui semblait devoir être un nouveau statut.

La Coupe d'Europe, pompeuse d'énergie

Une explication possible (et valide à mes yeux, même si seulement partielle) est que le superbe parcours des deux clubs en Premier League la saison passée devait beaucoup à leur absence de toute compétition européenne. Les statistiques montrent sans contestation possible que les équipes anglaises engagées en Ligue des Champions et en Ligue Europa connaissent de grosses difficultés lorsqu’il leur faut enchaîner un rendez-vous européen (particulièrement en déplacement) et un match de Premier League en l’espace de trois ou quatre jours. Si je précise "anglaises", au passage, c’est pour deux raisons. La première est que la Premiership est une compétition plus compacte en termes de qualité - ce qui ne signifie pas "meilleure dans l’absolu", dois-je préciser – et plus intense dans la confrontation physique que quelque autre grand championnat; la seconde est que ses organisateurs se refusent à donner quelque passe-droit à ceux de ses clubs qui participent aux tournois de l’UEFA, en leur permettant par exemple de jouer le vendredi soir plutôt que le week-end avant une semaine européenne. Lancez Arsène Wenger sur le sujet, il devient intarissable.
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Everton vs Liverpool

Crédit: Imago

Si le principe est louable du point de vue de l’équité sportive (pourquoi les concurrents du Bayern, de Dortmund, de la Juve, de la Roma, de Monaco ou du PSG devraient-ils accepter qu’on fasse des fleurs à ces clubs dans leurs ligues respectives comme c’est le cas aujourd’hui?), il a aussi pour conséquence d’émousser les ressources physiques des joueurs appelés à être présents sur les deux tableaux, trois en comptant la Coupe de la League. D’où un effet de feedback ou de "larsen" pour ces clubs. Les managers anticipent, font appel à un turnover plus conséquent que lorsqu’ils ne doivent se concentrer que sur un seul tournoi. C’est on ne peut plus logique et raisonnable, mais cela affecte également la continuité technique des performances. Etudiant la composition des équipes envoyées sur le terrain par Rodgers et Martinez lors du premier mois et demi de la saison en 2013-14 et 2014-15, on peut voir que, laissant de côté blessures et suspensions (on se souvient de celle de Luis Suarez), l’un comme l’autre ont dû faire appel à un groupe plus élargi lors des cinq premières journées de Premier League, de 10% en moyenne. C’est loin d’être idéal, surtout en ce qui concerne les Toffees, qui n’ont pas l’effectif le plus dense des sept clubs théoriquement en lice pour une place en Europe.
Rodgers a d’ailleurs reconnu que quelque chose était "un peu brisé" (sic) dans le jeu de son équipe. "Notre football était basé sur une haute intensité", a-t-il dit ce jeudi. "Nous nous en sommes éloignés, mis à part le match contre Tottenham", remporté 3-0 par les Reds le 31 août. La vente de Luis Suarez au FC Barcelone a été un paramètre, a-t-il reconnu à mots couverts. Comment pourrait-il en être autrement? Mais Liverpool avait dû faire sans Suarez l’an dernier en début de saison, et s’en était fort bien tiré, avec un peu de réussite il est vrai (si Mignolet ne stoppe pas un penalty à la 88e minute contre Stoke le premier jour de la saison, à quoi celle-ci aurait-elle ressemblé?). Ses buts, ses passes décisives et son extraordinaire abattage en premier rideau manqueraient à n’importe quelle équipe; le nœud du problème n’est pas pour autant nécessairement là. "Nous avons intégré une vague de nouveaux joueurs", a-t-il dit. "D’évidence, c’est un facteur"’. Certes. Neuf recrues sont arrivées à Melwood. Liverpool serait-il victime du "syndrome de Tottenham", quand un nombre comparable de joueurs avaient débarqué après la vente de Gareth Bale au Real Madrid? Ou ne serait-ce pas la preuve que Rodgers, tout talentueux qu’il soit, n’est pas encore un faiseur de miracles?

Everton en transition

Je penche pour la seconde hypothèse. Le Nord-Irlandais a une confiance absolue dans ses capacités et le laisse transparaître un peu trop facilement. L’an dernier, il avait prouvé qu’il était capable de se remettre en question, de s’écarter du dogmatisme (éclairé) qui lui avait réussi à Swansea. Liverpool avait grandi, enthousiasmé. Et le football anglais peut lui être reconnaissant de sa gestion de Raheem Sterling, qui aurait pu suivre le même chemin que Ravel Morrison sans un guide moins compréhensif. Cela n’empêche pas Rodgers lui aussi d’avoir à mûrir. Son expérience du très haut niveau demeure limitée à quoi, en fait, deux saisons. C’est une chose que de prolonger le travail de Roberto Martinez au Liberty Stadium, c’en est une autre de veiller sur un quintuple champion d’Europe qui vient de retrouver la compétition dans laquelle il a bâti sa légende, et dont le public attend tant de ces retrouvailles.
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Liverpool manager Brendan Rodgers (L) shakes hands with Mario Balotelli (Reuters)

Crédit: Reuters

Martinez, lui, a d’autres sujets de préoccupation. Humble de nature, pas par calcul ou affectation, il sait bien que 2014-15 sera une campagne de transition, et l’a admis sans se faire prier. Everton entend d’abord camper sur sa position. Lukaku, Barkley et Barry ont accepté de s’engager sur la durée, quand cela n’était en rien acquis en juin dernier. Une case de cochée. Mais beaucoup d’autres restent vierges. Martinez jouera la Ligue Europa à fond, et ce n’est pas un premier succès 4-1 sur Wolfsburg qui le fera changer d’avis. Sa défense, dont le personnel n’a pas changé, donne des motifs d’inquiétude aux supporters des Toffees. Martinez, là encore, est le premier à l’admettre, avec ce réalisme teinté d’optimisme qui est sa marque de fabrique, et dont il ne se départit pas quand Wigan descendit en Championship. Everton est entre de bonnes mains, c’est une certitude. Ce qui l’est aussi, c’est qu’il y a un an, ce derby de la Mersey avait une autre saveur. Nous avions deux clubs engagés dans une phase d’ascension, et la question était de savoir qui monterait le plus haut. Ce samedi, on craint pour celui qui tombera.
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