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Van Gaal n'est pas un mauvais entraîneur mais il n'est plus celui qu'il faut à Manchester United

Philippe Auclair

Publié 20/05/2016 à 18:57 GMT+2

FA CUP - La finale de la FA Cup entre Crystal Palace et Manchester United ce samedi (18h30) pourrait être le dernier match de Louis van Gaal comme entraîneur de Manchester United. Si le bilan semble globalement négatif, les torts sont sûrement partagés. Alors que retenir du mariage van Gaal-Manchester ?

Louis van Gaal

Crédit: AFP

"Que c’est triste, Orly le dimanche", chantait Brel. Et que c’est triste, un stade à moitié vide et à peu près muet, comme celui dans lequel Manchester United a mis fin à sa saison ce mardi, signant une victoire 3-1 sur Bournemouth qui ne changeait rien à rien : c’est le jeudi soir que les Red Devils joueront en Europe. Le théâtre des rêves ? C’était plutôt comme une pièce d’Harold Pinter, dans laquelle les silences disent encore plus que les mots. Cinquième du championnat à quinze points de Leicester City, en n’ayant marqué qu’un but de plus que Sunderland, premier non-relégable, évacué de la Ligue des Champions dès la phase de groupe, et quel groupe ! (*), éjecté de la Ligue Europa par l’ennemi Liverpool, United finit dans la médiocrité une saison qui devait être celle du redressement.
Même une victoire en finale de FA Cup contre Crystal Palace, samedi prochain, ne procurerait qu’un soulagement passager. A écouter beaucoup de fans des Mancuniens, le vrai soulagement ne serait pas un trophée de plus, mais l’assurance de voir leur manager actuel dire tjuss, en flamand dans le texte, un an avant la fin de son contrat, laissant la voie libre à José Mourinho ou à quiconque a l’heure de ne pas être Louis van Gaal. Oui, nous en sommes arrivés là.
Des huées ont accueilli le discours de fin de saison du Néerlandais. Qu’on était loin des vagues d’amour qui déferlaient des tribunes lorsque Sir Alex Ferguson avait dit adieu au club qu’il avait réinventé, il y a trois ans de cela. Trois ans seulement ! Il quittait un champion d’Angleterre. Reviendrait-il aujourd’hui, il trouverait un grand corps malade. Soixante-six points, c’est une misère ; c’est seulement deux de plus que le total qui avait valu à David Moyes de recevoir son ordre de marche, alors qu’il avait au moins eu le mérite d’aller jusqu’en quarts de finale de la Ligue des Champions avec un effectif qui avouait son âge à chaque match, et n’avait certainement pas reçu la transfusion de sang neuf dont bénéficia - non, aurait dû bénéficier - celui assemblé par van Gaal à un coût de presque 300 millions d’euros en l’espace de deux ans. Soixante-six points, c’est aussi quatre de moins qu’en 2014-15. C’est une honte.
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Schattenmann: Louis van Gaal von Manchester United

Crédit: Imago

Mata et Herrera en ont payé le prix

Et encore - si United avait failli en prenant des risques, ses supporters lui auraient pardonné bien des errances. On avait cru, et je n’étais pas des derniers à le croire, que van Gaal avait enfin compris ce que c’était que Manchester United à la fin de la saison passée, lorsque son équipe avait proposé du jeu, lorsque Juan Mata et Ander Herrera, en particulier, avaient fait naître l’espoir de retrouver la fluidité et l’allant d’antan. Au lieu de quoi, les deux créateurs espagnols se sont retrouvés sur la périphérie de l’équipe, qu’ils jouent ou pas, et en ont payé le prix en étant laissés de côté dans la liste des vingt-trois, que dis-je, des vingt-cinq de la Roja pour l’Euro, dans laquelle ils avaient tout autant leur place que, au hasard, Bruno, Pedro et Cesc Fabregas.
Van Gaal porte plus qu’une part de responsabilité dans cette gabegie. L’intransigeance, poussée à cet extrême, devient une infirmité. Il n’a pas été aidé par les carences de l’homme qui était censé renforcer cette équipe, Ed Woodward, qui ressemble à un hobbit sans avoir le bon sens de Sam ou de Bilbo. Woodward, pour mémoire, est celui qui avait insisté pour surpayer l’acquisition d’Angel Di Maria à seule fin de garantir que Manchester United serait au moins au sommet d’un classement : celui des transferts les plus chers de l’histoire du football anglais. Or c’est le même Woodward qui avait engagé sa crédibilité en se faisant le champion du Hollandais lorsque la décision fut prise par le clan Glazer de se séparer de David Moyes. Ceci explique les atermoiements actuels avec, d’un côté, un club enclin à aller jusqu’au bout du contrat de van Gaal, ne serait-ce que pour que Woodward ne perde pas la face en interne, et, de l’autre, le clan Mourinho, à l’affût auprès du futur cadavre et de plus en plus impatient, au point de faire fuiter les "informations" les plus fantaisistes auprès de journalistes acquis à sa cause (*).
Imaginez que van Gaal demeure in situ. Qu’y aurait-il de différent dans ce que United pourrait proposer sur le terrain ? Ne pas soupirer.
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Manchester United's French striker Anthony Martial (C) reacts as he leaves the pitch

Crédit: AFP

Les jeunes, sa seule réussite

Van Gaal, quand il partira, laissera pourtant une trace plus profonde dans l’histoire de Manchester United que les rides qui sillonnent les fronts des supporters. Sans lui, il est douteux que des joueurs comme Lingard, Fosu-Mensah, Rashford et Martial auraient pu s’exprimer comme ils l’ont fait cette saison, au point de devenir des chouchous d’Old Trafford. Faire confiance aux jeunes (parfois trop, au risque d’épuiser la matière première) est depuis longtemps l’un des traits particuliers de l’entraîneur qui a lancé Kluivert, Xavi, Iniesta, Müller et Schweinsteiger dans le grand bain quand ils savaient tout juste nager. Les critiques diront que c’est parce que "plus jeune" signifie "plus malléable", les autres que van Gaal a eu le mérite de montrer bien plus de courage dans ses choix de joueurs qu’il n’en montre dans l’organisation tactique de ses équipes, et que tous ses clubs en ont bénéficié.
Martial serait-il aujourd’hui un presque-titulaire en équipe de France sans lui ? On peut en douter. Rashford aurait-il été inclus dans la liste provisoire de Roy Hodgson pour l’Euro ? Jamais de la vie. Têtu comme une mule, van Gaal l’est, et prudent jusqu’au vice, sauf quand il s’agit d’ajouter une inconnue à son équation. Il a alors des intuitions, des fulgurances, même.
Ce n’est pas parce qu’il a passé la frontière britannique, et celle des soixante ans, que van Gaal est soudain devenu un mauvais entraîneur, ce qu’il n’a jamais été. Peut-être que ce dont United a besoin aujourd’hui n’est pas un nouveau manager, mais une nouvelle direction. A tous les sens du terme.
  • (*) PSV, Wolfsburg et le CSKA Moscou étaient les compagnons de MU dans leur poule.
  • (*) La plus ridicule de ces "informations" étant que MU serait obligé de payer 15 millions d'euros (voire 20 !) si le club ne donnait pas suite à sa promesse d’engager le chômeur le mieux payé de la planète cet été.
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