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Avant West-Ham - MU : C'était Boleyn Ground...

Bruno Constant

Mis à jour 02/01/2017 à 12:26 GMT+1

Ce lundi, au London Stadium, West Ham accueille Manchester United lors de la20e journée. West Ham-MU, ce fut aussi la toute dernière affiche jouée au printemps dernier au Boleyn Ground, son stade mythique à Upton Park, où le club londonien a abandonné son histoire et son âme. "This is Anfield", dit-on à Liverpool. "This was Boleyn Ground", pleurent les Hammers. Oui, c'était Boleyn Ground.

Boleyn Ground, où l'âme de West Ham est restée

Crédit: Panoramic

Si vous vous rendez au match entre West Ham et Manchester United, ce lundi au stade olympique de Londres - rebaptisé le London Stadium dans sa fonction "football" -, vous arriverez sans doute par la station de métro de Stratford où se rejoignent la Central Line (rouge), la Jubilee Line (grise) et l'Overground (orange). Si vous parvenez à trouver votre chemin - bon courage ! -, il vous fera traverser l'immense centre commercial de Westfield - un peu comme le passage obligé au duty free quand on quitte l'aéroport, clin d'oeil au foot business, sans doute - avant d'entrer dans le parc olympique.
Un outil formidable pour les locaux qui ont accès aux installations sportives (piscine olympique, salle de sports). Mais un village fantôme d'une froideur extrême, sans âme ni histoire, ou presque. Bref, tout le contraire d'Upton Park, le quartier où siégeait les Hammers souvent référé à leur stade, de son vrai nom le Boleyn Ground. Vestige d'un autre temps pas si lointain qui s'est refermé après 112 ans d'histoire à l'occasion du dernier match de West Ham là-bas, face à... Manchester United (3-2).
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Les extérieurs du Boleyn Ground témoignent de la vétusté du stade. Mais ce 10 mai 2016, un fan a tagué "Longue vie au Boleyn", symbole de l'attachement des Hammers à leur emblématique enceinte.

Crédit: AFP

La disparition d'un autre temple, après Highbury et Maine Road

C'était un jour de mai (le 10) dont la douceur vous réconcilie avec la vie londonienne après un long et pénible hiver. Une journée bercée par l'excitation d'assister au farewell (adieu) à un stade vétuste mais emblématique avec ses quatre tribunes. Une soirée remplie d'émotion et de tristesse à l'idée de voir disparaître un autre temple du football britannique, après Highbury et Maine Road. Coincé entre le poids de son passé et la nécessité de se tourner vers l'avenir. Pour mieux résister à la concurrence de plus en plus féroce en Premier League, il fallait un stade plus grand, plus moderne et plus rentable. Mais un stade sans âme, à l'image de ceux dont les supporters se moquaient.
On vous mentirait en vous disant qu'on se rendait toujours avec plaisir à Upton Park, quartier triste et pas très accueillant. Mais l'idée d'assister au dernier match dans cet écrin si représentatif des stades à l'anglaise rendait le pèlerinage initiatique, les nombreux escaliers qui mènent aux tribunes charmants, ses étroits pupitres à bascule atypiques. Il valait mieux ne pas arriver en retard à Boleyn Ground au risque de vous attirer les foudres de toute une rangée obligée de se lever en rang d'oignons pour vous laisser passer. A moins de se donner deux bonnes heures avant le coup d'envoi et autant après le coup sifflet final, la station ressemblait à un premier jour de soldes sur Oxford Street devant les portes de Selfridges.
Depuis le centre de la capitale, prenez l’une des deux lignes de métro qui filent vers l’East London, la District Line ou la Hammersmith & City Line. Ne vous arrêtez pas à West Ham, mais deux stations plus loin. Vous y êtes. Welcome to Upton Park. Un quartier populaire qui n’a rien de très accueillant avec ses maisons de briques rouges tristes et délabrées, collées les unes aux autres, où vivent toujours deux nonnes : les Sœurs Patricia et Immaculata. Depuis leur fenêtre qui donne directement sur les grilles du stade, elles voyaient se croiser deux populations étrangères.
D’un côté, la communauté indo-pakistanaise de Green Street, rebaptisée "Little India Street" à cause de ses nombreux magasins et restaurants qui bordent la rue. De l’autre, les supporters de West Ham débarquant à pied depuis Plaistow où ils s’échauffaient la voix et le gosier dans leurs pubs attitrés, à l’abri des regards, avec parmi eux certains anciens membres de l’Inter City Firm, le groupe de hooligans le plus tristement célèbre d’Angleterre qui a sévi dans les années 70 à 90 et inspiré plusieurs films dont Hooligans.
J'avais assisté à West Ham - Millwall de League Cup en 2009 et ce n'était pas beau à voir... Mais c’est dans ce cadre que West Ham tentait, comme Aston Villa ou Nottingham Forest, de recouvrer un passé plus glorieux : trois Cup (1964, 1975, 1980), une Coupe des vainqueurs de coupe (1965) mais aucun titre. Un club de milieu de tableau, dont le meilleur classement est une troisième place dans l'élite (1986) et où beaucoup de Français se sont échoués (Piquionne, Faubert, Alou Diarra…). Mais où Dimitri Payet a définitivement pris son envol.

Une église orpheline et un Social club à l'abandon

Une fois à la sortie de la station, tournez à droite sur Green Street, longez les restaurants et commerces indiens, pakistanais et philippins, passez devant les grilles du stade. A l'angle de Castle street se dresse toujours l'église, Our Lady Of Compassion Church, qui avait vendu le terrain au club pour bâtir son stade en 1904 et avec laquelle West Ham entretenait un lien étroit.
Durant ses 48 ans de service, jusqu'à sa mort en 2015, le Père Denis Hall a vu défiler les joueurs venus assister à la messe du dimanche et prier pour une victoire ou une saison sans blessure. Dans la rue située derrière, qui mène à la tribune Sir Bobby Moore, se trouve encore le Hammers Social Club. Laissé à l'abandon depuis le déménagement à Stratford, celui-ci, qui n'a recueilli que 21 £ le jour du premier match de la saison au London Stadium contre 15 000 £ lors du dernier à Boleyn Ground, risque de devoir fermer ses portes.
Un peu plus loin, à l'angle de Barking Road, on trouve The Boleyn, un pub bondé les jours de home game et où il fallait montrer patte blanche pour entrer. Mais presque désert aujourd'hui. C’est là, devant les portes, que Philippe vendait le fanzine du club depuis trente-six ans. "Je ne sais pas ce que je ferais une fois le déménagement, m'avait-il dit. Mais pas question d'aller à Stratford." Les supporters avaient l'habitude d'acheter la meilleure pie de l'East End chez Nathan's avant d'aller se masser au pied de la statue des "champions" : Bobby Moore, Geoffrey Hurst et Martin Peters, les trois légendes de West Ham, vainqueurs de la Coupe du monde 1966 avec l’Angleterre, épaulés par Ray Wilson.
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Les supporters de West Ham passant devant le pub "The Boleyn", le 10 mai 2016, en se rendant à Boleyn Ground.

Crédit: AFP

"Block 134, row 8, seat 77"

C'est à cette intersection que le bus mancunien, bloqué au coeur de la foule venue profiter des dernières heures du Boleyn Ground, avait été "caillassé". Les season ticket holders - les abonnés - étaient venus bien plus tôt que d'habitude accompagnés d'un ou plusieurs membres de la famille - père, fils, cousin - pour immortaliser ces adieux.
Tous se remémoraient les plus beaux souvenirs, les plus beaux buts, les anecdotes. Les années 50 et ses spectateurs nichés sur les toits des tribunes, le retour des héros lors du premier match de la saison post Coupe du monde 66 face à Chelsea, les caprices de Paolo Di Canio, assis sur la pelouse, les buts de Carlos Tévez qui avaient assuré le sauvetage du club en 2007. Chacun ses héros. Ils échangeaient leurs emplacements comme on déclinerait son identité : "block 134, row 8, seat 77".
Ils n'étaient pas d'accord sur le déménagement. Les uns rêvaient de Ligue des Champions avec Payet, les autres regrettaient déjà la perte d'âme du club craignant de devenir comme City ou Arsenal. Mais ils étaient tous émus aux larmes.
L'hymne du club - "I'm forever blowing bubbles" - s'était élevé des tribunes parées de ses couleurs, les claret and blue. Les Frenchies - Payet (deux passes décisives) et Martial (doublé) - avaient donné à la rencontre un scénario d'anthologie (1-0, 1-2 puis 3-2). Les légendes du club avaient débarqué sur la pelouse en black cab - ces taxis typiquement londoniens - et un immense feu d'artifices avait offert plus de couleurs que le quartier n'en avait jamais vues. Une page s'était tournée. Celle du Boleyn Ground et de son quartier d'Upton Park où le coeur des Hammers s'est arrêté de battre.
Adieu Boleyn Ground
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