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Premier League : Alexis Sanchez - Arsenal, un mariage inabouti

Bruno Constant

Mis à jour 25/01/2018 à 05:53 GMT+1

PREMIER LEAGUE - A Manchester United, l’attaquant chilien tentera de réaliser ce qu’il n’a pas réussi à Arsenal : laisser une trace dans l’histoire du club. En lui confiant le célèbre numéro "7", les Red Devils lui en donnent l’occasion.

Alexis Sanchez (Arsenal) le 28 octobre 2017.

Crédit: Getty Images

"Ladies and gentlemen, please take your seats…" Pour l’officialisation de sa nouvelle recrue, le club le plus riche du monde a fait les choses en grand. Un spot TV de 36 secondes vu près de six millions de fois en moins de vingt-quatre heures. On y voit Alexis Sanchez jouer du piano, pénétrer dans le tunnel avant de découvrir Old Trafford, le nouveau théâtre de ses rêves.
Et notamment celui, depuis tout petit, de porter un jour le maillot des Red Devils, comme il l’a confié et qui, au passage, met fin aux débats sur son choix "financier" de rejoindre United plutôt que City. On y voit également l’attaquant chilien enfiler sa nouvelle tunique, floquée du célèbre numéro "7". Celui des légendes de United : George Best, Eric Cantona, David Beckham, Cristiano Ronaldo. Tous ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du club mancunien.
Pendant longtemps, la responsabilité de désigner le nouveau titulaire du numéro "7" incombait à Alex Ferguson. La succession était le plus souvent immédiate et choisie : Cantona après (Bryan) Robson, Beckham après Cantona, Ronaldo après Beckham. Outre Cantona, un autre Français aurait pu porter le célèbre "seven" : Frank Ribéry. En février 2006, Ferguson était allé observer le joueur lors d’un match de Coupe UEFA entre Bolton et Marseille dans la banlieue de Manchester avant d’affirmer après seulement 45 minutes que joueur était "not good enough".
Après le départ de Ronaldo en 2009, le nom de Ribéry a figuré une nouvelle fois sur les tablettes du club mancunien. Le Français, alors au Bayern Munich, avait la gueule de l’emploi et tout pour devenir une légende à United. Mais on dit que la femme du joueur ne souhaitait pas quitter la Bavière pour la grisaille de Manchester et les dirigeants mancuniens ont finalement opté pour Valencia.

Ronaldo était pétrifié de porter le numéro 7

Depuis le dernier match de Ronaldo en 2009, aucun de ses successeurs n’a réellement étiré la légende du numéro sept. Si Valencia a réalisé une belle carrière à MU qu’il étend aujourd’hui au poste de latéral droit, on ne peut pas en dire autant de Michael Owen avant lui, malgré son but victorieux dans l’un des Manchester Derbies des plus épiques (4-3 en 2009).
Le poids était sans doute trop lourd à porter pour Memphis Depay, dont le numéro résume à lui seul le nombre de buts qu’il a marqué en dix-huit mois, tandis que le passage d’Angel Di Maria a été un échec cuisant. Depuis, le fameux jersey est resté dans l’armoire à souvenirs en attendant son nouveau locataire, celui qui deviendrait la nouvelle coqueluche d’Old Trafford.
Car, qu’ils l’admettent ou pas, le numéro "7" représente une responsabilité et une pression supplémentaire sur les épaules de celui qui le porte. Cantona dit ne pas avoir réalisé tout de suite l’importance de ce numéro avant de le porter avec honneur. Beckham le voyait comme une inspiration.
Ronaldo, lui, était pétrifié. Arrivé en 2009, Valencia a, par exemple, redonné le "7" qu’il s’était vu confier en 2012 après seulement une saison pour reprendre son ancien (25). "Le numéro 7 est spécial à Manchester United. Il l’a toujours été et le sera toujours", affirme Beckham. Alexis tentera d’imiter ces derniers : laisser son empreinte dans l’histoire du club mancunien, ce qu’il n’a pas réussi à faire à Arsenal.
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Eric Cantona félicité par Alex Ferguson en 1996 alors que United vient de battre Chelsea en demi-finale de la Cup, à Villa Park (2-1).

Crédit: Getty Images

80 buts en 169 matches à Arsenal mais rien d’autre

Au-delà du fracas de son départ auprès des supporters en plaquant Arsenal en beau milieu de la saison pour rejoindre un rival, on peut se poser la question de la trace que laissera l’attaquant chilien au sein du club londonien. Avec 80 buts et 42 passes décisives en 169 matches sous le maillot des Gunners, le bilan individuel de ses trois saisons et demie est exceptionnel. Néanmoins, l’apport d’Alexis au collectif n’a pas totalement répondu à l’excitation et aux espoirs suscités par sa signature en 2014.
Avec deux Cup et deux Community Shield, on est loin du compte. Il n’est certainement pas le premier responsable mais il a aussi sa part. Sa relation privilégiée et systématique avec Mesut Özil a parfois nourri la frustration de son avant-centre (Giroud comme Lacazette). Il avait parfois tendance à ralentir le jeu de son équipe et jouer un peu trop la carte individuelle. Mais, à défaut de porter le collectif, le Chilien donnait une autre dimension à sa formation lorsque celle-ci était décidée à emboiter le pas (de charge) de son plus beau (et rare) guerrier. En perdant Alexis, Arsenal a perdu son meilleur joueur, son meilleur buteur et un modèle de combativité sur lequel ses coéquipiers auraient dû prendre exemple plutôt que le stigmatiser et le laisser s’isoler.
Alexis n’était ni Patrick Vieira ni Thierry Henry mais une pièce importante d’un puzzle inabouti et qui a fini, comme beaucoup de supporters d’Arsenal, frustré par le manque de résultats de son équipe. Le tournant de son départ a pris naissance le 15 février 2017 sur la pelouse du Bayern Munich où les Gunners venaient subir une nouvelle désillusion sur la scène européenne (1-5). Ce jour-là, Alexis a compris qu’Arsenal ne lui permettrait pas d’atteindre ses objectifs. Alors qu’il avait donné son accord verbal pour prolonger son contrat, le Chilien a changé d’avis. Les tensions sont alors devenues de plus en plus régulières au sein du vestiaire jusqu’au divorce.

Comme Van Persie, en 2012

L’épisode Alexis rappelle un peu celui de Robin Van Persie et renvoie Arsenal cinq ans et demi en arrière. Au cœur du mois d’août 2012, après de longues discussions, le club londonien avait fini par s’avouer vaincu et céder son joyau (pour seulement 28 M€) à l’un de ses plus grands rivaux : Manchester United. Lassé par le manque de résultat du club londonien et en position de force à un an de la fin de son contrat, le joueur avait fini par forcer la porte de sortie et confirmer le recul d’Arsenal dans la hiérarchie anglaise.
L’attaquant batave, qui sortait de deux saisons fantastiques, était non seulement le meilleur joueur du club, son meilleur buteur mais aussi et surtout son capitaine. Tout un symbole et un constat d’échec énorme pour les dirigeants londoniens et en particulier Arsène Wenger qui a longtemps cru pouvoir convaincre le joueur de rester.
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Robin van Persie avec le maillot d'Arsenal en 2011.

Crédit: AFP

Le départ de "RVP" avait été plus dur à avaler encore neuf mois plus tard lorsque celui-ci avait contribué au vingtième titre de l’histoire de Manchester United, le treizième et dernier de l’ère Ferguson. Comme Alexis, il est difficile de dire quelle place occupe aujourd’hui Van Persie dans la mémoire du club londonien : un attaquant de classe et de grâce mais dont le talent avait trop souvent été écarté des terrains par les blessures. Le départ de l’attaquant avait été un choc parmi les supporters marquant le net recul du club londonien sur l’échiquier anglais mais un électrochoc chez les dirigeants et notamment Arsène Wenger qui s’était promis que cela n’arriverait plus.
Un an plus tard, le club londonien a fait des efforts sur le plan financier. Il a rehaussé sa grille salariale et sorti le carnet de chèques en recrutant tour à tour Mesut Özil au Real Madrid pour 50 M€ en 2013, Alexis Sanchez à Barcelone pour 40 M€ en 2014, Petr Cech pour 12 M€ à Chelsea en 2015, Mustafi à Valence pour 41 M€ en 2016 et Alexandre Lacazette à Lyon pour 60 M€ en 2017.
Une politique de recrutement plus agressive qui devait relancer le club londonien vers les sommets du football anglais mais qui, aujourd’hui, avec le départ d’Alexis, son meilleur joueur, à six mois de la fin de son contrat, s’avère être un échec et confirme la dégringolade d’Arsenal.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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