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Tottenham : Harry Kane, à quoi bon ?

Philippe Auclair

Mis à jour 13/02/2021 à 18:12 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Harry Kane ne cesse de montrer l'étendue de son talent à Tottenham. Mais à bientôt 28 ans, l'attaquant peut-il encore longtemps repousser les sirènes d'autres clubs et les conseils d'anciens joueurs qui lui conseillent d'en tenter sa chance ailleurs pour remplir son armoire à trophées ?

Harry Kane

Crédit: Getty Images

Harry Kane n'est pas le premier attaquant de Tottenham qui, arrivé au faîte de sa carrière, ait pu s'interroger ainsi: à quoi bon ? A quoi bon marquer et faire marquer but sur but, devenir une 'légende' du club, si c'est pour ne jamais rien gagner? En 1997, Teddy Sheringham, meilleur buteur du club quatre des cinq saisons précédentes, adulé par le public de White Hart Lane, haï par celui de Highbury, s'était posé la même question. Arrivé à un âge certes plus avancé que celui de Kane - 31 ans, plutôt que 27 -, il voyait pointer le moment où remporter le moindre titre lui deviendrait impossible...s'il demeurait un joueur des Spurs.
Si les Spurs ne sont pas à la hauteur de son ambition…
La suite, on la connait. Sheringham rejoignit Manchester United. Deux ans plus tard, l'avant-centre avait ajouté à un palmarès vierge jusque-là un titre de champion d'Angleterre, une FA Cup et une inoubliable Ligue des champions, dans laquelle il avait marqué le but égalisateur contre le Bayern en finale, avant d'offrir le ballon du miracle à Ole-Gunnar Solskjaer.
Or Sheringham retrouve de lui-même en Harry Kane, un joueur en qui il voit non pas l'un des, mais le meilleur avant-centre du monde, qui, "s'il était disponible, serait désiré par tous les (plus grands clubs". "C'est une passe difficile pour Tottenham, dit-il. Si les Spurs ne sont pas à la hauteur de son ambition, l'heure serait grave". Autrement dit: Kane pourrait s'en aller, comme Sheringham l'avait fait avant lui.
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Harry Kane

Crédit: Getty Images

Une soif de titre à étancher

Les supporters des Spurs à qui l'on fait part de cette crainte, quand ils ne se bouchent pas les oreilles, assurent que leur numéro 10, "l'un des nôtres", est à ce point attaché à son club de toujours qu'il ne cédera pas à la tentation. Et n'est-il pas passé si près de ces titres - vice-champion d'Angleterre, vice-champion d'Europe - avec Tottenham qu'il doit espérer que son club fasse enfin le dernier pas et remporte son premier trophée depuis une Coupe de la Ligue gagnée avec Juande Ramos en 2008? Le plus modeste des 'grands trophées' qu'on ne mentionne souvent que pour rappeler aux Spurs qu'ils n'en ont pas gagnés d'autre lors des treize années qui ont suivi?
Harry Kane, de plus, n'est pas un Matthew Le Tissier, un de ces joueurs qui sont demeurés ancrés dans le même port tout une carrière parce qu'ils craignaient souffrir du mal de mer en s'embarquant pour une autre destination. Ces titres, il les veut. Il l'a dit, et redit, et jamais plus clairement qu'il y aura bientôt un an, lors d'une conversation avec Jamie Redknapp, lorsqu'il choisit des mots qui firent froid dans le dos des fidèles de Tottenham. "Si je n'ai pas le sentiment que nous progressons comme équipe ou que nous allons dans la bonne direction, je ne suis pas du genre à rester par principe".
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Harry Kane

Crédit: Getty Images

Tottenham va-t-il "dans la bonne direction" ?

Tottenham progresse-t-il ? Pas si l'on regarde le classement du championnat d'Angleterre, où les Spurs figurent à la huitième place après vingt-deux journées, à quatorze points du leader Manchester City, leur adversaire du weekend, une longueur seulement devant Aston Villa, qui a disputé une rencontre de moins qu'eux. Tottenham va-t-il "dans la bonne direction"? Il y a bien une finale de Coupe de la League à disputer au mois d'avril, mais contre le même City. Il y a bien l'Europe, mais seulement le jeudi soir. La FA Cup, on oublie, après l'explosion de la défense mise en place par José Mourinho contre Everton mercredi dernier (4-5 score final).
Ce soir-là, une fois de plus, Kane, censément mis au repos en prévision du choc de ce samedi soir contre les Citizens, avait été appelé à la rescousse lorsque les choses étaient des plus mal engagées pour son équipe, et avait fait le nécessaire en se trouvant à la réception d'un centre télépathique de son complice Heung-Min Son. Cela n'avait pas suffi au bout du compte.
Enfin: pas suffi pour l'emporter, mais suffi pour confirmer que la 'Harry Kane team' ne pouvait décidément plus se passer de lui. Ses statistiques sont prodigieuses, les meilleures de sa carrière à ce jour si l'on combine buts et ses passes décisives - dont la plupart méritent bien le nom. Treize buts et onze passes en vingt rencontres de championnat, au sein d'une équipe qui hoquète et parait avoir oublié comment produire le moindre jeu, ce n'est pas qu'admirable. C'est inquiétant.
Mais n'en a-t-il pas toujours été ainsi? Tottenham en championnat, avec Kane, depuis ses débuts, c'est 122 succès en 216 matches (soit 56,48% de victoires), 409 buts marqués (1,89 par rencontre), et 1,91 point par match en moyenne. Tottenham en championnat, sans lui, c'est 41% de victoires, 1,23 but par match, et une moyenne de 1,47 point par rencontre. Le jury n'aura pas besoin de se retirer pour ses délibérations avant de livrer son verdict.
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Harry Kane

Crédit: Getty Images

Depuis sa prolongation, les choses ont bien changé

Lorsque Kane avait prolongé son contrat de six ans, début juin 2018, Tottenham était engagé dans une tout autre dynamique que celle qui l'anime aujourd'hui, si 'animer' est le verbe qui convient désormais. L'équipe de Mauricio Pochettino continuait sa montée en puissance, et était devenue une habituée de la Ligue des Champions. L'équipe était sur le point d'emménager dans le plus rutilant des stades anglais. Le salaire du hurrikane (100m€ sur six saisons, plus primes) reflétait enfin son statut de star globale - ou sur le point de le devenir.
Depuis, Pochettino s'en est allé. La deuxième saison de José Mourinho, celle pendant laquelle il a toujours été le plus efficace, dans quelque club que ce soit, semble mal tourner après un automne prometteur. La magnifique arène est vide, mais il faut bien continuer à rembourser les prêts grâce auxquels on a pu l'édifier; or les finances du club ne sont pas brillantes (une perte de 72,8m€ a déjà été annoncée pour la saison 2018-19), ce qui, vu la prudence légendaire de Daniel Levy, ne laisse pas espérer d'investissements majeurs lors du prochain marché estival.
Combien de temps Kane peut-il encore patienter, lui qui aura 28 ans en juillet prochain ? Combien de temps pourra-t-il ignorer les conseils d'anciens comme Chris Waddle ou Jonathan Woodgate, pour lesquels son avenir est ailleurs ? On dira que la pandémie a frappé l'économie du football à ce point que l'on imagine mal un club pouvoir mettre sur la table les 120 millions euros - minimum - qui pourraient convaincre Tottenham de se séparer du plus emblématique de leurs joueurs. Le problème est que les deux postulants les plus sérieux, le Real Madrid et, surtout, Manchester United, sont précisément parmi les rares qui disposent des ressources nécessaires pour ce faire.
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