Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Avant le choc face à Arsenal : Antonio Conte et Tottenham, tout sauf une histoire d'ADN

Philippe Auclair

Mis à jour 01/10/2022 à 10:23 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Alors que Tottenham affronte Arsenal ce samedi (13h30), l'arrivée d'Antonio Conte a reboosté les ambitions de Spurs un peu perdus depuis le départ de Mauricio Pochettino. Pour autant, l'Italien est venu avec ses idées, a priori éloignées de l'identité du club londonien. Mais, c'est quoi un ADN ? Est-ce éternel ? Notre correspondant Philippe Auclair tente d'y répondre.

Arsenal, candidat au titre ? "Ça fait plus de dix ans qu'on n'a pas vu ça"

Chaque fois qu'un club traverse une période de crise et envisage de changer d'entraîneur, on entend la même remarque: "X a besoin d'un manager qui comprenne l'ADN du club", comme si ce club possédait plus qu'une histoire, avec tout ce que cela suppose de chaos, d'imprévisibilité et de ruptures: un patrimoine génétique qu'on ignore à ses périls, une constante dans une équation sportive unique, un impondérable qui constitue néanmoins la fondation d'une identité propre et la clé, croit-on, du succès. Pour se transformer, il faut d'abord redevenir soi-même.
L'idée est séduisante. Elle flatte l'ego collectif des supporters, qui portent tous en eux la conviction (absurde, mais presque unanimement partagée) que leur club est 'à part', et 'plus qu'un club'. Dans le cas du FC Barcelone, c'en est devenu une devise, un mot d'ordre; dans le cas du Bayern aussi - mia san mia, 'nous sommes une famille'. Mais ce que ces deux-là revendiquent haut et fort, tous les autres en sont également convaincus. Everton ? The people's club. Liverpool ? L'enfant de Shankly. Klopp ? Le fils adoptif.
C'est ainsi, par exemple, qu'Ole-Gunnar Solskjaer se retrouva parachuté à Manchester United. Ni David Moyes, ni José Mourinho, ni Louis van Gaal ne portaient en eux l'ADN mancunien, si tant est qu'il existe vraiment, dont les généticiens s'appellaient Matt Busby et Alex Ferguson. Le héros de la finale de Barcelone, lui, oui. Jamais les dirigeants de Manchester United n'auraient fait appel à lui si ce n'avait été pour sa filiation, de même qu'il est douteux que Chelsea se serait tourné vers Frank Lampard s'il n'avait incarné l'ADN 'gagneur' du club de Roman Abramovitch.
picture

Ole Gunnar Solskjær

Crédit: Getty Images

Conte, magnifique antithèse

Et jamais Solskjaer n'aurait tenu aussi longtemps s'il n'avait pu revendiquer cette légitimité du sang, ce dont il ne se priva pas. Ce genre d'histoire n'a généralement pas de happy end. C'est Andrea Pirlo à la Juve, le retour de Kevin Keegan à Newcastle, Thierry Henry à Monaco, même. C'est l'inverse de ce que Tottenham est en train de vivre avec Antonio Conte, et de vivre bien.
Conte est pourtant l'antithèse de presque tout ce qu'on associe d'ordinaire aux Spurs. Danny Blanchflower, le capitaine du plus grand Tottenham de tous les temps, celui du doublé de 1960-61, pensait d'abord à la gloire. Glory, glory Tottenham Hostspur. Avec leurs maillots blancs, ces purs d'entre les purs s'étaient fait une spécialité de la plus romantique des compétitions, la FA Cup. Leur ADN, c'est Hoddle, Waddle, Ricky Villa, Ossie Ardiles, Jürgen Klinsmann et - à sa manière - Mauricio Pochettino. On veut gagner, mais pas n'importe comment. Alors que Conte...
picture

Antonio Conte, l'entraîneur de Tottenham

Crédit: Getty Images

Qu'est-ce que ce fameux ADN, d'ailleurs ? Au commencement, c'est toujours le legs d'une révolution, un patrimoine qui s'effrite au fil des ans, comme ce domaine familial qu'on n'en finit pas de diviser de génération en génération. Le château a toujours belle allure, à condition de ne pas trop s'approcher. Si on le faisait, on se rendrait aussitôt compte que la charpente est vermoulue et que la toiture ne tiendra pas longtemps. Une seule solution : reconstruire.
Qu'est-ce que l'ADN d'Arsenal ? Duquel parlons-nous ? De celui, conquérant, d'Herbert Chapman, qui transforma le football tout entier avec son W-M ? De celui de George Graham, avec sa défense de fer, Alan Smith ou Ian Wright pour marquer 'contre le cours du jeu', et ses one-nil to the Arsenal ? De celui d'Arsène Wenger ? De celui que Mikel Arteta s'est donné pour mission de créer ? Au delà des couleurs inchangées, ces avatars n'ont rien de commun que la ferveur de ceux qui les défendent. Et si le jeu 'à la nantaise' constitue bien un pan fondamental de l'identité du FC Nantes, que reste-t-il aujourd'hui de l'héritage d'Arribas, Suaudeau et Denoueix, quel que soit l'attachement des supporters à cette vision humaniste du football ?

Rompre mais sans oublier le passé, c'est pas mal aussi

C'est vrai, il y a eu la fameuse Boot Room de Liverpool. Mais Shankly n'était pas Paisley ou Fagan, que ce soit en termes de personnalité ou même de pensée du jeu, et le déclin des Reds à partir des années 1990 fut en grande partie dû à la crainte de s'aventurer hors de cette pièce qui sentait le renfermé. Graeme Souness et Roy Evans, les enfants du sérail, échouèrent. Ce n'est qu'en rompant avec le passé (sans cesser de le respecter, ou de s'appuyer habilement sur lui, en faisant de Phil Thompson son adjoint) que Gérard Houllier entama la renaissance de Liverpool. Rafa Benitez fit de même. L'un de ses premiers gestes fut de retirer des murs d'Anfield les photographies des héros et des triomphes d'antan.
Ce que ces entraîneurs, et Klopp après eux, plus que quiconque hormis Shankly, avaient en commun étaient le désir et la capacité d'entraîner, au sens propre : ce n'étaient pas que leurs joueurs qu'ils convainquaient de les suivre, mais aussi leur public, et cela, c'est exact, constitue une sorte de patrimoine; pour ce qui est du jeu, par contre, le pragmatisme du Liverpool conquérant des années 1970 et 1980 n'avait rien à voir avec le heavy metal football à haut risque de leur successeur allemand.
picture

Liverpool galère mais garde le cap : "Klopp n'est pas Tuchel"

Aussi Tottenham se décida-t-il à changer de peau, afin de retrouver le succès que Mauricio Pochettino avait été tout près de leur donner. Il fallait remplir le nouveau stade. Il fallait donc gagner, se qualifier pour la Ligue des Champions, viser le Top 4, saison après saison. Daniel Levy fit donc appel à José Mourinho, puis Nuno Espirito Santo, et maintenant Antonio Conte, pas vraiment des techniciens connus pour leur goût de l'aventure.
C'est qu'il fallait briser l'image des flaky Spurs, aussi solides qu'un biscuit trempé trop longtemps dans une tasse de thé. Il fallait changer d'ADN; et avec un Conte à la barre, c'est précisément ce qui est en train de se produire. Tottenham ne joue pas 'bien', mais Tottenham prend des points qui leur auraient filé entre les doigts avant, comme à Chelsea, lors de la seconde journée de championnat, où Harry Kane égalisa à la sixième minute du temps additionnel.
Et cela ne devait rien aux gènes supposés de son club.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Plus de détails
Publicité
Publicité