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115 infractions des Citizens ? La Premier League risque autant que Manchester City

Philippe Auclair

Mis à jour 07/02/2023 à 11:35 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Ce n'est pas seulement Manchester City qui risque gros, maintenant que la Premier League a annoncé qu'elle avait inculpé le champion d'Angleterre de plus de cent infractions, 115 pour être précis, et des plus graves, à ses réglementations. C'est la Premier League elle-même, comme l'analyse Philippe Auclair.

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Voilà plus de quatre ans que la Premier League avait lancé son enquête sur les infractions supposées de Manchester City, dont l'éventail était des plus larges, du versement d'une partie conséquente du salaire de Roberto Mancini par une entité étrangère au club (*), mais, au final, sous le contrôle direct de son propriétaire émirati, à des paiements illégaux destinés à 'faciliter' l'acquisition de joueurs encore mineurs, en passant par le maquillage de contrats de sponsoring dont une partie aurait été réglée par le club lui-même, histoire de demeurer dans les clous du fair-play financier de la Premier League et de l'UEFA.
Le temps passant, on s'était dit que les choses en demeureraient là. Manchester City, dans un premier temps suspendu de toute compétition européenne pour deux saisons par la même UEFA, était parvenu à débouter ses accusateurs devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Ce dernier avait statué que plusieurs des chefs d'accusation sur lesquels s'était basée l'instance européenne pour exclure City de ses tournois avaient trait à des faits trop anciens pour être sanctionnés.
Même si les réglements de la PL sont formulés de telle sorte qu'à la différence de l'UEFA, il ne peut y avoir de prescription en la matière, l'absence totale de tout développement depuis 2019 semblait indiquer qu'on ferait tant traîner les choses qu'au bout du compte, tout le monde aurait oublié pourquoi Manchester City s'était retrouvé sur le banc des accusés. La PL pourrait toujours arguer qu'elle avait fait ce qu'elle devait faire. Le grand public hausserait les épaules en se disant que, de toute façon, on ne chercherait jamais des noises au club qui a remporté quatre des cinq derniers titres de champion d'Angleterre.
Comme plusieurs confrères, j'avais moi-même régulièrement contacté la Premier League pour lui demander ce qu'il en était de la fameuse enquête, pour toujours recevoir la même réponse, à la virgule près, un copié-collé de celle qui m'avait été faite la première fois que j'avais posé la question. Ce qui n'était pas franchement encourageant pour la suite, à condition qu'il en eût une, ce dont on avait le droit de douter. Le seul développement dont on avait eu connaissance pendant ce temps était que la Cour d'Appel britannique avait rejeté, en 2021, une requête de Manchester qui questionnait la légitimité du panel désigné par la PL pour instruire le dossier.

Discretion absolue

Et puis la bombe a explosé ce lundi matin, quand plus personne ou presque ne s'attendait à ce qu'elle soit larguée. La Premier League avait semble-t-il non pas tâché de noyer le poisson, mais tout fait pour rendre l'aquarium étanche et empêcher les fuites, afin de ne pas compromettre l'enquête en cours. Un blackout total était nécessaire pour réduire au maximum les chances d'un vice de forme sur lequel l'armée d'avocats employés par le City Football Group se serait aussitôt jetée pour invalider le processus.
Tout s'est donc fait, et se fera, dans la discrétion la plus absolue. Une commission disciplinaire 'indépendante' (*) placée sous le contrôle du juge Murray Rosen statuera sur le dossier. Toutes les audiences se dérouleront 'en privé'. Et Manchester City ne disposera d'aucun recours, cette fois, pas même devant le TAS. Aucun préavis n'avait été envoyé aux dirigeants de City, qui découvrirent leur situation ce lundi matin, via un recommandé déposé en main propre à l'Etihad Stadium, tout juste avant que la Premier League ne publie son communiqué. On peut imaginer ce que le choc eut de brutal, et comprendre que le club se soit dit 'surpris' par le tour que viennent de prendre les événements.
Cependant, la pression à laquelle est soumis Manchester City est partagée par la PL, qui se trouve placée devant le genre de dilemme qu'elle fait tout pour éviter habituellement. Le Manchester City de Pep Guardiola est l'un de ses joyaux, craint et admiré dans le monde entier. Ses immenses ressources ont permis au championnat d'Angleterre d'attirer, de retrouver ou de faire s'épanouir des joueurs comme Kun Agüero, Yaya Touré, David Silva, Kevin de Bruyne et aujourd'hui Erling Haaland. Mais si Manchester City a triché - ce qu'il faudra prouver -, la punition se doit d'être exemplaire, à la hauteur de l'ampleur des infractions supposées.
Une amende, quelle qu'elle soit, ne constituerait pas même un coup de règle sur les doigts du (très) mauvais élève. Le club le plus riche du monde, si l'on en croit le cabinet comptable Deloitte, qui vient de le placer tout en haut de sa Football Rich List pour la seconde année consécutive, la réglerait avec la nonchalance d'un parieur laissant un gros pourboire au croupier après avoir fait sauter la banque.

La Premier League sous pression

Certaines sources indiquent qu'une déduction de points, une relégation en Championship et même une exclusion et un retrait des titres gagnés pendant la période concernée (2009-18) figurent parmi les sanctions dont dispose la Commission de discipline dans son arsenal punitif. Si la Juventus peut se voir sanctionner d'une déduction de quinze points pour des irrégularités a priori moins graves que celles imputées à Man City, pourquoi le club anglais ne pourrait-il pas écoper d'une punition au moins équivalente à celle que l'UEFA lui infligea? Or le soin avec lequel la PL a procédé jusque-là laisse supposer que c'est une affaire qu'elle prend très au sérieux.
De plus, le temps presse. Les dix-neuf autres clubs de l'élite, dont la plupart ne portent pas City dans leur coeur, veulent une résolution aussi rapide que possible du dossier, à tout le moins avant la fin de la saison. L'intégrité de la compétition en dépend, son image aussi.
Les conséquences de l'affaire sur le projet de Man City et du City Football Group tout entier sont potentiellement catastrophiques, sur tous les plans, sportif compris. Lorsqu'on avait interrogé Pep Guardiola sur sa réaction vis-à-vis des sanctions infligées par l'UEFA, il avait répondu : "quand on les a accusés de quelque chose, je leur ai demandé, 'dites-moi ce qu'il en est'. Ils ont expliqué, et je les ai crus. Je leur ai dit, 'si vous m'avez menti, demain, je ne serai plus là. Je serai parti et je serai plus votre ami".
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Pep Guardiola, manager de Manchester City, le 27 janvier 2023

Crédit: Getty Images

Ce ne sont pas que les activités de Manchester City qui vont être passées à la loupe. Ce sont aussi les priorités de la Premier League, qui vient de se donner le droit de frapper l'un des siens, à certains égards le plus puissant. Qu'elle l'épargne - si tant est que sa culpabilité soit démontrée -, et l'on y verra une preuve de faiblesse, voire de corruption. Qu'elle le punisse comme beaucoup de ses rivaux le souhaitent, et elle pourrait s'amputer de l'un de ses plus beaux atouts. Quoi qu'il arrive, la PL a armé le chien du fusil avec lequel elle va se tirer une balle dans le pied. A elle de décider quel type de blessure cicatrisera le plus vite.
(*) Selon les Football Leaks publié par Der Spiegel, le club émirati Al Jazira, au titre d'un contrat de 'consultant', dont le montant était en fait réglé par le Abu Dhabi United Group, propriétaire de Manchester City.
(*) Composée de trois membres de la Commission de Discipline de la PL, choisis par Murrayv Rosen.
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