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PREMIER LEAGUE - Tout cet argent pour jouer comme l'Atlético : Newcastle, est-ce bien raisonnable ?

Philippe Auclair

Mis à jour 06/01/2023 à 13:42 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Notre chroniqueur Philippe Auclair revient sur le début de saison de Newcastle et le style de jeu proposé par les Magpies d'Eddie Howe. Les nouveaux riches du Royaume, efficaces derrière, un brin truqueurs, semblent marcher dans les pas de l'Atlético Madrid de Diego Simeone. Un choix cynique pour Philippe Auclair. Explications.

Trois joueurs de Newcastle face à Saka (Arsenal)

Crédit: Getty Images

Les spectateurs de la Premier League ont de la chance, comparé à ceux qui visitent les stades français et espagnols : si l'on en croit une étude de l'Observatoire du football de Lausanne, le temps de jeu effectif dans un match disputé en Angleterre (56,5% des 90 minutes et du temps additionnel) est en effet supérieur à celui des rencontres jouées en France (56,1%) et en Espagne (55,8%). Et ne parlons pas des cancres que sont la Premiership écossaise (52,7%) et, bon dernier de cette classe, la Primeira Liga, où le ballon ne vit qu'un tout petit peu plus de la moitié du temps.
Il y a cela dit des exceptions; et on en a eu une de taille ce mardi, lorsque Newcastle est allé chercher le nul - et pour une fois, l'expression est à prendre au pied de la lettre - à Arsenal. Le temps de jeu effectif de ce 0-0 a tout juste dépassé les 51%; ce qui signifie que l'on n'a joué que 48 minutes et 44 secondes des 95 qui avaient été allouées par un arbitre, Andy Madley, dont la soirée ne fut pas des plus confortables. On ne s'éternisera pas sur celles de ses décisions qui firent perdre son calme à Mikel Arteta dans sa zone technique - et en dehors - à savoir deux penalties refusés à ses Gunners pour un tirage de maillot assorti d'un plaquage sur la personne de Gabriel dans la surface de Magpies, ainsi qu'une main de Jacob Murphy dans ses dix-huit mètres en fin de rencontre.
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Granit Xhaka et Callum Wilson discutent avec l'arbitre de la rencontre

Crédit: Getty Images

Newcastle, c'est l'Atlético de Simeone

Davantage que ces faits de jeu plus contestables que "scandaleux" (l'adjectif utilisé par le manager d'Arsenal), c'est la manière dont l'équipe d'Eddie Howe parvint à repartir de l'Emirates avec un point et une quatrième clean sheet consécutive en championnat d'Angleterre qui doit retenir l'attention. Si les qualités, la verve et l'imagination des Gunners de 2022/23 ne sont pas sans rappeler celles d'incarnations précédentes, wengériennes en l'occurrence, les bases sur lesquelles ces Magpies ont bâti leur étonnante ascension n'ont absolument rien de commun avec les principes qui avaient habité leurs ancêtres du temps de Kevin Keegan et de Bobby Robson.
Newcastle aurait accepté avec joie qu'on joue encore moins que ces 48 minutes et 44 secondes, hachées par d'innombrables fautes tactiques, blessures qui n'avaient rien d'évident, et une épidémie de crampes qui sembla abattre tout ce qui portait un maillot noir-et-blanc en fin de rencontre, alors qu'Arsenal frappait de plus en plus fort à la porte et paraissait tout près de l'enfoncer. S'il y avait bien une équipe à laquelle Newcastle faisait penser, ce n'était pas celle de Ginola, Les Ferdinand et Faustino Asprilla. C'était l'Atlético de Madrid de Diego Simeone, le grand méchant loup du football européen de la dernière décennie, qui se trouve aussi être le club où Newcastle est allé chercher son capitaine actuel, Kieran Trippier.
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Eddie Howe

Crédit: Getty Images

124 millions d'euros pour une métamorphose

On peut prendre ceci pour un compliment. Pour ce qui est de son organisation défensive et de l'agressivité de ses joueurs dans la récupération du ballon et la réduction des espaces offerts à l'adversaire, Newcastle est aujourd'hui ce qui se fait de mieux - de plus efficace, en tout cas - en Premier League. Un bilan de onze buts concédés en 18 matches en témoigne: 0,6 but par rencontre, ce qui, au passage, se trouve être à peu près le rythme auquel marchait l'Atletico de Simeone lorsque celui-ci remporta le titre espagnol en 2013/14 et 2020/21. La similitude statistique ne s'arrête d'ailleurs pas là: l'attaque de Newcastle tourne à 1,77 but par match cette saison; en 2020/21, le rythme de celle des colcheneros était de...1,76.
La façon dont Howe est parvenu à faire de ce qui était la sixième défense la plus poreuse de Premier League l'an dernier celle qu'il est le plus difficile de percer aujourd'hui mérite donc d'être saluée, encore que le recrutement de Trippier, Botman, Pope, Burn et Guimaraes (autrement dit, cinq des sept joueurs à vocation défensive qui figuraient sur la feuille de match de ce mardi, tous arrivés au club en 2022) y soit aussi pour quelque chose. Disons que le club de Tyneside en a eu pour son argent: 124 millions d'euros rien que pour ce quintette.
Mais ce que ne sont pas que les joueurs qui ont changé. C'est aussi leur attitude. Il n'est qu'à voir la transformation de Joelinton, attaquant pataud, en un milieu de terrain qui incarne le sens du sacrifice que Howe a su instiller à tout son squad - et est aussi devenu un maître de ce que les Britanniques appellent the dark arts, ces "arts de l'ombre" du football, dont le but n'est pas de créer, mais de détruire, en allant jusqu'au bout de ce qui est permissible sur un terrain de football, en allant même au delà, en testant la patience et la rigueur des arbitres comme aucun autre club en Angleterre.
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Kieran Trippier

Crédit: Getty Images

L'Angleterre peut-elle pardonner ?

Chaque fois qu'un joueur d'Arsenal touchait le ballon dans l'entrejeu, aussitôt, deux, trois de ses adversaires fondaient sur lui. En soi, c'est admirable. Ce qui l'était moins, c'était aussi qu'à chaque fois que cela était possible, les chevilles du joueur en rouge recevaient de ces petits coups sournois qu'il est si difficile pour un arbitre de déceler dans le flux du jeu. Un visionnage à froid des images du match ne laissait pas le moindre doute sur ce que cette approche 'rugueuse' avait de systématique. Diego Simeone aurait applaudi ce récital.
Newcastle n'en était pas à son coup d'essai à l'Emirates et avait fait encore mieux - encore pis - à Anfield le 31 août dernier, quand on avait dénombré onze arrêts de jeu en seconde période, tous dus à des problèmes physiques dont la cause était mystérieuse mais qui, chaque fois, avaient vu un Magpie s'allonger sur la pelouse et réclamer des soins. L'arbitre du jour, André Marriner, ne s'était pas laissé duper, et avait accordé huit minutes de temps additionnel, à la dernière desquelles Fabio Carvalho avait marqué le but du 2-1 pour les Reds.
La question est maintenant de savoir si le crédit, voire la complaisance, dont Eddie Howe a joui depuis longtemps auprès des médias britanniques ne vont pas s'épuiser plus vite que prévu. Il n'est plus le jeune manager anglais au visage de garçonnet qui avait fait passer Bournemouth de la quatrième à la première division (soutenu, c'est vrai, par un propriétaire russe d'une grande générosité). Il est l'entraîneur d'une équipe du Top 4, l'ambassadeur du projet saoudien en Angleterre, et, dans peu de temps, en Europe, un rôle dans lequel on le sent d'ailleurs mal à l'aise.
L'Angleterre pardonne facilement un excès de rugosité dans les contacts quand le perpétrateur n'a pas vraiment d'autre moyen d'être compétitif. C'étaient le Bolton de Sam Allardyce, le Stoke de Tony Pulis, le Burnley de Sean Dyche. Le Wimbledon du Crazy Gang. Or ce Newcastle est tout autre. Ce Newcastle ambitionne de devenir champion d'Angleterre et d'Europe dans les cinq années à venir. Ce qui, à Bolton, Stoke ou Burnley, pouvait passer pour un choix imposé par les ressources plus modestes de ces clubs, la seule façon dont ils pouvaient obtenir de bons résultats face à bien plus riche qu'eux, n'est rien d'autre que du cynisme lorsque le coupable est, potentiellement, le club le plus riche du monde.
Et plus riche que l'Atletico de Simeone qui, lui, devait trouver un moyen de faire chuter les nababs du Real et de Barcelone.
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