Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Premier League - Everton, chronique d'une mort annoncée

Philippe Auclair

Mis à jour 14/09/2023 à 16:10 GMT+2

En difficulté sportive (18e de Premier League), Everton l'est encore plus économiquement. Si bien que le doyen des clubs de Liverpool voit son existence menacée à plus ou moins long terme. Les Toffees cumulent les dettes dans des proportions extrêmes si bien que la menace d'une disparation plane au-dessus de Goodison Park.

Beto, sous le maillot d'Everton

Crédit: Getty Images

Ce n'est pas la relégation qui menace Everton. C'est l'extinction.
On peut se relever d'une relégation : Leicester fut champion d'Angleterre six ans après être tombé en League One (D3). Parmi les pensionnaires de PL de la présente saison, Burnley a retrouvé l'élite après une année de purgatoire, Fulham et Sheffield United après deux. Mais on soulève plus difficilement les pierres tombales au cimetière, vers lequel le corbillard peint en bleu des Toffees se dirige tout droit.
Non que la relégation qu'ils évitèrent de justesse en 2022 ne constituerait pas un drame pour un club qui s'enorgueillit d'avoir passé plus de saisons dans la première division du football anglais - 121 - que quelque autre, et qu'il n'a pas quittée depuis 1954. Mais ce ne serait qu'un drame, pas une tragédie. Que le people's club cher à David Moyes disparaisse, c'en serait une, par contre, pour ces dizaines, ces centaines de milliers de fans qui n'en peuvent plus d'avoir mal à leur Everton bien-aimé; or cette perspective est passée de l'ordre de la possibilité à celui de la probabilité.

450 millions de pertes

Le coeur du problème n'est pas vraiment les résultats des Toffees sur le terrain, mais ceux qui figurent sur les comptes qu'ils doivent soumettre à la Premier League - et ceux qu'ils doivent rendre à des créditeurs de plus en plus inquiets, et impatients. Les pertes accumulées par le doyen des clubs de Liverpool se montent à plus de 450 millions d'euros sur la période 2019-22, et ce ne sera pas l'exercice 2022-23 qui aura épuré ces comptes cauchemardesques qui valent à Everton d'être la cible d'une enquête de la Premier League sur leurs infractions aux règles de fair-play financier de la compétition (*).
picture

Sean Dyche, entraîneur d'Everton

Crédit: Getty Images

Même certaines figures du club reconnaissent en privé qu'il sera très compliqué de convaincre les auditeurs indépendants chargés d'inspecter leurs finances que c'est l'impact de la COVID qui explique le gouffre financier dans lequel Everton ne cesse de tomber plus bas, lestés qu'ils sont de dettes se montant à 160 millions d'euros (*). Oh - et d'un prêt de 180 millions qu'il leur faudra renégocier de A à Z en cas de relégation.
Everton ne pourra pas compter sur la sympathie ou le soutien des dix-neuf autres actionnaires de la Premier League, dont quelques-uns sont furieux d'avoir vu l'enquête en question ne pas avoir délivré de verdict plus rapidement. C'est que des infractions de l'ordre de celles qui sont imputées aux Toffees sont passables de déductions de points qui, si elles avaient été appliquées plus vite, auraient permis à Leicester City de demeurer dans l'élite et à quelques autres de vivre les dernières semaines de 2022-23 avec plus de sérénité.
Il est vrai que, de ce point de vue, ce ne sera qu'avoir reculé pour mieux sauter - en Championship. Avec un point sur douze, avec Arsenal à venir ce dimanche à Goodison, les hommes de Sean Dyche ont déjà pris leur élan, et on peut douter qu'une déduction de dix ou quinze points soit l'aiguillon qui fasse souffler le vent de révolte nécessaire dans leur vestiaire.

Anatomie d'une chute

Il est presque trop aisé d'expliquer comment on a pu en arriver là. Comme Everton tombe au ralenti, on peut disséquer sa chute plan par plan. Ici, un choix d'entraîneur discutable, voire incompréhensible (hello, Rafa, hello, Frank !); là, un recrutement fait en dépit du bon sens; là, là et là, et encore là, des décisions financières aberrantes. Sans oublier l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les sanctions imposées par le gouvernement britannique contre l'oligarque Alisher Ousmanov, allié de Poutine dont tout le monde sait qu'il se cachait, bien mal, derrière Fahrad Moshiri, l'actionaire majoritaire nominal d'Everton qui n'ose plus mettre le bout de son nez à Goodison. Du coup, les sociétés contrôlées par Ousmanov ne peuvent plus injecter d'argent dans le club.
Everton n'est pas un club à vendre. Everton est un club dont les propriétaires veulent se débarrasser, et dont ils ne trouvent pas preneur. L'espoir de voir le fond d'investissement new-yorkais MSP Sports Capital être ce preneur s'est envolé au mois d'août, après qu'un créditeur du club ait refusé de voir les Américains venir se placer en tête de la queue des personnes et entités à qui le club doit de l'argent.
picture

Jarrad Branthwaite (Everton)

Crédit: Getty Images

On parle maintenant d'une prise de participation d'un autre fond d'investissement US, 777 Partners, le propriétaire si controversé du Standard de Liège, de Genoa, du Hertha BSC, de Vasco da Gama...et du Red Star, entre autres, qui s'est fait une spécialité d'acquérir des clubs au bord du gouffre, mais dont les ressources propres sont difficiles à évoluer, le mode de fonctionnement des plus opaques, et les motivations des plus obscures.
La BBC, le Telegraph et d'autres médias britanniques se sont même avancés à affirmer que 777 Partners était en pole-position pour acquérir Everton et qu'un accord de vente était imminent, mais semblent s'être basés, tous sans exception, sur une source unique, en l'occurrence un proche de Farhad Moshiri, lequel a tout intérêt à ce que l'on croie que le club conserve de son attractivité pour de nouveaux investisseurs.

Un emplâtre sur une jambe de bois

Les informations que j'ai reçues ne vont pas dans le même sens et suggèrent plutôt que 777 Partners eux-mêmes connaissent de graves difficultés financières. Le fond américain, dont tous les clubs sont endettés et accumulent les pertes par millions, n'a de toute façon pas les moyens de sauver Everton; ils seraient tout au mieux un emplâtre des plus douteux sur une jambe de bois que les vers rongent de l'intérieur.
C'est qu'il y a, comme si tout ce qui précède ne suffisait pas, le projet pharaonique du nouveau stade de Bradley Moore Dock, une arène de presque 53 000 places pour laquelle la municipalité donna le feu vert en mars 2021. De quelque côté qu'on le considère, ce projet n'a aucun sens. Le coût est faramineux. On parlait de 350 millions d'euros au début; on passa ensuite à 575; on en est maintenant à plus de 800. Pour un club de Championship ?
picture

Goodison Park

Crédit: Getty Images

Les travaux ont néanmoins commencé. Il a fallu combler le bassin sur lequel poser les fondations du nouveau temple, car Bradley Moore Dock sera construit, s'il l'est jamais, sur de l'eau. On imagine le surcoût occasionné par ce choix. L'idée était de "garder le rythme [imposé par] les rivaux [d'Everton] en Premier League et de prospérer"; la réalité est qu'Everton aurait aussi bien pu bâtir son stade sur des sables mouvants et que, loin de prospérer, Everton, contraint de se débarrasser de ses meilleurs joueurs, forcé d'hypothéquer ses revenus à venir, cirque triste d'éléphants blancs qu'on n'ose même plus faire parader, contemple aujourd'hui sa propre disparition, et n'a plus que des prières à adresser à un Dieu jusqu'à présent muet.
(*) La PL n'autorise des pertes que d'un maximum de 105 millions de livres sur trois ans, et celles que le club subit entre 2019 et 2021 représentent plus de trois fois et demi ce chiffre.
(*) La hausse des taux d'intérêts fait qu'Everton doit rembourser près de 60 000 euros par semaine à ce titre.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité