Premier League | Manchester United, bonjour tristesse

Un mauvais karma ? Pire que ça, malheureusement. Manchester United patine sur le terrain depuis des semaines et la morosité a gagné son vestiaire. Le jeu dénué d'ambition d'Erik ten Hag en serait-il la seule cause évidente et bien arrangeante ? Le recrutement validé par le technicien néerlandais a coûté 151 millions d'euros cet été mais les joueurs continuent de manquer d'allant.

Brighton est-elle l'équipe la plus enthousiasmante d'Europe ?

Video credit: Eurosport

Un autre jour, une autre déception, une autre défaite, l'ordinaire de la vie d'un supporter de Manchester United. Le score ne doit pas faire illusion. Pendant presque une demi-heure, jusqu'à ce qu'André Onana laisse filer un tir anodin de Leroy Sané dans son but, c'est ce que United avait fait contre le Bayern - illusion -, comme face à Brighton le week-end précédent. Les plus optimistes pouvaient voir en ces entames de match plutôt réussies le signe qu'Erik ten Hag n'était pas si loin que ça de la formule qui permettrait à l'ogre d'hier de se découvrir de nouvelles dents. De ces optimistes, il n'en reste plus beaucoup.
Ten Hag lui-même voudrait sans doute y voir un encouragement quand, pour les autres, c'était davantage une confirmation que dans ce chantier perpétuellement recommencé qu'est United, aussitôt qu'un mur est dressé, un coup de bélier vient le défoncer. Cette équipe semble incapable de réagir. Chaque blessure infligée par ses adversaires, au lieu de réveiller son orgueil, coupe court à son élan. Les leçons apprises sur le terrain d'entraînement deviennent lettre morte. Sur la pelouse, les visages se crispent, les mines s'allongent, la frustation est palpable. Y a-t-il un grand club anglais - ou européen - dont les joueurs semblent aussi malheureux quand ils 'jouent' ?
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Erik ten Hag lors de Bayern munich - Manchester United en Ligue des champions, le 20 septembre 2023

Crédit: Getty Images

Où est passé le modèle de l'Ajax ?

Pardonnez l'expression. Rashford, Fernandes, Casemiro, Eriksen, tous font la gueule, y compris ceux qui n'ont rien à se reprocher. Le football n'est plus un jeu quand c'est United qui le pratique. La légèreté n'est pas de mise à Old Trafford, quand c'est souvent la légèreté qui fait les champions. Le feu de l'ambition peut aussi être un feu de joie, mais où est cette joie, aujourd'hui, à Old Trafford? Nulle part.
Erik ten Hag n'est pourtant pas un entraîneur à la Eddie Jones, un de ces aspirateurs d'enthousiasme qui ne comprennent le sport que dans l'expérience de la souffrance et l'asservissement de l'individualité à un "collectif" qui ne se définit pas par le partage, mais la perte et la subjugation de soi. Son Ajax faisait aussi plaisir à voir parce que son Ajax prenait plaisir à jouer. Son Manchester United, lui, fait pitié.
Il a le droit d'avancer qu'il s'est retrouvé dans le feu croisé de circonstances sur lesquelles il n'a pas prise, à commencer par les absences de joueurs comme Luke Shaw, Raphaël Varane et Mason Mount, sur lesquels il entendait se reposer ou dont il attendait tant. C'est curieux comme la malchance semble s'acharner sur ceux à qui elle fait le plus mal. Ne serait-ce pas plutôt qu'elle fait le plus mal à ceux qui se servent d'elle comme d'une explication ?
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Andre Onana et Casemiro lors de Bayern Munich - Manchester United en Ligue des champions, le 20 septembre 2023

Crédit: Getty Images

Un cote qui dégringole à la bourse de New York

Le mal est bien plus profond. Le public d'Old Trafford en est conscient, qui a bien un peu hué son entraîneur lors de la défaite contre Brighton, mais pour qui c'était d'abord l'expression d'un mal-être qui n'en finit pas de les ronger, et dont le technicien néerlandais n'est pas la première des causes. Cela ne servirait à rien de ressasser pour la énième fois les évidences qu'on sort depuis qu'Alex Ferguson s'en est allé. C'était il y a dix ans. Mais rien n'y fait. On est bien obligé d'emprunter ce chemin, une fois de plus, comme le protagoniste du Troisième Policier de Flann O'Brien doit revivre et revivre encore sa misérable vie sans même s'en rendre compte, puisque son enfer, c'est ça.
"Le poisson pourrit depuis sa tête", disent les Britanniques, et celui qui est servi sur l'étal de Sir Matt Busby Way n'est pas de première fraîcheur. Les Glazers, obsédés qu'ils sont par l'idée de soustraire quelques milliards de plus à Jim Ratcliffe et à Sheikh Jassim bin Hamad, autrement dit au Qatar, ne sont parvenus qu'à faire dégringoler la cote des actions de 'leur' club, passée de presque 27 dollars en février dernier à un peu plus de 18 aujourd'hui. Manchester United ne vaut plus que trois milliards et demi à la Bourse de New York, soit la moitié de ce qu'ils espèrent obtenir de leur repreneur. Et pendant ce temps, Old Trafford, le plus vétuste des stades des clubs du Top 6 anglais, n'en finit pas de se déliter.
Ten Hag doit porter sa part de responsabilité. Ses choix tactiques ont parfois surpris. Le United qui fut battu par un Arsenal encore en rodage à l'Emirates était arrivé avec un plan de jeu sorti tout droit du carnet de José Mourinho : défense regroupée, zéro prise de risque dans la possession du ballon, contres. On était très loin de son magnifique Ajax 2018-19, tellement entreprenant, tellement... joyeux, oui.

151 millions d'euros pour ça

Les mots très durs qu'il a eu à l'égard de Jadon Sancho, puis sa mise à l'écart du groupe, n'auront pas amélioré l'ambiance d'un vestiaire dans lequel la merveille du Borussia Dortmund n'est pas le seul à se sentir mal à l'aise, n'est-ce pas, Harry Maguire, n'est-ce-pas Donny van de Beek ? Et n'est-ce pas Antony, dont on doit se demander quand et comment il pourra reporter le maillot des Red Devils, quelle que soit l'issue des plaintes pour sévices sexuels dont il est l'objet au Brésil. Comme s'il n'avait pas suffi du précédent Mason Greenwood.
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Antony écarté, Sancho en conflit avec ten Hag : à MU, c'est le bazar

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Le recrutement supervisé par le manager néerlandais n'aura pas été des plus convaincants non plus, malgré un débours de 151 millions d'euros net rien que cet été. L'arrivée en prêt de Sergio Reguilon, Sofyan Amrabat et Jonny Evans le jour de la clôture du mercato avait même comme un parfum de panique. L'effectif de United demeure cependant l'un des plus riches de Premier League. Seulement voilà : quasiment tous ceux qui le composent sont en deçà de ce qu'on est en droit d'attendre d'eux, et pas forcément par la faute de leur manager.
C'est comme si une sorte de virus dont on n'arrive pas à se débarrasser circulait dans l'air vicié d'Old Trafford. On pensait que Ten Hag, en menant son groupe au Top 4 la saison passée, avait enfin entrouvert les fenêtres condamnées depuis le départ de Sir Alex, et qu'il les ouvrirait pour de bon cette saison. C'était sans compter sans le mal sournois qui habite Manchester, un mal des plus contagieux dont on ne se débarrassera que lorsqu'on se sera débarrassé de ses premiers porteurs, à savoir la famille Glazer, et qu'on verra de nouveau un sourire sur le visage de Marcus Rashford et de ses coéquipiers.
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