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Qualifs Euro : Pendant que le football portugais grandit, sa Seleção fait une crise de croissance

Nicolas Vilas

Publié 05/09/2014 à 03:34 GMT+2

La liste de Bento pour le début des qualifs de l’Euro 2016 traduit les paradoxes du foot portugais : le pays aux dix-sept finales continentales en club peine à renouveler sa sélection.

Paulo Bento aux côtés de ses adjoints lors de Portugal-Ghana pendant la Coupe du monde 2014

Crédit: Panoramic

Après la moue, la mue. Vendredi dernier, Paulo Bento a dévoilé la liste des joueurs appelés pour le duel contre l’Albanie, dimanche. Le début des qualifs pour l’Euro 2016 coïncide avec un renouvellement forcé pour le Portugal. Le président de la fédération, Fernando Gomes, est rentré dans le dur cette semaine : "Au Mondial 2014, nous n'avons pas été compétents." Il a donc entrepris des réformes. Le staff technique est dorénavant coordonné par Ilidio Vale ; le fameux Dr José Carlos Noronha (que Cristiano présente comme un "ami") devient le chef de la toute nouvelle Unité de santé et performance ; et le département réglementaire revient au professeur João Brito. L'émancipation de Leonel Pontes (parti entraîné le Maritimo) a été compensée par les promotions de Sérgio Costa et José Carneiro, nouveaux adjoints de Paulo.
Sur le terrain aussi, ça bouge. Huit des derniers Mondialistes sont absents. La moyenne d’âge a baissé de deux ans (26,2 contre 28,2) et trois petits nouveaux sont apparus. Un par ligne : le "central" Ruben Vezo (20 ans, Valence), le milieu Pedro Tiba (26 ans, Braga) et l’offensif Ricardo Horta (19 ans, Malaga). Avec Anthony Lopes (23 ans, OL), Adrien (25 ans, Sporting), André Gomes (21 ans, Valence) et Bruma (19 ans, Galatasaray), la Seleção compte sept joueurs (soit presque un tiers de l’équipe !) à zéro sélection en A. "Ce sont des changements normaux dans une équipe."

"Cris" de croissance

Si Bento tempère, c’est qu’il n’a rien d’un révolutionnaire. Pas mal de ses choix sont contraints. Il devra notamment faire sans son capitaine Cristiano Ronaldo. Bien malgré lui. "Cristiano Ronaldo n’est pas en condition de jouer." Paulo Bento a été clair en conférence de presse. Mais l’absence de la guesh-star étonne. CR7 a fait la Une des journaux ibériques vendredi matin. Posait fièrement avec son nouveau trophée du meilleur joueur européen UEFA de l’année qui lui avait été remis la veille à Monaco. Il s’est dit "très heureux" d’avoir remporté "une nouvelle pièce pour [s]on musée".
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Cristiano Ronaldo reçoit le trophée de meilleur joueur UEFA des mains de Michel Platini

Crédit: Panoramic

Mais s'il (ap)paraît fringant et souriant, Cristiano continue d'avoir les gambettes grinçantes. Il a débuté sa saison à tâtons. Après son doublé en Supercoupe d'Europe (2-0 contre Séville), Carlo le cale sur le banc face à l'Atlético : "Il n'est pas dans les meilleures conditions." Encore et toujours ces douleurs. Il effectue son retour contre Cordoba. Avec un but et un nouveau record : 47e victime en 250 matches galactiques. Mais il le concède à Marca : "J'ai besoin de quelques jours pour être au meilleur de ma forme."
Le Real serait-il en train de faire couiner Cris ? Bento adresse un message à la Maison blanche : "Je ne suis pas responsable de ce que fait le Real." Dès le lendemain, Carlo Ancelotti annonce qu’il concède "deux semaines de repos" à Cristiano, tout en essayant de (se ?) convaincre que celui-ci "va bien". Le Real, lui, beaucoup moins. Face à la Real Sociedad, il craque (2-4) et manque. Sans lui, le Portugal a aussi du mal. Sur les 17 rencontres manquées par CR7 en Seleção depuis son baptême (20 août 2003 contre la Kazakhstan), ses compatriotes n’en ont remportées que sept (pour six défaites et quatre nuls).

Nani, nouveau patron ?

Son retour au Portugal a été LE coup médiatique de l’été. Prêté par ManU au Sporting, Nani (27 ans) a connu des retrouvailles mitigées avec Alvalade. Un peno raté (il s'en est excusé auprès de l'habituel tireur, Adrien), mais un dénouement enjoué (1-0 contre Arouca). Cristiano, autre fierté sportinguiste, a commenté ce comeback : "Avec tout le respect que j’ai pour le Sporting, Nani a fait un pas en arrière." "Le Pianiste" a les oreilles qui sifflent et des fourmis dans les jambes. Il a surtout l’occasion de briller et de sortir de l’ombre de la machine CR7. L’ailier d’origine cap-verdienne est le joueur le plus capé (78 sélections) de la liste de Bento. Son meilleur buteur (15 réalisations), aussi. Il a des airs de patron dans un secteur offensif fraichement et franchement revisité.
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La joie de Nani (Portugal), buteur face aux Etats-Unis

Crédit: Panoramic

A 28 piges et 10 capes, Vieirinha a presque des airs d’habitué. Quaresma (30 ans), déjà zappé pour le Mondial, semble maintenant grillé au Dragon. Lopetegui le laisse voler entre le banc et les tribunes. Une aubaine pour Paulo. Au Benfica, ni Bebé (24 ans), ni Pizzi (24 ans) ne sont prêts. On aurait aimé voir Candeias. Mais le meilleur passeur de Liga de la saison dernière vient de filer en D2 allemande, à Nuremberg. Il pensait avoir fait le bon choix en signant cet été au Benfica, qui s'est empressé de le refourguer. Bento a donc préféré des jeunots. Bruma qui essaie de sortir du brouillard en Turquie, Ivan Cavaleiro (20 ans) parti chercher du temps de jeu à La Corogne, et Ricardo Horta. A seulement 19 printemps, l’ancien ailier de Setubal est l’un des phares de Malaga. L’absence de Rafa Silva (21 ans) surprend. Même s'il n'a pas été utilisé au Brésil, le joueur de Braga y a emmagasiné de l'expérience et Sérgio Conceição en fait l'un de ses leaders techniques.

Pepe, le survivant

Un problème musculaire prive Bruno Alves (32 ans) d'Albanie. Ce sont toutefois les lignes arrières qui devraient subir le moins de mutations. Pepe (31 ans) sera le patron de cette défense (trop ?) peu remaniée. Maintenant associé à Garay au Zénith, Luis Neto (26 ans) déroule avec Villas-Boas. Seul joueur portugais avec Rafa Silva resté scotché sur le banc au Mondial, il a l'occasion de conquérir sa place.
On ne l’attendait plus. En s'exilant au Qatar, Ricardo Costa (33 ans) n’a pas encore pris ses distances avec la Seleção, dont il demeure l’un des bons soldats. Pas de Rolando (28 ans), dont l’avenir est encore aussi bouché que bloqué à Porto. Pas de surprise pour José Fonte (30 ans), qui continue d’espérer à Southampton. Pas plus de chances pour Carriço (26 ans, Séville) ou Miguel Vitor (25 ans), dont on parle peu mais qui s’est fait un nom et un CV au PAOK. Le petit nouveau c’est Ruben Vezo. A 20 ans, il s’est calé dans la charnière de Valence. Ça promet en attendant que les Ilori (21 ans, Bordeaux), Flavio Ferreira (22 ans, Malaga) ou Paulo Oliveira (22 ans, Sporting) explosent.

Bruits de couloirs

C’est surtout dans les couloirs que ça grince. Touché au genou gauche, Coentrão a raté la reprise du championnat avec le Real, mais ne manquera pas celle du Portugal. Bento n’a pas voulu de Diogo Figueiras (23 ans, pas indiscutable à Séville), d’Eliseu (30 ans, arrivé au Benfica avec quelques kilos en trop), ni de Guerreiro (20 ans, pourtant en pleine bourre à Lorient). C’est Antunes (27 ans), exclu lors de la première journée avec Malaga, qui a été pris. Côté droit, et pour contrarier les contrariétés coutumières portugaises, c'est plus compliqué.
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Raphaël Guerreiro Lorient 2013

Crédit: Panoramic

Bien que dans le flou à Valence, João Pereira (30 ans) est présent. Touché aux cotes avec le Sporting, Cédric (23 ans) va devoir différer sa première sélection. Reste le (peut-être trop) polyvalent André Almeida (23 ans), qui galère à se défaire du statut de joker au Benfica en tant que... milieu de terrain.
On oublierait presque l'ex-Lyonnais Miguel Lopes (27 ans), resté à Alvalade malgré lui et son club et le si fragile Silvio (26 ans), de nouveau cédé au Benfica. Sinon, Rui Patricio est de retour dans un trio de gardiens marqué par l’absence de Beto (blessé avec Séville). Le Lyonnais Anthony Lopes a donc été logiquement appelé. Mais il lui sera difficile de jouer. La problématique du gardien reste centrale au Portugal…

Nouvelle donne au milieu ?

Ils sont là, tous les trois. Raul Meireles (31 ans), Miguel Veloso (28 ans) et João Moutinho (27 ans) sont les piliers de l'entrejeu du système de Bento. Et ça fait maintenant un moment que ça dure. Au risque de devenir mou. S'il reste attaché à son 4-3-3, le sélectionneur pourrait faire tourner. Il avait lancé William Carvalho (22 ans) lors du Mondial. Le prometteur joueur du Sporting est l'un des cadres annoncés de cette Seleção. Un sacré costard que beaucoup taillent aussi à André Gomes. Le joueur de 21 ans a troqué le Benfica pour Valence cet été et il y séduit déjà.
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André Ayew (Ghana) face à William Carvalho (Portugal)

Crédit: Panoramic

La non-convocation d'Adrien (25 ans) pour le Mondial avait été aussi mal vécue par l'intéressé que mal perçue par les dirigeants du Sporting. Socle d'un Lion renaissant et conquérant, le Franco-portugais avait été convoqué en septembre dernier (Irlande du Nord et Brésil), mais n’avait pas été utilisé. C'est peut-être pour maintenant. Le couteau-suisse Ruben Amorim s’apprête à passer sur le billard. Il s'est rompu les croisés dès la reprise du championnat du SLB. Un pépin de plus pour Jesus, qui doit aussi gérer la longue indisponibilité de Fejsa. JJ aurait un successeur dans le viseur : Pedro Tiba (25 ans). A peine passé de Setubal à Braga, il a déjà marqué, lors de la première minute, de la première journée et vient de franchir le cap pour la cape. Le milieu semble le secteur le plus prometteur. Les récentes perf de Ruben Neves (17 ans) avec Porto ont de quoi laisser rêveur. Pourvu que ça dure (y compris son temps de jeu).

Quoi de 9 ?

Hugo Almeida (30 ans) n'a pas de club. Après avoir squatté le loft de Valence, Hélder Postiga (32 ans) vient tout juste de signer au Depor. Paulo Bento est privé de deux de ses avant-centres. Une situation qu'il avait dû gérer au Brésil, lorsqu'ils s'étaient blessés. C'est alors Eder (26 ans) qui avait été (ba)lancé. Sans grand succès. L’attaquant de Braga sortait d'une année difficile. Cette saison semble bien mieux débuter (deux buts en trois journées), mais il manque toujours ce premier but en Seleção qui pourrait enfin le décrisper et le décomplexer.
Oubliez Danny (31 ans). L'attaquant du Zénith avait été écarté du Mondial, malgré une saison honnête en Russie. Il aurait payé son manque d'engagement. Oublié, Nélson Oliveira (23 ans). En attendant une lumière à la Luz, c'est la lose. Des prêts (La Corogne, Rennes) plus ou moins épanouissants et un statut inconnu à Lisbonne. Orlando Sa (26 ans) s’était, lui aussi, vu accoler l'étiquette de futur grand 9 de la Seleção. A Porto, il n'a jamais eu sa chance. Prometteur au Nacional où il avait été prêté (2010-2011), il vagabondera entre Fulham et Chypre avant de se poser en Pologne. Et depuis le début de saison, celui qui compte une cape en A (en 2009 contre la Finlande) a planté quatre pions en quatre matches avec le Legia Varsovie. C'est mieux que Cristiano et que personne. Mais personne n'y pense... Pas même Bento qui a expliqué qu’il avait d’autres solutions comme avant-centre : "Ivan Cavaleiro peut occuper ce poste", en ajoutant que "Gonçalo Paciência et Rui Fonte qui font aussi partie de la pré-convocation pourront être appelés en cas de besoin". Le premier, fils de Domingos, joue, à 20 ans, au Porto…B, en D2. Le second, 24 ans, évolue avec le Benfica…B, en D2. L’attaque tique toujours autant…

Les "grands" chantiers

Ces derniers mois, Fernando Gomes n’a eu de cesse de souligner le problème de la formation du football portugais. Ou plutôt celui de la place du jeune joueur portugais. Il sait que Bento vient de rincer une lignée : "C'est la quatrième ou cinquième phase finale pour cette génération. Nous devons faire une analyse profonde pour comprendre pourquoi en autant de temps, huit ans, notre formation n'a généré aucun joueur", a-t-il lancé.
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Le sélectionneur du Portugal, Paulo Bento, 2014

Crédit: Panoramic

Récemment, il en appelait aux clubs portugais. Son message était surtout adressé aux trois "grands" : "Pariez sur les jeunes valeurs portugaises." Ruben Neves, qui résiste à l’hispanisation du FC Porto, est encore tendre pour figurer dans cette liste où aucun Portiste ne figure. Du jamais vu depuis… avril 2004 ! A l’époque, Scolari s’était privé des Dragons qui préparaient leur finale de C1 contre Monaco.
Le Sporting compte quatre éléments (Patricio, Carvalho, Adrien, Nani), le Benfica, un seul (André Almeida). Seuls sept joueurs de la Liga portugaise sont présents. Les clubs portugais qui brillent sur l’échelle européenne rechignent à faire confiance à leurs jeunes pousses, poussées à l’exil. De plus en plus jeunes. Elles ratent ainsi souvent une étape importante dans leur évolution. Les titres, les compétitions européennes ont façonné les générations de la Seleção. Les dix-sept finales continentales de Benfica, Porto, Sporting (et Braga) et l’indice UEFA (drainé par ces mêmes puissances) ne suffisent pas à tranquilliser leurs banquiers. A force de mater leurs conquêtes exotiques, on en oublierait que certains laissent crever leurs enfants. Vezo est à Valence sans jamais être passé par un "Grande". Horta, qui est à Malaga, a été recalé par le centre de formation du Benfica. Et l’autre baptisé, Pedro Tiba, n’est jamais passé par une academia. Le "futebol" a peut-être la solution à ses crises juste devant lui. Mais tant qu’il préfèrera croire qu’il croît, il devra porter sa croix…
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