Ce Milan aurait bien besoin d'un Donadoni

Van Basten, Rijkaard, Evani, Tassotti, Donadoni, tous des anciens joueurs issus de la génération Sacchi qui ont embrassé la carrière d’entraîneur et ce n'est surement pas une simple coïncidence. L'actuel coach de Parme a eu une trajectoire un peu chaotique mais est en train de prouver qu'il a les qualités pour devenir un excellent coach. Une petite revanche envers ceux qui avaient trop vite douté de ses capacités suite à son expérience à la tête de la sélection italienne (de 2006 à 2008).

Il est vrai qu'il y était arrivé un peu par hasard, Donadoni n’entraînait que depuis cinq ans et sans succès probant, la rumeur veut que ce soit son ami et ancien coéquipier Demetrio Albertini (tout juste catapulté à la vice-présidence de la fédération à l'époque) qui lui avait offert le prestigieux poste de sélectionneur. Une nomination...légitimement contestée mais les résultats obtenus les deux années suivantes auraient dû être davantage loués.

Certes la Squadra Azzurra, championne du monde, a échoué en quarts de finale de l'Euro 2008 mais c'était aux tirs aux buts et face à une Espagne qui s'apprêtait à tout rafler. On oublie trop souvent les nombreuses embûches qui ont parsemé le parcours de Donadoni : les retraites internationales de Nesta et Totti, les joueurs de la Juve en Serie B, un groupe de qualification difficile (France et Ukraine quarts de finaliste du Mondial), Capitan' Cannavaro forfait pour l'Euro, etc...Mais la fédération jugea le bilan négatif. Et pourtant Donadoni avait eu le mérite de démarrer le processus de rénovation d'une équipe vieillissante qui s'est d'ailleurs plantée royalement au Mondial 2010 avec le revenant Lippi, lequel avait fait confiance à des champions du monde fatigués.

Après deux expériences mi-figue mi-raisin au Napoli et à Cagliari, Donadoni débarque à Parme en janvier 2012. Il y trouve un président ambitieux mais lucide en la personne de Ghirardi et un dirigeant compétent, Leonardi. Le club veut avant tout se stabiliser parmi l'élite avec un œil sur l'Europe et les premiers 18 mois se concluent par deux maintiens tranquilles. L'environnement de Parme épouse parfaitement son caractère : travailleur, concret, humble. Mais il manquait un brin de folie pour passer un cap supplémentaire, celui-ci arrive l'été dernier et il s'appelle Cassano.

Ce n'est pas un hasard si le fantasque attaquant a choisi de rejoindre Donadoni, seul entraîneur à avoir réussi à le gérer durant sa carrière faite de hauts et de bas. Fantantonio est le terminal offensif d'un collectif bien huilé et expérimenté (30 ans de moyenne d'âge). Le tournant de la saison a été le passage en 4-3-3 (après un début d’exercice en 3-5-2). Le technicien bergamasque a ensuite eu quelques intuitions tactiques dignes de ses plus grands mentors (Sacchi et Capello).

Petit à petit Cassano se transforme en "falso nueve" et enchaîne les prestations de haut niveau, à tel point qu'on en reparle avec la Squadra Azzurra où il est pourtant persona non grata. Ancien ailier virevoltant, Donadoni a la particularité de transformer les spécialistes du poste en playmaker, c'était le cas du Chilien Valdes, ça l’est aussi avec Marchionni. On peut aussi citer Parolo excellent milieu relayeur et dans le groupe azzurro, tout comme le défenseur italo-argentin Paletta et le gardien Mirante. Parma a finalement trouvé cette régularité qui lui faisait défaut ces dernières saisons et reste sur une belle série de 15 matches sans défaites en Serie A. Du jamais vu même lors de ses années de gloire. L'Europe est donc clairement dans le viseur et si l'objectif se concrétise, le président Ghirardi a promis une petite folie sur le prochain marché des transferts...

Mais Roberto Donadoni c'est aussi et surtout un homme d'un autre temps qui se distingue par ses "valeurs rares" selon les propos de son employeur. Issu de la "terre" comme son collègue et ami Carlo Ancelotti, ils se ressemblent à bien des égards. Une communication discrète et une sobriété à toute épreuve, en deux mots : profil bas. Donadoni est un Bergamasque, un vrai, c'est à dire taciturne et introverti. C'est aussi un homme de principes.

En 2006, il démissionne de Livourne alors que son équipe est surprenante cinquième de Serie A mais l'envahissant président Spinelli ne le laissait pas travailler tranquille. Deux ans plus tard il se fait mettre à la porte de la Nazionale mais ne demande pas la moindre indemnité. A Cagliari il est licencié à l'été 2011 juste avant le début de saison, coupable d'avoir tenu tête à son patron, le sulfureux Cellino.

Parfois on se demande ce qu'il fait sur un banc de touche de Serie A quand on voit l'attitude de ses collègues. Depuis toujours Donadoni a déclaré qu'il ne polémiquerait pas sur l'arbitrage et il maintient sa promesse. Cohérence, culture du travail, respect, un ovni dans un calcio de plus en plus hystérique. Comme à chaque match contre le Milan, les rumeurs concernant un possible futur au sein du club rossonero vont bon train, d'autant que pour la première fois l'avenir de Seedorf est remis en question.

Donadoni s'est engagé sur la durée avec Parme mais ne peut fermer la porte au Milan et il le fait comprendre. Rappelons qu'il a tout gagné en tant que joueur dans ce club et, plusieurs fois, il a été cité au moment où les dirigeants lombards cherchaient un nouvel entraineur. Mais il parait que son manque de sex-appeal médiatique est rédhibitoire pour Berlusconi dont il fut pourtant la première recrue lorsque le cavalier prit les rênes du club en 1986. Dommage car le Milan actuel aurait besoin d'une belle cure d'humilité.