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Football et haine : en Italie ce week-end, les deux camps auront des partisans

Johann Crochet

Mis à jour 31/08/2019 à 12:48 GMT+2

SERIE A - En offrant deux matches sous haute tension pour la deuxième journée de championnat, l’Italie sait qu’elle doit s’attendre à bien plus que du football ce week-end. Le derby Lazio - Roma a souvent atteint des sommets de violence, tandis que la rencontre entre la Juventus et le Napoli oppose deux "tifoseries" qui se détestent.

Immobile Lazio Rome

Crédit: Getty Images

Vous avez certainement déjà entendu que le football est "plus qu’une religion" en Italie. Cette phrase témoigne de l’importance du Calcio dans la vie des Italiens. Le problème est que le "plus que" se transforme parfois en démesure. Sous couvert d’une passion débordante, d’une omniprésence de ce sport au quotidien et d’un amour inconditionnel pour son club de cœur, certains flirtent royalement avec l’irrationnel, quand ce n’est pas la folie - au sens pathologique du terme -, qui s’installe dans les gradins. Rarement un derby en Italie n’a provoqué autant d’afflux de violence que celui de Rome, au point que ce match a été systématiquement disputé de jour (15h ou 18h) pendant des années pour éviter les embuscades et les affrontements dans la pénombre des nuits romaines. Quant à la rivalité entre Juve et Napoli, si elle est moins brutale, elle engendre cependant une haine tenace ayant autant trait au terrain qu’à des ramifications géographiques et sociales.

Juve - Napoli, c’est l’opposition Nord-Sud

Il faut se promener dans les quartiers espagnols de Naples pour comprendre le degré de détestation des supporters napolitains pour la Juventus. Au milieu des devantures défraichies, des câbles électriques rafistolés et des fresques dédiées à Diego Maradona, les références au club turinois sont nombreuses et bien visibles. Il existe même des ruelles où des tifosi ont accroché des banderoles d’un côté à l’autre des façades pour dire combien ils haïssent les Bianconeri, le tout illustré avec le parfait petit guide du mauvais goût.
Tous les indices sociaux-économiques montrent que le fossé entre le Nord et le Mezzogiorno se creuse. Salaire, pauvreté, taux de chômage... les régions méridionales souffrent. Cette opposition Nord-Sud, cette Italie coupée en deux, se retrouve dans les matches Juve - Napoli. Le football n’est, après tout, qu’un reflet de la société italienne et de tous ses démons. Cela donne évidemment lieu à nombre d’excès entre deux "tifoseries" n’ayant rien en commun et se détestant royalement. Quand les uns entonnent des chants discriminatoires avec des références suintantes de haine (choléra, Vésuve...), les autres répliquent en rappelant la tragédie du Heysel. Tout un programme. Et certains passent aussi à l’acte.
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Tensions lors du match Naples-Juve de mars 2019

Crédit: Getty Images

En mars 2013, environ 200 hooligans de la Juve détruisent des dizaines de voitures et du mobilier urbain sur le chemin qui les mène au San Paolo de Naples. 51 de ces personnes finissent avec des interdictions de stade. Des affrontements réguliers ont lieu sur des aires d’autoroutes, dans les deux villes ou même dans les stades, comme en novembre 2013 quand quatre supporters de la Juve terminent aux urgences après avoir été touchés par des objets lancés depuis le parcage napolitain. En 2007, alors que les deux équipes sont en Serie B, un supporter est poignardé à la jambe et finit lui aussi à l’hôpital. Le football ou la barbarie ? Certains ont définitivement choisi.
La rivalité sportive s’est accentuée ces dernières années. Naples a terminé dauphin de la Juve lors des deux saisons précédentes et le passage de Gonzalo Higuain chez les Bianconeri en 2016 a enflammé toute la Campanie. Mais ce n’est rien comparé à l’arrivée de Maurizio Sarri sur le banc de la Juve, lui qui a été adulé par les supporters napolitains pour son excellent travail à la tête de l’équipe entre 2015 et 2018. L’amour déchu et déçu pour tout un peuple. Cela ne fait que renforcer le sentiment de haine qu’éprouvent les tifosi du Napoli pour l’institution Juventus.

Lazio - Roma, aux confins de la violence

Il faudrait sans doute des heures pour évoquer tous les incidents liés au derby de Rome. Les Romains adorent s’adonner au chambrage lorsqu’il est question de football. Les Biancocelesti aiment pointer du doigt leur année de création, qui en fait ainsi le premier club de foot né à Rome. Les Giallorossi rétorquent par le simple nom du club, portant le nom de la ville, contrairement à leurs rivaux. Tout ceci reste dans le domaine de l’acceptable et de la taquinerie sportive ayant donné d’ailleurs lieu à de beaux tifos dans les deux Curve. Mais la folie entourant cette ville laisse entrevoir de nombreux excès que les clubs et les autorités peinent à contrôler.
En 1979, Vincenzo Paparelli, tifoso de la Lazio, est décédé pendant un derby après avoir reçu une fusée dans l’œil, tirée par un supporter de la Roma depuis l’autre bout du stade. Le médecin lui ayant apporté les premiers secours a déclaré n’avoir jamais vu une telle blessure, même sur des scènes de guerre. 25 ans plus tard, le derby est arrêté après une invasion de terrain provoquée par les tifosi des deux camps. Ils informent les joueurs qu’un enfant a été tué par la police à l’extérieur du stade. Fake news. Cet arrêt permet aux deux "tifoseries" de s’unir contre les forces de l’ordre et de mettre à feu et à sang les alentours du stade une bonne partie de la nuit. Les hooligans des deux clubs romains se détestent sauf quand ils décident de s’allier contre la police.
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Vincenzo Paparelli

Crédit: Getty Images

Les autorités ne veulent pas revivre ces scènes et font des descentes systématiques dans les locaux de certains groupes ou dans les caches sous les ponts qui mènent au Stade Olympique de Rome, là où les supporters les plus démonstratifs se réunissent avant chaque match. Chaque jour de derby, les mêmes infos apparaissent à la télévision, à la radio ou sur internet : des saisies spectaculaires sont effectuées (haches, couteaux, pioches, marteaux, cutters) mais elles n’empêchent pas toujours les incidents. En avril 2013, huit personnes sont poignardées, majoritairement aux jambes, une "tradition" immonde, et en 2019, un policier est touché à la tête par une pierre. Il ne se passe pas une saison sans agression.

Le terrain malheureusement trop souvent entre parenthèses

Lorsque la presse italienne invente l’expression du "derby de l’ordre public" pour qualifier les violences entourant les matches entre la Lazio et la Roma, comptant les blessés de chaque côté, c’est que ces faits répétés finissent par entrer dans la légende de cette rivalité, au point d’en devenir banals.
Sur le terrain, ces rencontres accouchent régulièrement de scénarios spectaculaires. Cette année encore, ces deux matches s’annoncent passionnants, d’autant plus qu’ils ont lieu dès le début de la saison, où tous les espoirs sont encore permis. La Juve reçoit le Napoli dans un match qui pourrait offrir déjà trois points d’avance au vainqueur sur son concurrent. Les Turinois doivent encore digérer la méthode et le style Sarri, tandis que le Napoli s’est sorti - non sans difficulté - du piège florentin lors de la première journée.
Entre une Roma spectaculaire offensivement mais désastreuse défensivement et une Lazio ayant réussi un très gros match face à la Sampdoria en ouverture de Serie A, le derby de Rome affiche, lui aussi, déjà quelques promesses de jeu et de fantaisie.
Ce week-end, ces deux matches vont vampiriser l’actualité sportive de l’autre côté des Alpes. Viendra ensuite le temps de l’analyse, des débats sur les choix des entraîneurs, du bilan des deux premiers matches de la saison et des performances collectives. En espérant que, cette année, les partisans de la violence ne parviendront pas à prendre toute la lumière.
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Roma Lazio en septembre 2018

Crédit: Getty Images

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