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Serie A - Sassuolo - Juventus Turin : Andrea Pirlo, autopsie d'un échec

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 12/05/2021 à 14:39 GMT+2

SERIE A - Pour sa première saison sur un banc, Andrea Pirlo vit un véritable cauchemar sur celui de la Juventus Turin. Pas le seul coupable de la situation désastreuse du club piémontais, actuel cinquième de Serie A, l'ancien milieu de terrain en est toutefois l'un des responsables. Il lui reste quatre matches, dont une finale, pour sauver les meubles. Mais pas son poste.

Andrea Pirlo, head coach of Juventus FC, looks dejected during warm up prior to the UEFA Champions League Group G football match between Juventus FC and FC Dynamo Kyiv.

Crédit: Getty Images

Andrea Pirlo en était pourtant certain. Lui, entraîner plus tard ? Certainement pas. "Je ne miserais pas un centime sur un avenir en tant que coach, racontait-il au journaliste Alessandro Alciato dans sa biographie "Je pense, donc je joue" publiée en 2013. C'est un travail qui ne m'enthousiasme pas. Il a besoin de trop de pensées et un style de vie beaucoup trop similaire à celui des joueurs. Moi, j'ai déjà donné. Je veux de nouveau, au moins en partie, une vie privée." Forcément, lire ses propos aujourd'hui fait un bien étrange effet. Depuis, l'ancien "regista" a changé d'avis, étudié le métier, travaillé sa thèse et obtenu sa licence UEFA Pro. De quoi le propulser jusqu'au banc des U23 de la Juve l'été dernier. Enfin, ça, c'est ce qu'il croyait.
Andrea Pirlo
Le 8 août, son destin d'entraîneur bascule. Définitivement ? Seul le temps le dira. Même pas le temps d'apprendre à connaître le nom de ses joueurs, que ses dirigeants lui proposent le genre de cadeau qu'il est difficile de refuser : le banc de l'équipe première, laissé libre par Maurizio Sarri après son licenciement. Pirlo n'hésite pas une seconde et répond oui. Après tout, comment refuser une telle proposition quand on débute dans le métier ? Même après une carrière entière, certains en rêvent encore. Et lui, avec un glorieux passé de joueur mais aucun présent d'entraîneur, se la voit servie sur un plateau d'argent. Sur le papier, le pari est excitant et représente bien des avantages pour son club : un salaire raisonnable, un profil compatible et une personnalité appréciée dans le vestiaire, notamment par certains de ses anciens coéquipiers.

Impuissant

Neuf mois et presque une saison plus tard, Pirlo l'assure : il s'attendait à bien des "difficultés" à sa prise de fonctions. Probablement pas autant, quand même. Avant le déplacement à Sassuolo, mercredi, pour le compte de la 36e journée de Serie A, son équipe est cinquième et dos au mur. A trois journées de la fin, la Juve n'est pas en position favorable pour décrocher une qualification en Ligue des champions. Inimaginable en début de saison. Comme une habitude depuis neuf ans, la Vieille Dame visait bien évidemment le scudetto, devenu presque une formalité au fil des années. Il est d'ores et déjà perdu.
Comme un symbole, d'ailleurs, c'est l'Inter Milan de l'ancien être aimé Antonio Conte qui l'a remporté. On pourrait également rajouter l'administrateur délégué Giuseppe Marotta, séparé de la Juve depuis octobre 2018 et qui a lui aussi rejoint l'ennemi. "Quand tu es à la Juve, tu vises toujours le maximum. Gagner doit toujours être la priorité", reconnaissait Pirlo après cette passation de pouvoir. C'est même "l'unique chose qui compte" à la Juve, lui répondrait même la légende du club Giampiero Boniperti.
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Pour l'actuel technicien de la Juve, rien n'est encore totalement perdu. En cas de qualification en C1 et de victoire en finale de la Coupe d'Italie, face à l'Atalanta Bergame, cet exercice 2020-2021 serait (un peu) moins amer pour tout le monde. Mais inutile de se leurrer, l'arbre ne cacherait pas la forêt. Cette saison, la Juve a exprimé un niveau de jeu catastrophique à presque chacune de ses sorties. "Elle a été tout simplement méconnaissable : mauvaise approche des matches, manque d'identité, de jeu, d'intensité, d'organisation, d'envie", écrivait même La Gazzetta dello Sport lundi après la claque reçue face à l'AC Milan (0-3) à l'Allianz Stadium. Comme impuissant, Pirlo n'est jamais parvenu à trouver un remède aux maux de son équipe, elle qui n'a même jamais vraiment eu de fil conducteur, voire même d'un simple sens.
"Pirlo a toutes les excuses du novice, mais il n'a pas progressé au fur et à mesure de la saison, estimait La Gazzetta dello Sport. Andrea donne la sensation de ne pas savoir où mettre les mains : quand les résultats arrivent, tu peux te permettre d'être un sphinx sur le banc et ça passe. Mais quand ton équipe a des difficultés, voir ton entraîneur immobile et impuissant, incapable de sortir un cri, fait de l'effet." Il faut dire que Pirlo n'a jamais été du genre très expressif durant sa carrière, tant sur le terrain qu'en dehors. Souvent taiseux, parfois timide, le champion du monde 2006 a toujours aimé rester dans l'ombre des projecteurs. Son caractère introverti lui a-t-il joué des tours cette saison dans le vestiaire ? Possible. Son équipe, à un certain moment de la saison, aurait peut-être eu besoin d'un électrochoc pour mettre fin à sa léthargie. Elle ne l'a jamais reçu. Historiquement, la Juve est également connue pour ne jamais rater les matches décisifs. Même dans des moments difficiles. Dimanche, contre les Rossoneri, même son ADN a disparu.
C'est ma faute
Que Pirlo se rassure, il n'est pas le seul coupable de cette saison décidément bien compliquée pour la Juve. La genèse remonte à loin. "C'est un échec sportif, structurel et technique", estimait La Stampa, quotidien basé à Turin. Du président Andrea Agnelli au directeur sportif Fabio Paratici, du vice-président Pavel Nedved aux joueurs... Chacun a sa part de responsabilité dans l'échec qui se profile. Même si certains un peu plus que d'autres. La saison dernière, Maurizio Sarri, pourtant bien plus expérimenté que son successeur, avait lui aussi connu bien des difficultés. A une grande différence près : lui était parvenu à conserver le scudetto malgré le contexte et les obstacles. Mais le virage "esthétique", souhaité après la fin de l'ère Allegri, a été manqué par la Juve. Pis, elle est moins belle et victorieuse qu'avant.
Juventus - AC Milan
"J'avais des choses en tête, mais avec certains types de joueurs, cela devient difficile. Si je n'ai pas pu tirer le meilleur de ces joueurs, c'est ma faute. Je suis à la Juve et il est de mon devoir de faire mieux. Si quelque chose ne va pas, je prends toute la responsabilité", reconnaissait Pirlo dimanche soir. Une déclaration qui fait écho à certaines de son prédécesseur, lui aussi incapable de bien faire jouer cette équipe. Comme si certaines consignes n'étaient pas vraiment pas comprises ou absorbées par les joueurs. "Une équipe, c'est quand onze joueurs parviennent à intérioriser des choses. Cela va au-delà de la tactique et la technique. C'est quand les réponses deviennent automatiques des entraînements aux matches", nous confiait le grand Arrigo Sacchi il y a quelques mois. Aujourd'hui, la Juve est probablement tout sauf une équipe. "Il y a des joueurs en fin de cycle, Pirlo n'est pas l'unique coupable de tout ça", écrivait l'ancien entraîneur de l'AC Milan lundi dans les colonnes de La Gazzetta dello Sport. Pas "l'unique coupable", oui, mais toutefois l'un des responsables.

Des statistiques qui ne pardonnent pas

Contrairement à d'autres joueurs devenus ensuite entraîneurs, l'ex-international italien n'a pas fait la fameuse "gavetta", si chère aux techniciens italiens. Soit gravir les échelons et partir du bas pour viser plus haut. Avant d'atterrir sur le banc de la Juve, Conte était passé par celui d'Arezzo, Bari, Bergame (avec l'Atalanta) ou encore Sienne. Avant ses succès à la tête de l'équipe première du Real Madrid, Zinedine Zidane s'était formé aux côtés de Carlo Ancelotti en intégrant son staff. Son passage au Castilla a également été formateur. Filippo Inzaghi, lui, s'était par exemple brûlé les ailes en acceptant le poste d'entraîneur principal de l'AC Milan après un passage réussi du côté de l'équipe réserve. L'ancien attaquant l'avait bien compris, n'hésitant pas à repartir ensuite de la D3 italienne. Après son passage (difficile) sur le banc milanais, Clarence Seedorf, de son côté, ne s'est que difficilement remis en selle (Shenzhen, Deportivo La Corogne, Cameroun). Entraîner n'est pas seulement un métier, mais c'est aussi une vocation. Elle se cultive au fil des années.
Andrea Pirlo pourra se servir de ces exemples pour rebondir la saison prochaine, puisque la presse italienne a d'ores et déjà acté son départ en fin de saison. Peu importe le final, les enseignements sont déjà nombreux pour lui. Il semble évident, aujourd'hui, qu'il n'était pas prêt pour une telle expérience. La Juve a tenté un pari l'été dernier. Il est perdu. "L'une des plus grandes erreurs des dirigeants de la Juve a été le choix de l'entraîneur, pouvait-on lire dans les colonnes de la Gazzetta. Ils ont sous-estimé les difficultés de Sarri à gagner. Et plutôt que de relancer avec un entraîneur solide, ils ont donné le banc à quelqu'un qui ne l'avait jamais vu."
Dans le cauchemar vécu grandeur nature par Pirlo cette saison, des statistiques qui en reflètent l'intensité. Dans sa glorieuse histoire, jamais la Juventus n'avait encaissé deux défaites sur un score de 0-3 à domicile en une saison. C'est chose faite. Au classement, elle comptabilise actuellement 69 points après 35 journées, soit le pire bilan depuis 10 ans. 20 victoires et 6 défaites : c'est également un record négatif pour la Vieille Dame au cours de la dernière décennie. Un temps considéré comme une véritable forteresse, l'Allianz Stadium est aujourd'hui à portée de tous. Inauguré en 2011, il n'avait jamais connu autant de défaites (3) que lors de cette saison 2020-2021. Il est donc temps qu'elle se termine. Pour le bien de la Juve. Et pour celui de son entraîneur, aussi.
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