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Fausse-vraie mort de Raiola, indignation : En Italie, certains dénoncent le "déclin" du journalisme

Guillaume Maillard-Pacini

Mis à jour 02/08/2022 à 18:01 GMT+2

ITALIE - L'information, dramatique, avait rapidement été diffusée sur les réseaux sociaux le 28 avril dernier. La presse italienne annonçait alors le décès de Mino Raiola, célèbre agent de Paul Pogba ou encore Zlatan Ibrahimovic. Quelques heures plus tard, son entourage démentait le tout. Une erreur qui a symbolisé une course à l'information banalisée en plus d'indigner certains de nos confrères.

La presse italienne annonçant l'arrivée de Cristiano Ronaldo à la Juventus

Crédit: Getty Images

Nous sommes le 28 avril 2022. Peu après 13h30, l'information tombe : Mino Raiola est décédé. Le célèbre agent de Zlatan Ibrahimovic ou Paul Pogba, opéré en janvier dernier à la clinique San Raffaele de Milan, n'a pas survécu à ces nouveaux problèmes de santé. C'est du moins ce qu'annonce en première la chaîne de télévision privée italienne "La7" dans un tweet. "Plus d'informations à suivre", est-il précisé. Créée en 1974, "La7" peut être considérée comme une source plus que fiable de l'autre côté des Alpes. Dramatique, la nouvelle fait bien évidemment le tour du monde et des réseaux sociaux. Le journaliste Tancredi Palmeri, très suivi sur Twitter, y va également de son tweet.
Près de vingt minutes plus tard, le site de La Gazzetta dello Sport en fait sa Une : "Mino Raiola est mort, il avait 54 ans", titre le quotidien sportif le plus lu de la Botte. Un autre média national, Tuttosport, lui emboîte le pas. L'annonce de ce décès est ensuite traduite et reprise dans plusieurs pays, de l'Espagne à l'Angleterre en passant par la France. Au vu de la fiabilité des médias concernés, Eurosport décide également de rapporter l'information à ses lecteurs, tout comme L'Équipe et d'autres sites français.
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Mino Raiola

Crédit: Getty Images

Alors que le monde du football est sous le choc de la disparition de cette figure contrastée et souvent détestée par les fans, le média néerlandais "Nos" rapporte des propos de José Fortes Rodriguez, son bras droit, qui dément une première fois l'information : "Il est en mauvaise posture, mais il n'est pas mort". Puis l'agence de presse italienne ANSA, équivalente à l'AFP en France, évoque un état "très grave" de l'agent italo-néerlandais. Le célèbre professeur de la clinique milanaise Alberto Zangrillo assure que Raiola continue à "se battre", pendant que le médecin-chef "s'indigne de ceux qui spéculent sur une vie”. Ce suspense morbide prend fin avec le tweet du principal concerné. "État de santé actuel pour ceux qui se demandent : énervé, pour la deuxième fois en 4 mois ils me tuent. Semble également capable de ressusciter", ironise-t-il. Le rétropédalage devient inévitable pour les médias et journalistes concernés, même si le célèbre agent décède officiellement deux jours plus tard.

Comment une telle erreur a pu se produire ?

Tancredi Palmeri publie deux tweets pour "s'excuser", supprimant celui initial qui annonçait la mort de Raiola. "Ce n'était pas de la spéculation ou une course à l'info. Je ne ferais jamais rien de tel sur un tel sujet. La nouvelle a été annoncée par La7, la chaîne italienne la plus cotée et ensuite confirmée par tous les plus grands médias italiens. Mais j'ai mal tweeté, je suis mortifié et je m'excuse", regrette le journaliste de beIN Sports et CNN, précisant dans la foulée l'auto-suspension de son compte pour une semaine. Première à avoir dégainé, La7 décide elle aussi d'effacer son message sur Twitter, avant de modifier son article sans le préciser. Même méthode pour La Gazzetta dello Sport, qui laisse l'information en Une mais parle désormais d'un Mino Raiola "dans un état très grave" mais "pas mort". L'article est indiqué comme constamment "mis à jour". Du passé, l'écriture passe au présent.
Contacté, un journaliste du quotidien nous indique ne pas "comprendre" comment une telle erreur a pu se produire. "Tout le monde avait sorti l'information...", déplore-t-il. La direction du journal, elle, parle d'une "erreur collective", assurant que toutes les publications sont "vérifiées", "recoupées" et doivent toujours recevoir en amont "l'aval des rédacteurs en chef". "Si l'information a été publiée, c'est qu'elle avait été confirmée par diverses sources", rappelle-t-elle. Avant de reconnaître toutefois une faute "évitable", "grave" mais dont la responsabilité ne peut être "imputée à une seule personne".
Un autre journaliste, cette fois travaillant du côté du Corriere dello Sport (qui n'avait pas sorti l'information), parle lui d'un journalisme italien "de plus en plus ridicule". "Ils ne font que du copier-coller et publient des informations sans les vérifier, nous raconte-t-il. La qualité est très basse et ne fait que diminuer au fil des années, notamment avec les réseaux sociaux et l'apparition des pseudos journalistes. Nous avions décidé de rien sortir car des démentis sont rapidement arrivés de la part de ses assistants, il suffisait de passer quelques coups de fil..."
Enfin, un dernier travaillant sur une radio nationale résume : "C'est la pierre tombale du journalisme sportif, mort depuis bien des années ici. On ne vérifie plus rien. Moi, j'étais en direct et en fin d'émission quand j'ai appris la nouvelle. Je décide de ne rien dire tant que je n'ai pas une dépêche officielle de l'ANSA, ou alors une confirmation de l'un de ses proches. On ne parle pas d'une info mercato là, mais quand même d'un décès. Et puisque je n'ai rien eu avant de rendre l'antenne, j'ai pris le parti de ne pas en informer les auditeurs. Malheureusement, cette erreur symbolise une course à l'information constante et la dérive d'une certaine forme de journalisme. Aujourd'hui, on privilégie les ventes et les clics à l'informationpure et dure." Il demeure important, toutefois, de ne pas généraliser à l'ensemble du journalisme, italien, français et d'ailleurs. Au pays du grand Gianni Brera, la presse, comme les médias en général, font partie des traditions les plus ancrées.

La vente des quotidiens en berne

Malheureusement pour la presse transalpine, ce triste épisode ne risque pas d'arranger des ventes sur le déclin. Un exemple concret : en janvier 2022, un total de 1,2 million de quotidiens a été vendu, soit 11% en moins que janvier 2021. Le Corriere della Sera, quotidien généraliste le plus vendu en Italie, déplore des ventes en baisse de 9% sur l'année et de 54% sur la décennie écoulée. Pas mieux pour La Gazzetta dello Sport, qui vendait plus de 214.000 quotidiens en janvier 2012. Dix ans plus tard, le chiffre est de 79,887. Le Corriere dello Sport est passé de 156.172 à 37.879, et Tuttosport de 87.143 à 22.822, le tout selon des chiffres officiels. Pour sa défense, les résultats des ventes des journaux "papiers" ne sont guère plus flamboyants ailleurs.
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"Toute l'Italie le réclame : Leclerc doit être nommé pilote N°1"

Du côté du digital, on compte aux alentours de 430.000 abonnés pour les médias transalpins, dont 100.000 pour le Corriere della Sera. Pour La Gazzetta dello Sport, le nombre de visiteurs uniques pour le site était en moyenne de 19,6 millions en 2021. Le groupe d'édition multimédia italien RCS MediaGroup, qui possède le quotidien (parmi beaucoup d'autres), se félicitait des recettes liées au digital estimées à 205 millions d'euros, soit 19% de plus qu'en 2020, comme communiqué après la réunion du Conseil d'Administration à la mi-mars. "Les recettes sont de 846,2 millions d'euros, soit 12,9% que 2020 (...) Le résultat net du groupe est positif de 72,4 millions, beaucoup plus élevé que les 31,7 millions de 2020".
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