AC Milan - Inter Milan | "Courage, fuyez !" : Le derby, le titre et l'affront

Certains ont déjà tout prévu. "J'ai pris des engagements professionnels et familiaux qui vont me permettre de quitter la ville en mai", plaisante par exemple un salarié de l'AC Milan. Pour d'autres, il sera temps de partir un peu en vacances, loin, très loin de la capitale lombarde. "Le seul critère que j'avais pour choisir ma destination, c'était de partir d'ici", sourit un habitué de Milanello, le centre d'entraînement milanais, qui ne veut tout simplement "pas assister à ça".

"Ça", c'est l'énorme fête prévue sur plusieurs semaines par le grand rival, l'Inter, en passe de remporter son vingtième Scudetto, soit un de plus que les "cugini" ("cousins" en italien, surnom donné entre les tifosi des deux clubs) rouges et noirs. Surtout, ce titre, qui ne fait aucun doute puisque les Nerazzurri comptent 14 points d'avance à six journées de la fin, sera synonyme de deuxième étoile, une comptant pour dix championnats. Dans cette course, le "Biscione" (serpent symbole de l'Inter) n'aura fait qu'une bouchée du "Diavolo" (le "diable", symbole de l'AC Milan).

Selon La Gazzetta dello Sport, les dirigeants intéristes ont vu les choses en grand pour fêter cette quête historique. Concert, parade, panneaux publicitaires, nouvel hymne, repas au Castello Sforzesco, lieu symbolique de Milan... Toute la ville va se parer de bleu et noir. "Et si possible pendant un mois et demi", tablait le quotidien lombard en début de semaine. Le paradis pour les uns. L'enfer pour les autres. Et ce n'est pas fini. En effet, histoire de bien marquer le coup et donner une autre dimension historique à son 20e titre, l'Inter espère maintenant le remporter... dans le derby.

Car oui, lundi (21h), les coéquipiers de Marcus Thuram et Benjamin Pavard seront officiellement sacrés en cas de victoire face à ceux d'Olivier Giroud, Théo Hernandez ou encore Mike Maignan. Ce serait une grande première en 116 ans derby milanais. Qui plus est dans un stade aux trois quarts rouge et noir, puisque c'est bien l'AC Milan qui reçoit son voisin. Autant dire que tous les ingrédients sont réunis pour assister à un match épique, bien qu'il ait été décalé au lundi pour laisser le temps aux locaux de récupérer du quart de finale retour de la Ligue Europa face à l'AS Rome, jeudi. "On se prépare pour un évènement qui pourrait être historique", a déclaré vendredi l'administrateur délégué du club Giuseppe Marotta.

"L'important, c'est que la deuxième étoile arrive, a tempéré Massimo Moratti, ex-président historique de l'Inter, au Corriere della Sera. Il n'y a pas besoin de faire une fixette sur le fait qu'elle arrive lors du derby. Le match face à Milan, c'est autre chose. Il faut gagner car c'est important et que ce n'est pas une rencontre comme les autres." "Si on devait gagner le titre dans le derby, ce serait fou, a quand même reconnu le très attendu Hakan Calhanoglu, ex-joueur de l'AC Milan et désormais à l'Inter, au micro de CBS Sports la semaine passée. Mais ce sera un match très dur mais j'espère surtout que ce sera une rencontre belle et correcte. De plus, j'espère que d'éventuelles festivités pour le titre seraient tranquilles, car je me souviens comment ils avaient fêté le leur il y a deux ans. Et donc je veux être calme."

A l'issue de la saison 2021-2022, il est vrai que Zlatan Ibrahimovic, désormais dirigeant du club lombard, et sa bande, n'avaient rien épargné aux grands rivaux après avoir remporté leur duel pour le titre lors de l'ultime journée. Chants, insultes... Tout y était passé. Deux ans plus tard, l'heure de la revanche est-elle venue ? "Je ne veux pas jeter de l'huile sur le feu, prévenait Calhanoglu, ciblé à l'époque par une grande partie des ses ex-coéquipiers. Je préfère rester tranquille. J'ai toujours souhaité le meilleur à mes anciens coéquipiers, nous avons un beau rapport. Le chapitre est refermé avec eux, gagner le titre dans le derby pour moi ne change rien. L'important, c'est de le gagner."

Une communication policée et suivie par tout son club. Publiquement, personne n'assure vouloir gagner le Scudetto coûte que coûte dans le derby. Mais officieusement, tout le monde en rêve. "Cela nous ferait plaisir, on va se préparer au mieux pour ça, a concédé Simone Inzaghi à DAZN le week-end dernier. Si nous le gagnons lundi, c'est bien. Sinon, il y aura d'autres occasions. Milan voudra faire au mieux devant ses tifosi." Et se racheter, possiblement, d'une élimination douloureuse contre la Roma (2-1,1-0 à l'aller), jeudi, en plus des cinq derbies perdus en 2023, dont les deux demi-finales de la Ligue des champions. Pour un total de 12 buts à 1.

"L'Inter va remporter le titre, mais nous voulons retarder son sacre au moins d'une semaine, a annoncé le technicien des Rossoneri Stefano Pioli. Nous souhaitons aussi conserver la deuxième place, qui reste un résultat prestigieux. On va donner notre maximum." Mais cela ne changera rien à son destin. Après une nouvelle saison blanche, la deuxième consécutive, celui qui est arrivé sur le banc milanais en octobre 2019 devrait être remercié en fin de saison.

"L'impression est que le cycle est terminé", écrivait La Gazzetta dello Sport vendredi, au lendemain de l'élimination sans appel en Ligue Europa, devenu pourtant un objectif primordial pour ses dirigeants. Sur le fond comme sur la forme, la double confrontation perdue contre la Roma a marqué les esprits. Et pas forcément en bien. "Mon avenir ? On fera le point en fin de saison avec la direction, puis nous ferons le bilan et nous prendrons une décision", a prévenu l'intéressé cette semaine en guise d'aveu.

Avant de probablement se séparer, Pioli et Milan ont un ultime objectif cette saison : gagner - ou ne pas perdre - le derby, lundi, pour retarder la fête du rival honni. "Après le match à Rome, et après avoir sifflé copieusement et demandé qu'ils sortent leurs p***** de c*******, nous avons réclamé aux joueurs un ultime sursaut d'orgueil dans cette saison. Plus que gâcher leur fête, qui aura de toute façon lieu, nous voulons une victoire dans le derby, ce qui manque depuis trop longtemps", glisse un membre de la Curva Sud Milano, qui regroupe les principaux groupes ultras. Puis viendra probablement le temps du "courage, fuyez !" avant un mois de mai qui s'annonce long, très long, pour la partie rouge et noire de Milan.