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Coupe de la League - "Gamins" de Liverpool d'un côté, "dégonflés" de Chelsea de l'autre, vraiment ?

Philippe Auclair

Mis à jour 28/02/2024 à 17:34 GMT+1

"Dans la prolongation, ça a été les gamins de Klopp contre les dégonflés en bleu qui ont coûté un milliard". Cette phrase, lancée par un Gary Neville surexcité sur Sky Sports à la conclusion de la finale de la Coupe de la Ligue, est de celles qui s'impriment dans la mémoire. Dès le coup de sifflet final à Wembley, elle était reprise partout sur les réseaux et allait alimenter chroniques et débats.

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Pour beaucoup, Gary Neville avait tapé dans le mille : la victoire d'un Liverpool se reposant sur les gamins de son académie était la meilleure illustration possible de ce que Chelsea avait eu tout faux dans sa stratégie depuis que Todd Boehly et ses associés du fond d'investissement Clearlake ont dressé le pavillon américain sur Stamford Bridge. Une stratégie qui avait bien coûté un milliard.
C'était aussi bien sûr un coup de chapeau de plus au grand manager dont Liverpool et l'Angleterre portent déjà le deuil, ce technicien passionné qui ne craignit pas de faire appel à des adolescents dans une finale. Mieux encore, ces gamins avaient joué avec le cran, l'énergie et le panache qu'on a pris l'habitude d'attendre de leurs aînés portant le maillot rouge. C'était la preuve que la culture kloppienne, comme celle instillée par Shankly, Paisley, Fagan et consorts avant lui, avait pris racine dans le club tout entier, de l'académie à l'équipe première. La victoire à laquelle on venait d'assister en était la plus belle des récompenses. Klopp lui-même, en parlant de cette modeste Carabao Cup comme du plus grand triomphe de sa carrière, ne disait finalement pas grand chose de différent. Mas que un match.
Il y avait une part de vérité dans tout cela. Les jeunes lancés sur le terrain par Klopp entre les 72ème et 87ème minutes, dans l'ordre : Bobby Clark, 19 ans, Jayden Danns, 18 ans, et Bobby McConnell, 19 ans, dont l'expérience de la Premier league est quasi-inexistante, s'étaient admirablement acquittés de leur tâche, et la comparaison avec le rendement des recrues si coûteuses de Chelsea n'était pas des plus flatteuses pour celles-là.
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La tentation du narratif en noir et blanc

De là à adopter un point de vue aussi manichéen que celui exprimé par Neville, il y a pourtant un pas, quoi qu'on pense des propriétaires et des dirigeants des deux clubs, de leur démarche et de leurs ambitions respectives. Le problème est qu'une part de vérité est précisément cela : une part, pas la vérité toute entière. Le football a décidément beaucoup de mal à résister à la tentation de plaquer un narratif en noir et blanc, ou, dans ce cas, en rouge et bleu, sur ce qui, le plus souvent, est de l'ordre du chaos - un mot qui convenait pourtant admirablement pour décrire ce à quoi on avait assisté à Wembley.
Tout d'abord, bien que, depuis le départ de Roman Abramovitch, Chelsea ait fait le choix de se séparer de plusieurs de ses joueurs formés au club - comme Robin Loftus-Cheeks, Callum Hudson Odoi et le pauvre Mason Mount pour n'en citer que trois -, et que le plus talentueux de ses apprentis, Reece James, ait manqué la finale de la League Coup pour cause de blessure, il y avait autant de produits de l'académie des Blues que de celle des Reds au coup d'envoi de la finale de dimanche : deux. Côté Liverpool, Caoimhín Kelleher et Conor Bradley (encore que l'lrlandais Kelleher ne rejoignit le club de la Mersey pour de bon qu'à l'âge de 17 ans); côté Chelsea, Conor Gallagher, un Blue depuis qu'il a 8 ans, et Levi Colwill, qui rejoignit l'académie de Cobham au même âge.
Si Klopp fit appel à son trio de teenagers, c'est qu'il n'avait pas le choix. C'était le fruit de circonstances exceptionnelles, pas d'une politique à long terme dont le but avoué aurait été d'intégrer autant de produits de l'académie que possible dans l'équipe première; à moins qu'on entende par là ce qui est l'ambition de quelque club que ce soit et n'a rien de remarquable en soi. Parler des "gamins de Klopp" n'a d'ailleurs pas grand sens. Le coach allemand les a intégrés dans son groupe, mais ne les a pas formés. Cela n'est en rien dénigrer son travail, ou l'excellence des détecteurs et des formateurs de Liverpool, ou la contribution de Clark, Danns et McConnell. C'est seulement contextualiser un moment à part dans l'histoire récente des Reds.
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Virgil van Dijk entouré de Jayden Danns et Bobby Clark

Crédit: Getty Images

Klopp n'avait tout simplement pas le choix

Il faut se souvenir que Klopp se présentait à Wembley avec un groupe auquel manquaient suffisamment de joueurs pour composer - à une unité près - un onze capable de se battre pour le Top 4 en Premier League : Alisson, Trent Alexander-Arnold, Joel Matip, Stefan Bajcetic, Curtis Jones, Dominik Szobozlai, Thiago Alcantara, Diogo Jota, Darwin Nuñez, Mohammed Salah. Que Liverpool ait dû se reposer sur ses jeunes pour aller au bout de leur match à Wembley n'est pas seulement logique. C'était inévitable.
Placé dans une situation identique, Mauricio Pochettino aurait fait les mêmes choix. Après avoir fait entrer en jeu un autre diplômé de l'académie de Chelsea, Trevor Chalobah, il aurait été obligé de faire se lever du banc Billy Gee et Alfie Gilchrist, 18 ans tous les deux, dont dix passées au centre de formation de Cobham. Qu'aurait-on dit alors ? Et qu'aurait-on dit si Conor Gallagher ou Cole Palmer s'étaient montrés plus précis devant le but de Kelleher?
Le paradoxe est qu'en montrant du doigt les 'dégonflés' de Chelsea (qui finirent la rencontre avec une équipe dont la moyenne d'âge était inférieure à celle de Liverpool) et en mettant en avant l'inexpérience de quelques-uns des joueurs de Liverpool, on ne fait pas que simplifier jusqu'à l'absurde le cours d'une confrontation haletante et indécise pendant 118 minutes. On minimise ce qu'un Liverpool cruellement affaibli a accompli à Wembley si on minimise ce que son adversaire a offert. Ce Liverpool mérite mieux.
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