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Série d'été sur le mercato 2003 - Ronaldinho au FC Barcelone, jeu de dupes et "vol" du Barça à MU

Cyril Morin

Mis à jour 01/08/2023 à 15:11 GMT+2

A l'été 2003, Joan Laporta, récemment élu à la tête du FC Barcelone, cherche la star à même de relancer le géant catalan endormi et endetté. Après l'écran de fumée David Beckham, le président catalan renoue avec la tradition brésilienne du Camp Nou en attirant Ronaldinho dans ses filets. Le tout en doublant Manchester United, piégé par le clan du joueur et par le PSG.

Série d'été sur le mercato 2003 - Ronaldinho au FC Barcelone, toute une histoire

Crédit: Marko Popovic

Cette semaine, Eurosport vous fait revivre l'été où le football a changé d'ère. 2003 marque un tournant pour les Galactiques du Real Madrid, pour le nouveau riche Chelsea ou pour le transfert d'un prodige, Cristiano Ronaldo. Ce mardi, deuxième épisode de notre série avec le transfert de Ronaldinho au FC Barcelone au nez et à la barbe de Manchester United.
Et dire qu'on aperçoit bien plus Denilson que lui. Avril 2002 : Nike sort les gros moyens pour promouvoir le Mondial en Asie. Terry Gilliam à la réalisation d'une campagne de publicité estimée à 100 millions de dollars, Eric Cantona en arbitre provocateur d'un tournoi caché réunissant 24 des meilleurs joueurs au monde : Thierry Henry, Ronaldo, Edgar Davids, Luis Figo, Roberto Carlos et… Ronaldinho. A l'époque, "Dinho" n'a pas la renommée de ses adversaires et c'est donc au sein d'une équipe improbable, celle des "Funk Seoul Brothers" composée du dribbleur fou Denilson et du Sud-Coréen Seol Ki-hyeon, que le Brésilien quitte "The Secret Tournament" dès les quarts de finale. Il n'empêche, cette pub, c'est la confirmation de son statut de star naissante dans la galaxie Nike.
Il faut dire que ses premiers mois passés en Europe n'ont pas fait dégonfler la réputation qui accompagne Ronaldo de Assis Moreira depuis ses débuts. Le prodige gaucho, d'où son surnom, a d'abord régalé Grêmio pendant trois ans avant d'atterrir à Paris par l'entregent du directeur sportif du PSG Jean-Luc Lamarche, ami de Roberto Assis, frère et agent de la pépite, déjà internationale (14 sélections) et élue meilleur joueur de la Coupe des Confédérations 1999. A Paris, l'effusion est réelle à son arrivée en 2001, poussant même le pauvre gamin de 21 ans sur le plateau de Thierry Ardisson où les vannes de Laurent Baffie lui sont étrangères.
La suite, ce sont des fulgurances qui caractériseront ce génie au potentiel insoupçonné et pas tout à fait pleinement exploité sur la durée. Sa première saison acte un fait que tous ses partenaires d'entraînement ont décelé dès ses premiers ballons au Camp des Loges : Ronaldinho est à part, trop fort, trop technique, trop vif, trop tout quand il s'y met vraiment. Et le monde va le comprendre encore un peu plus en Asie, où le Brésil décroche sa cinquième étoile grâce à sa constellation d'astres. Ronnie y brille de mille feux, David Seaman peut en témoigner. Bref, à l'été 2002, tout le monde a déjà compris à Paris : plus rien ne sera plus jamais comme avant.

Feuilleton de l'été parisien

A son retour dans la capitale, son quotidien parisien marrie sorties nocturnes et performances irrégulières malgré des buts encore hors du commun. Luis Fernandez tente de défendre le club, sanctionne sa star, le met sur le banc, se fait tomber dessus par l'opinion publique ainsi que par son président. Bien avant Neymar, bien avant Mbappé, Ronaldinho avait déjà été trop grand pour Paris. A l'été 2003, l'évidence s'impose : Ronaldinho va partir. Chelsea, le Real Madrid et Manchester United sont en première ligne tandis que le FC Barcelone, en pleine période électorale, part avec du retard sur le papier.
Au PSG, on fait semblant de croire dur comme fer à la possibilité de garder le Brésilien, encore sous contrat pour trois ans. Nommé président tout début juin 2003, Francis Graille hérite du bébé et tonne… sur le site officiel de Manchester United : "Je sais que, tôt ou tard, Ronaldinho va m’annoncer qu’il veut rester. Les négociations se poursuivent, mais je suis de plus en plus sûr qu’il sera à Paris la saison prochaine". Vahid Halilhodzic, nouveau coach parisien, claironne qu'il attend Ronnie à Aix-les-Bains le 10 juillet 2003 pour le stage d'avant-saison du PSG. Il l'attendra longtemps…
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Ronaldinho, sous le maillot du PSG

Crédit: Getty Images

Parce que depuis des semaines, déjà, Manchester United avance ses pions. A Old Trafford, l'icône David Beckham va partir, il faut du sang neuf dans cette équipe mancunienne, qui cherche un atout créativité et percussion pour ouvrir une nouvelle ère. "Essayer d'acheter Ronaldinho, c'était simplement le reflet de la politique de Manchester United qui s'appuie sur des joueurs phares, presque des talismans, expliquait ainsi Sir Alex Ferguson des années plus tard à GQ. Je cherchais toujours ce type de talents". Pour faire passer son message à sa direction, Fergie ne mets pas les formes face à une direction pas forcément convaincue au premier abord. "Sur ce coup-là, ma réflexion était simple : 'On allait récupérer près de 30 millions pour Beckham, on allait dépenser 25 pour Ronaldinho. Les gars, réveillez-vous !' C'était du vol".

Quand Graille utilise le Barça

Un vol qu'il faut encore organiser. C'est le puissant Peter Kenyon, CEO du club, qui est en charge des négociations. La partie semble déjà jouée d'avance. Tellement que même Ronaldinho en vient à parler de ce transfert imminent à des proches. Champion du monde avec Ronnie l'été passé, Kleberson est carrément encouragé par son pote de choisir Manchester lors de la Coupe des Confédérations qu'ils disputent ensemble. "Il m'a dit qu'il allait signer à Manchester, expliquait le Brésilien à ESPN en 2018. […] Il n'arrêtait pas de me dire 'Viens à Manchester'. J'avais envie mais j'étais aussi un peu hésitant car je ne parlais pas anglais et United n'avait aucun joueur qui parlait portugais. Mais Ronaldinho m'a persuadé, j'ai fini par signer chez Manchester United. Lui, non."
Début juillet, pourtant, à l'heure où le clan Ronaldinho sèche la reprise avec le PSG, Manchester United semble toujours le principal favori. Les médias anglais bruissent d'une offre oscillant entre 25 et 30 millions d'euros, mais Francis Graille clame haut et fort qu'il s'agit là de posture. Le feuilleton s'étire plus que prévu, d'autant que le premier montant officiel soumis par MU atteint péniblement les 16 millions d'euros, une injure aux yeux des dirigeants parisiens.
Le 15 juillet, en manchette, L'Equipe s'interroge : "Ronaldinho, le jour J ?". Le 16 juillet : "Ronaldinho à tous les prix". Le 17 juillet, en plein Tour, c'est carrément la Une que truste le Brésilien : "L'intrigue Ronaldinho". Le mot est bien choisi tant le dossier tourne parfois au ridicule, avec un Roberto Assis omnipotent et un joueur presque désintéressé qui donne les pleins pouvoirs à son agent de frère.
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Roberto de Assis Moreira, frère et manager de Ronaldinho

Crédit: Imago

Le 17 pourtant, c'est une réunion au sommet qui est organisée à Paris. Francis Graille, Peter Kenyon, Sir Alex Ferguson et Roberto Assis passent plus de six heures ensemble pour décanter le dossier. Financièrement, un accord contractuel et salarial a été trouvé entre le club mancunien et le joueur mais MU rechigne encore à payer la somme réclamée par Graille, à savoir 30 millions. "En bon Auvergnat, je n'entends rien lâcher", rigole le dirigeant parisien qui a pu compter sur une offre du FC Barcelone conforme à ses attentes pour faire monter la pression.

L'arme secrète de Laporta

Pendant que Sir Alex Ferguson bataille avec son conseil d'administration et Kenyon qui refusent d'aligner la somme réclamée, Joan Laporta se présente dans l'ombre avec une arme secrète, bientôt fatale : Sandro Rosell. Grand manitou de Nike au Brésil entre 1999 et 2003, il dispose d'un réseau solide mais surtout d'un lien direct d'amitié avec Ronaldinho et son frère. Le duo barcelonais n'est pas encore arrivé au pouvoir au Barça mais a déjà l'amour des coups. L'épisode Beckham ne sera qu'une mise en bouche à la vue de ce qui attend la Catalogne.
Des mois auparavant, Rosell a discuté avec Ronaldinho, lui a soumis l'idée d'un transfert au Barça, sous le soleil de Barcelone, avec un club habitué à gérer des artistes brésiliens et des artistes tout court. Tout l'opposé de Manchester United. Le discours fait mouche, comme l'expliquait Ronaldinho auprès de Four Four Two en 2014.
"C'était presque fait avec United, expliquait-il. C'était l'affaire de 48 heures mais Sandro Rosell m'avait dit, bien avant que je reçoive l'offre : 'Si je deviens président du Barça, est-ce que tu viendrais ? J'avais dit oui. Il ne restait que quelques détails avec Manchester quand Rosell a appelé pour dire qu'il allait gagner l'élection là-bas. Et puisque je lui avais promis que je jouerais au Barça…". L'histoire est romantique mais cache une réalité bien plus pragmatique, comme l'a raconté Rosell depuis.
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Sandro Rosell

Crédit: Getty Images

"Le frère de Ronaldinho nous a rencontré dans un hôtel où il y avait aussi des représentants de Manchester. On était dans deux chambres séparées et lui faisait des aller-retours en comparant les offres. A un moment, on a atteint un point de non-retour pour ce que le Barça pouvait se permettre d'offrir". Rosell demande alors à Luiz Felipe Scolari, lui aussi un ami, d'appeler le joueur pour lui vendre le projet barcelonais.

La presse catalane prise de court

Le mythique sélectionneur de la Seleção écoutera le joueur, visiblement en plein doute, avant de le pousser dans les bras du Barça. "Ronnie doutait parfois de ses capacités, expliquera Scolari dans un documentaire pour la FIFA. Il avait besoin de personnes qui l'appréciaient pour ce qu'il était". Le solaire Ronnie hésite à rejoindre la déprimante Manchester, ce qui inspirera cette phrase à Quinton Fortune, alors joueur de MU : "Je crois qu'on a eu tort de faire venir Ronaldinho à la mauvaise période de l'année puisqu'il pleuvait le jour où il a débarqué à l'aéroport de Manchester".
Dans l'affaire, le PSG aussi a joué de son influence. Fidèle à ses promesses, Graille repousse l'offre de 27 millions secs de MU là où le Barça propose 27+3M. C'est donc une conjonction de facteurs qui finissent par diriger Ronnie vers la Catalogne à la surprise générale. Une preuve ? Le 16 juillet, Mundo Deportivo fait sa une sur "Ronaldinho qui s'éloigne" et dresse déjà les portraits de Deco ou Pablo Aimar, pistes B dans ce dossier. Le 20 juillet, Ronaldinho débarque en Catalogne face à des journalistes et des supporters aussi soufflés qu'heureux. Malgré l'absence de Ligue des champions, et une situation financière délicate, ils accueillent un astre à même de redorer leur blason. A raison puisque Ronaldinho deviendra "R10" au Camp Nou, sera sacré Ballon d'Or et ramènera une Ligue des champions espérée depuis 1992 dès sa troisième année.
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Ronaldinho lors de sa présentation à l'été 2003

Crédit: Getty Images

Du côté de Manchester United, en revanche, c'est la douche froide. "Franchement, c'était décevant de rater Ronaldinho, avouera Ferguson des années plus tard, chargeant son CEO. Il y avait un problème avec son frère mais Peter Kenyon, qui était en charge de l'opération, n'a pas fait le boulot". Dans l'équipe première, aussi, on est dégoûté. Interrogé par la BBC en 2020, Paul Scholes décrit fidèlement l'état d'esprit du groupe à l'époque.
"On était proche d'annoncer Ronaldinho et de lui attribuer un numéro mais il a changé d'avis au dernier moment pour choisir Barcelone. […] On était tous super excités. Ronaldinho, franchement, quel joueur ! Il venait du PSG et devait apporter quelque chose de spécial". Mais la rancœur est tenace. Le même été, Manchester United et le Barça se rencontrent en match de préparation à Philadelphie, quelques jours après ce retournement de situation. "Trois jours après, ou presque (le 3 août en réalité, NDLR), on jouait contre lui et on a tous essayé de le faucher à cause de ça". Raté, là encore. Ronnie réussit une passe décisive sublime pour Patrick Kluivert et fait vivre un calvaire à la défense mancunienne malgré la victoire des Red Devils (1-3).
Ferguson est dépité et doit alors se tourner vers d'autres pistes. Il n'aura pas besoin d'attendre très longtemps. Trois jours plus tard, le 6 août, sa troupe se déplace à Lisbonne pour affronter le Sporting Portugal. Là aussi, un artiste crève l'écran. Un certain Cristiano Ronaldo…
  • A suivre mercredi : L'épisode 3 consacré au transfert de Cristiano Ronaldo à Manchester United
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