"Ça peut sembler bizarre que Porto mette autant d’argent sur Imbula. Mais s’ils le font…"

A peine arrivé à Porto, Giannelli Imbula explose déjà les compteurs. Les 20 millions d’euros que les Dragons viennent d'investir font du milieu de terrain de 22 ans la recrue payée "cash" la plus chère de l’histoire du foot portugais. Le chiffre a été officialisé mercredi par le FCP mais il faudra attendre le prochain rapport des comptes pour connaitre le montant des commissions et autres charges liées au dossier. Si le natif de Vilvorde (Belgique) reste derrière Hulk - et ses 22 millions d’euros - en valeur absolue, Imbula fait plus fort que le Brésilien, que Porto s'était offert en plusieurs traites (5,5 en 2008 + 13,5 en 2011 + 3 millions d’euros en "charges opérationnelles"). La TPO était alors autorisée et l’attaquant allait rapporter 40 millions au FCP, quatre ans plus tard. Pour Imbula, Porto a tout payé en une seule fois.

Votre première réaction sera peut-être - et pour beaucoup - l’étonnement, face à la somme déboursée par le FCP. Ex-entraîneur de la Naval au Portugal, Victor Zvunka a connu Giannelli "tout petit" à Guingamp. Et il commente : "Ça peut sembler bizarre que Porto mette autant d’argent. Mais s’ils le font c’est qu’ils savent qu’ils sont capables de le vendre plus cher d’ici peu de temps". Les recruteurs portistes suivent leur recrue depuis sa période guingampaise. Cet achat, s’il peut sembler excessif par les chiffres, n’a rien de compulsif. Bernardo Silva qui brille à l’Euro Espoirs avec la Seleção vient lâcher que le joueur qu’il a "adoré affronter en Ligue 1" se nomme Imbula : "Il est très bon".

En pariant autant sur l’international Espoirs français, Porto espère donc réaliser un énorme coup, d’ici quelque temps. Et pour finaliser l’opération Imbula, le club de la cité invicta a fait jouer ses réseaux. Doyen Sports soutiendrait l’entreprise du club portugais. En mai dernier, le fonds d’investissement annonçait avec  été "choisi par monsieur Bee Taechaubol" pour devenir "partenaire" de l’AC Milan et mener à bien "la politique sportive du Milan". Son DG Nélio Lucas précisait alors que "Doyen Sports fonctionne comme une banque, finançant des sources de capitaux pour que les clubs puissent acheter des joueurs". En Italie, il se murmure que Doyen qui possède déjà des connections avec Porto (via Brahimi, Sérgio Oliveira  ou Defour, Mangala, Falcao, jadis) était plutôt emballé à l’idée de voir Imbula préférer le FCP à son rival et voisin de l’Inter. Le joueur a d’ailleurs été vu à Porto plusieurs fois escorté de collaborateurs de Doyen Sports.

Si Porto a misé si gros sur un minot, c’est surement pour quelque chose. Le (toujours) Marseillais Modou Sougou qui a fait ses gammes en Liga portugaise assure : "Ce transfert est une très bonne chose pour Porto et pour Imbula qui rejoint un habitué aux coupes d’Europe". "Et puis le jeu de Porto qui va de l’avant, lui convient parfaitement", garantit encore le Luso-Sénégalais. Coach Zvunka et ses 45 années de foot pro enchaînent : "Il va s’y mettre. Je ne me fais pas de soucis au niveau de son jeu et de sa capacité d’adaptation. C’est le seul joueur que j’ai connu avec Stéphane Dalmat qui s’adaptait au niveau de l’équipe dans laquelle il jouait."

L’entraîneur d’Arles-Avignon n’est d’ailleurs pas d’accord avec les critiques dont son ancien poulain a été la cible. Le joueur titille la quarantaine de rencontres avec l’OM en 2014-2015 (2 buts). "Il a connu de très bons moments et des trous, analyse Zvunka. Ce qui est logique, surtout pour un joueur de son âge".  "Il a connu une première année compliquée mais il venait de Ligue 2, atterrissait à Marseille… Ce n’est pas évident, reprend Sougou. Mais lors de la phase aller de cette saison, il était l’un des meilleurs milieux du championnat. Et Marseille était la meilleure équipe à ce moment-là". Simple hasard ?

Au FC Porto, Giannelli Imbula va devoir se trimbaler une étiquette de 20 millions d’euros. Un statut qu’il avait déjà subi, d’une certaine façon, à l’OM. Lorsque les Olympiens avait signé un chèque d’un peu moins de 10 millions d’euros en 2013 (avec les bonus) pour ce alors joueur de L2, doutes et critiques avaient fusé. "Il est imperméable à la pression, répond Victor Zvunka. Quand je l’ai lancé, il avait à peine 17 ans. Il est devenu le plus jeune joueur à débuter une rencontre de Ligue 2. On me disait que j’étais fou mais s’il est bon, il est bon ! Et il a prouvé qu’il l’était." Sougou acquiesce : "Son gros point fort, c’est que c’est un joueur sans pression".  

Le jeune Giannelli a connu quelques situations plus compromettantes. En mars dernier, Le Parisien révélait qu’il avait été débarqué d’un avion devant le mener de Paris à Marseille, pour ne pas avoir respecté les consignes de sécurité. "Une grosse erreur", commentera l’un de ses proches dans L’Equipe. "La notoriété n’est pas toujours facile à gérer, surtout à cet âge-là, soupire Zvunka. Il faut aussi prendre en compte l’entourage du joueur. Son papa est très présent." Selon L’Equipe, il aurait touché quelques 2 millions d’euros lors de la signature de son fiston au Dragon.

Fin 2013, Imbula faisait déjà le buzz, après avoir été écarté de l’équipe de France Espoirs. Willy Sagnol lui reprochait son comportement lors du match face à l’Islande (4-3). Mécontent d’avoir été remplacé, le joueur aurait glissé un : "De toute façon, je m’en bats les couilles", avant de lancer à un kiné lui tendant un manteau : "Je t’ai dit que j’avais froid ?" L’actuel coach de Bordeaux s’était déclaré "extrêmement déçu". Un an plus tard, Pierre Mankowski le rappelle. Mais Zvunka craint que cet épisode ait laissé des marques : "Est-ce qu’on va continuer de tenir compte de ses problèmes avec les Espoirs ? D’autres en ont eu et ont été appelés depuis mais…"

Autre problème, purement sportif : la concurrence. Imbula peut-il se faire une place au milieu de Bleus enrichis par l’éclosion des Pogba, Matuidi, Schneiderlin, Kondogbia… Raymond Domenech peine à y croire. "Il n’a pratiquement aucune chance. Il risque surtout de se perdre. Mais si c’est pour un an et un bonus au prochain transfert…", sourit l’ex-sélectionneur qui avait milité pour un Eliaquim Mangala en EDF, lors de sa période portiste. "Oui mais Mangala joue à un poste où il y a des possibilités…", nuance Domenech.

Les uns s’interrogeront sur son choix de quitter la Ligue 1 pour le championnat portugais. Le ranking UEFA lui donne pourtant raison. Et le FC Porto, abonné à la C1, a grandement contribué à placer le Portugal devant la France au classement. Non, Imbula ne part pas s’enterrer dans l’autre Liga. Il s’engage au FC Porto. Un grand, habitué aux grands rendez-vous. Les autres se demanderont pourquoi Porto, si fin en termes de recrutement, a injecté autant d’argent sur un "anonyme", dont l’expérience européenne se limite en 4 apparitions (et 4 défaites) en Ligue des champions. Gianenlli est sur la piste de décollage. Et si cette fois-ci il entend prendre son envol, il devra bien suivre les consignes.