Le business des entraîneurs, l’autre bon filon de Jorge Mendes

Sa grosse entreprise ne connait pas la crise. Les dépressions ou autres perturbations n’ont pas d’impact sur les négociations de Jorge Mendes. Le patron de la Gestifute sait dribbler les contrariétés auxquelles il pourrait être confronté. La fin de la TPO ? L’agent portugais et son réseau avancent maintenant leurs pions directement dans les clubs. Et alors que le fair-play financier cumulé à une conjoncture moins fastueuse pouvait laisser présager une accalmie au niveau de ses affaires, Mendes a misé sur un autre business : celui des entraîneurs.

L’agent qui avait transféré Mourinho de Porto à Chelsea pour 5 millions d’euros, qui avait joué les intermédiaires quelques années plus tard avec Villas Boas pour trois fois plus, est bien placé sur cet autre créneau. Tout aussi porteur et toujours aussi bien entouré. Le mercato à venir est la démonstration de son savoir-faire en la matière.

En basculant du Benfica au Sporting, Jesus a cloué ses disciples. Formé chez les Lions, il avait juré à son père – qui y a joué lui aussi – d’un jour assumer leur destinée. Promesse tenue. Avec à la clé un contrat passant de 4 à 6 (avec primes) millions d’euros annuels. Le SCP qui court après un titre de champion depuis 2002 a mis les moyens. Les euros économisés sur les deux ans d’austérité imposés par Bruno de Carvalho vont être lâchés.

BdC, qui a déjà ouvert le capital de la société sportive au groupe angolais Holdimo (actionnaire majoritaire avec près de 30% des parts), serait dans l’attente d’un nouvel investisseur. Derrière l’incroyable mutation de Jesus, pas mal de personnes ont œuvré. Son avocat, Luis Miguel Henrique, et son agent : Jorge Mendes, qui gère déjà une demi-douzaine de joueurs à Alvalade. En changeant de partenaire, Jesus ouvre une valse d’entraîneurs dans laquelle Mendes donne la cadence. Mais il n’est pas seul.

Beaucoup de benfiquistes espéraient Marco Silva voir succéder à Jesus. Y compris au sein de la direction. Une pétition circulait sur internet. Silva, qui vient de se faire remercier du Sporting pour "cause juste", est actuellement bloqué par la procédure de licenciement. De toute façon, Luis Filipe Vieira, président de Benfica, en avait décidé autrement, indépendamment de ces blocages juridiques. Le coach de 37 ans figure dans le portefeuille de Carlos Gonçalves, un concurrent de Jorge Mendes. Or LFV compte sur Mendes pour l’aider à vendre ses joueurs et (re)construire son équipe. C’est donc bien Rui Vitória qui a été officialisé comme nouveau coach des Aigles. 

Vieira se serait vu proposer Paulo Bento (conseillé par Mendes) avant d’opter pour Vitória. Ex-entraîneur des juniors du SLB (2004-2006), il s’est fait distinguer pour son boulot à Paços et surtout à Guimarães avec qui il a remporté la Coupe du Portugal en 2013. Le coach de 45 ans a pour représentant Mohamed Afzal. Cet agent encarté en Guinée-Bissau et gestionnaire de la discrète Idoloasis a réalisé quelques jolis coups avec la Gestifute. Il est aussi un familier d’Antero Henrique, le bras droit de Pinto da Costa au FC Porto, dont il est l’ex-beau-frère. Afzal régente aussi celui qui prendra la succession à Guimarães : Armando Evangelista, jusqu’ici technicien de l’équipe b. Paulo Fonseca qui était officiellement encore lié à Mendes passe souvent dans ses bureaux. Et l’actuel entraîneur de Paços va lui aussi bouger. A Braga.

Fonseca n’a pas encore été officialisé dans le Minho. Là aussi, le départ de l’entraîneur, Sérgio Conceição, vire au conflit. Le président Salvador a renvoyé Sérgio pour "juste cause". "Les graves faits qui se sont déroulés après la finale de la Coupe du Portugal qui relèvent d’un inadmissible manque de loyauté et de respect de la part de l’entraîneur vis-à-vis du SCB et ses valeurs, de sa structure directive et de son président", ont expliqué les Guerriers du Minho. Avant la publication de ce communiqué, Conceição était pressenti au FC Metz. Ces brouilles qui ont embrouillé son avenir.

En France, Jorge Mendes s’est ouvert une porte via Monaco où il soigne ses rapports avec Vadim Vasilyev. Et, bien qu’il ne roule pour personne, Luis Campos est un homme en qui Mendes a confiance. Déjà bien implanté sur le Rocher, JM peut surfer sur le succès des Portugais en Principauté pour continuer d’exporter leurs compétences dans l'Hexagone. Voilà quelques jours, Metz révélait le nom de son nouveau directeur sportif : Carlos Freitas. Un très proche de Jorge Mendes dont il était l’un des invités lorsque l’agent fut décoré de l’Ordre du mérite sportif, en 2012. En Moselle, l’homme de 40 ans va croiser Dominique D’Onofrio, le frère de Luciano (ancien agent de Sérgio Conceição) qui, du coup, va changer d’intitulé dans l’organigramme messin. 

Lorsque Freitas était  directeur sportif du Sporting, il avait œuvré, juste avant de démissionner, pour la venue de Vercauteren au poste d’entraîneur. Et c’est Luciano qui aurait facilité la connexion entre Franky et les Lisboètes. Plus récemment, la presse belge et Cash investigation faisaient le lien entre Mendes et D’Onofrio autour du Français Mangala. Conseillé par le Portugais, 10% des droits de l’ancien du Standard étaient détenus par le fond Robi Plus derrière lequel, selon la presse belge, œuvrait Luciano. Une autre part (33,3%) avait été revendue à Doyen Sports. Ce fonds d’investissements qui vient de se voir confier la gestion sportive de l’AC Milan n’a aucun lien direct avec Jorge Mendes. Sur le site officiel de Doyen, certains poulains de la Gestifute (Mangala, Falcao) apparaissent toutefois dans la colonne "players investment".

Interrogé fin mai sur les rumeurs l’envoyant à Schalke, Marc Wilmots répondait : "Ce n’est pas moi qui vais discuter, c’est Jorge Mendes." C’est fin 2013, lors d’une rencontre de C1 que le sélectionneur de la Belgique aurait été présenté à l’agent de Cristiano Ronaldo par… Luciano D’Onofrio.  Depuis quelques jours, Jorge Mendes a aussi pris en main la carrière d’Unai Emery, double vainqueur de la C3 avec Séville. En Espagne, le super-agent de 49 ans régit encore la carrière de Nuno Espirito Santo. Son premier coup. Il a fait voler l’ancien gardien du Rio Ave à Valence où il a aussi convaincu Peter Lim de miser. Et la sauce prend. Elle est même juteuse.

Entre ses joueurs "officiels" et ceux pour lesquels il a été intermédiaire, il a fait aligner aux Ché près de 100 millions d’euros en deux mercato (André Gomes, Cancelo, Rodrigo, Otamendi, Augusto, Pérez…) Le Benfica s’est notamment fait promettre quelques beaux chèques. Le boss de la Gestifute qui avait réalisé son premier transfert (Nuno) à La Corogne leur a notamment conseillé Domingos, cette saison.

On comprend alors tout l’intérêt de placer et conseiller des entraîneurs. Plus facile alors d’avoir un interlocuteur réceptif. Et vice-versa. En bossant avec Jorge Mendes, plus facile d’attirer de bons joueurs dans son club. Prenez Julen Lopetegui. Mendes a facilité la venue de l’entraîneur basque au FC Porto, il y a un an. Et dans la foulée, les Dragons ont enrôlé Adrian (11 millions d’euros, Gestifute), Brahimi (lié à Doyen Sports, 6,5 millions d’euros), Casemiro (prêt du Real) ou Oliver Torres (dont 25% des droits appartiendraient à la Gestifute, selon El Confidencial).

Non, Jorge Mendes ne fait pas tout, tout seul, mais il est souvent dans les bons coups. Et avec lui, l’effet d’entraînement se conjugue aussi pour les entraîneurs.