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Pourquoi la planète mercato continue de tourner comme si de rien n'était

Glenn Ceillier

Mis à jour 04/04/2020 à 15:18 GMT+2

TRANSFERTS – Même pendant cette période inédite où il est à l'arrêt en raison de la pandémie du Covid 19, le monde du football est rythmé par les rumeurs de transferts. Certaines sont plus ou moins fondées. Et comme pendant la saison notamment avant les grands matches, cela ne sort pas forcément par hasard. Explications avec des spécialistes du milieu.

Neymar

Crédit: Getty Images

C'est un monde fait d'informations mais aussi de rumeurs, spéculations et fantasmes en tout genre. Alors forcément, il n'est pas toujours évident de démêler le vrai du faux. Il faut d'ailleurs l'avouer d'emblée : c'est peut-être ce qui fait le charme mais aussi le succès de ce marché si singulier. On parle bien entendu du mercato. Et si certaines informations sont fondées et sortent dans la presse après avoir filtré jusqu'à des journalistes bien renseignés, ce n'est pas toujours le cas. La planète mercato vit aussi sur un jeu de bluff. Avec au cœur des intérêts multiples, notamment médiatiques, d'agents ou même sportifs…
Le rythme de ce doux feuilleton si captivant est assez facile à suivre. Il bat son plein pendant les fenêtres de transferts ou à leur approche. Et se calme en général le reste de la saison quand les championnats cannibalisent l'actualité. Mais il peut exister d'autres moments clefs. Pour combler un certain manque par exemple. Alors que la France se montre souvent mesurée à ce petit jeu - question de culture et de concurrence médiatique -, la crise liée à la pandémie du coronavirus a ainsi relancé la machine. "Ce n'est peut-être pas le meilleur moment pour croire aux infos mercatos mais c'est la manière la plus facile pour les grands médias d'attirer l'attention", nous explique un journaliste espagnol qui connait bien les rouages des grands quotidiens ibériques pour être passé quelques années chez AS à Madrid.
Un journal comme AS va faire ce qu'il faut pour exciter ses lecteurs fans du Real
Alors que le monde du football est plongé dans une incertitude inédite avec l'arrêt de son activité et que certains clubs cherchent désespérément à trouver comment survivre, il semble en effet surprenant de voir des rumeurs circuler sur des transferts XXL. Le quotidien catalan "Sport parle du Barça qui veut Lautaro Martinez et Neymar mais il n'y a pas d'argent pour les acheter ! C'est la même chose pour le Real Madrid", s'étonne encore ce collègue espagnol qui préfère garder l'anonymat et enchaine : "Un journal comme As va faire ce qu'il faut pour exciter ses lecteurs fans du Real Madrid. Et cela comprend des infos pour déstabiliser le Barça ou l'Atlético".
Cette notion de déstabilisation n'est d'ailleurs pas juste un épiphénomène dans cette sphère des transferts. Durant la saison, la vie de la planète mercato se remet aussi à tourner à d'autres périodes : lors des grands chocs par exemple. En championnat mais également en Europe. Et certains médias peuvent se mêler au jeu. Avec ce levier "mercato", qui est loin d'être anodin. Vous ne voyez pas de quoi on parle ? Pourtant, il y a fort à parier que vous avez déjà remarqué qu'il y a régulièrement des rumeurs sur un joueur adverse avant certains matches.
Rappelez-vous par exemple de l'information selon laquelle Marco Verratti rêverait "de jouer au FC Barcelone" sortie dans la presse espagnole en 2017 juste avant le huitième de finale entre le PSG et le club catalan. Ou encore de la Une de As sur "l'obsession Mbappé" avant la rencontre retour entre le PSG et le Real en fin d'année 2019. Des pures coïncidences ? Pas vraiment. C'est même tout sauf cela.
Les rumeurs servent alors pour déstabiliser l'adversaire
Alors que les journalistes cherchent des angles sur les équipes adverses et que les différents protagonistes (joueurs, entraîneurs dirigeants) sont amenés à donner leur avis sur les joueurs de l'autre équipe, il y a évidemment des raisons logiques pour que ces informations sortent à ce moment-là. Mais cela peut aussi être un calcul. "De temps en temps, c'est pour observer de plus près le joueur en question. Et d'autres fois, c'est fait exprès. Les rumeurs servent alors pour déstabiliser l'adversaire ", nous confirme un journaliste italien de la Gazzetta dello Sport, spécialisé sur le mercato.
Si la Ligue des champions est propice à ce genre de rumeurs, les championnats nationaux ne sont d'ailleurs pas en reste. Notamment en Espagne, où les quotidiens sont souvent proches d'un club. "Cela arrive aussi avec les principaux rivaux du Real Madrid en Liga, surtout l'Atlético", nous raconte l'ancien journaliste de As. "Ce que faisait As était de tout faire pour présenter des informations selon lesquelles Madrid avait un intérêt dans des joueurs de l'Atlético. C'est arrivé avec Falcao, avec Godin, avec Giménez ou encore avec les frères Hernandez (ndlr : Théo Hernandez a d'ailleurs fini par jouer au Real). C'est une tactique pour essayer de toujours mettre le Real dans les meilleures conditions pour gagner."
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Diego Godín

Crédit: AFP

Et ça vient souvent des clubs
Attention cependant, une rumeur ne sort pas non plus de nulle part. Il n'y a pas de fumée sans feu. D'ailleurs, souvent l'information est vraie. Mais sa sortie dans la presse tombe juste avant un match par calcul. "Il suffit de citer le cas de Stefan de Vrij avant Lazio-Inter (2-3), dernier match de la saison 2017-18 et décisif pour une qualification en C1", se remémore notre collègue italien. "Comme par hasard, l'info que le joueur avait signé un contrat avec l'Inter (Il était en fin de contrat avec la Lazio, ndlr) est sortie la semaine du match. Igli Tare, le directeur sportif de la Lazio, l'avait souligné. De Vrij n'avait d'ailleurs pas fait un bon match (il concède le penalty du 2-2)".
Ces rumeurs ne sont alors pas seulement le fait des médias. "Cela peut être lancé volontairement. Et ça vient souvent des clubs ", ajoute notre journaliste de la Gazzetta dello Sport. Avec cette envie de mettre ce petit caillou dans la chaussure adverse en révélant un détail qui peut semer le doute et enrayer une mécanique… "C'est une tactique courante. En Espagne, les matches ne se jouent pas seulement sur le terrain", résume le journaliste espagnol. Cependant, il n'y a pas que des enjeux sportifs. Les clubs peuvent aussi donner quelques billes à des journalistes pour faire avancer un dossier compliqué par exemple. Ou mettre un autre club au pied du mur. Ce qui nous amène aux derniers acteurs de cette planète : les agents.
Pour alimenter encore un peu un monde qui fait rêver par les montagnes d'argent investi depuis des années, les représentants des joueurs ne sont pas en reste. Ils n'hésitent pas à s'en mêler en donnant quelques informations pour faire parler d'un de leurs protégés. Histoire de faire monter les prix lors de négociations pour une prolongation par exemple. Et ce n'est alors pas toujours très fiables… "Bien sûr et c'est fait avec la complicité journaliste bien souvent", nous confirme un agent français. En clair, la fin justifie les moyens. Et de multiples façons. Au grand bonheur de tous les protagonistes ou amateurs de cet univers passionnant.
(Avec Guillaume Maillard-Pacini et Maxime Dupuis)
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